Errances collectives

Revoilà “Errances Narratives”. Ce blog est désormais celui d’un collectif : l’ensemble des participants, anciens participants et enseignants de la Fabrique Narrative. Depuis son ouverture, le 4 avril 2009 à Bordeaux, notre centre consacrée au développement et à l’enseignement de l’approche narrative australienne en langue française a su fédérer autour de ses activités une communauté forte d’une soixantaine de membres : coachs, thérapeutes, psychologues, travailleurs sociaux, DRH, professionnels de la relation d’aide, enseignants français et australiens…

“Errances Narratives” sera désormais l’espace d’expression et d’échanges de cette communauté. Idées, récits de conversations, développements théoriques, partage de lectures, retours d’expériences : chacun pourra proposer ses compréhensions et les enrichir grâce à l’échange. Alors à vos claviers, pour continuer à “errer” tous ensemble dans cet espace partagé d’exploration et de respect.

L’équipe de la Fabrique Narrative

(Nous sommes désolés pour les petites erreurs de manips qui ont accompagné la remise en ligne, certains d’entre vous ont pu recevoir plusieurs e-mails de notification. Nous vous prions de nous en excuser si c’est le cas.)

3 réflexions au sujet de « Errances collectives »

  1. Oui tu as raison Luc c’est une excellente initiative, merci à vous.
    Pour l’inaugurer, j’ai envie de partager avec vous cette vision narrative que l’un de mes clients vient de m’adresser (ce texte a été également publié en tant que post à part entière avec l’autorisation de Dina)

    La Narrative au service de notre vie
    « Une vie, ce n’est pas un chemin, c’est une multitude de chemins. Nous avons l’illusion d’une ligne – notre “ligne de vie” – comme une ligne de métro avec ses stations, toujours les mêmes, toujours dans le même ordre. Vous allez me dire : c’est normal, c’est la chronologie ! Je ne suis plus d’accord avec cette vision. La ligne que nous décrivons, les stations que nous y recensons, l’ordre dans lequel nous le faisons, tout cela résulte du choix du narrateur, de l’histoire qu’il a élaborée pour intégrer des évènements que, dans le moment, il juge importants et structurants. Or, pouvez-vous faire découvrir Paris à des étrangers en parcourant seulement la ligne 12 ou la ligne 3 du métro, fût-ce de la surface ?
    Je vais vous donner un exemple de la manière dont on choisit de prendre la ligne 12, la 3 ou la 8. Vous arrive-t-il, comme à moi, d’être porté à la cyclothymie ? Y a-t-il des matins où tout semble sourire et d’autres où la grisaille envahit votre âme ? Si vous connaissez ces polarités, votre vie vous apparaît sous des jours contrastés. Elle est comme ces danseuses de Pirandello dont la robe change de couleur en passant sous des projecteurs différents.
    Ainsi, j’ai fini par comprendre qu’il ne faut pas se représenter notre vie comme une ligne mais comme un espace. Pas comme un chemin, mais comme un paysage. Comme une ville, finalement, avec ses hauts-quartiers, ses lieux de lumière et ses zones d’ombre, ses lieux branchés et ses « squatts ». Et, à l’intérieur même de ces lieux contrastés, on peut rencontrer l’incongruité : faire de mauvaises rencontres dans les beaux quartiers et de belles rencontres dans les mauvais.
    Ainsi, j’ai découvert que je peux me représenter ma propre vie d’au moins deux manières très opposées : une belle route qui s’élève progressivement, en serpentant un peu, et qui m’emmène vers des accomplissements successifs où je me découvre moi-même – ou bien une errance glauque, absurde, qui n’a pour vertu que de révéler la gamme de mes infirmités et de mes malchances. Dans cette ville qu’est ma vie, les lieux que je revisite dépendent en fait de mon humeur et de l’itinéraire que celle-ci me fait prendre. Attention, d’ailleurs, aux routines: à force de prendre toujours le même itinéraire, je cours le risque de me faire une représentation très appauvrie de ma ville et de ma vie.
    Premier itinéraire. Si je me réveille avec un bobo à l’âme ou avec une crise de foie, je vais parler de ma vie comme d’une série d’erreurs, d’insuffisances personnelles et éventuellement d’injustices. Je n’ai pas été capable d’achever mes études secondaires. Je n’ai pas réussi à coucher avec la grande Nunuche – et pourtant tout le lycée était passé dans son lit. J’ai planté le commerce de mon père. J’ai connu, certes, des débuts de réussite mais ils ont toujours fini par tourner court. J’ai flingué mon mariage. Je ne suis même pas sûr d’être un bon père. En fait, en tant que conteur amer de ma vie, j’ai choisi de divaguer, de tourner en rond dans mes bas-quartiers, et si j’emmène quelqu’un avec moi, ma ville va lui paraître quelque chose de sordide et de puant.
    Un autre itinéraire maintenant et, je vous l’assure, toujours dans la même ville. Adolescent, j’avais une intelligence trop libre, des aspirations profondes mais dont je ne trouvais pas la clé. Seule une succession d’expérimentations – d’apprentissages – m’a permis de me trouver moi-même. Je me suis réalisé d’une manière – de plusieurs manières en fait – qui n’était pas celle que mes parents ou mes maîtres auraient pu imaginer. J’ai dû me débrouiller sans aiguilleur. Il m’était nécessaire et il m’a été fécond, par exemple, d’en passer par l’autodidaxie. Il me fallait au cours de ma vie embrasser plusieurs métiers que je ne connaissais pas à l’avance et qu’à chaque fois j’ai dû inventer. Quelquefois, bien sûr, cela a rassemblé aux « escaliers de la Butte si durs aux miséreux » que chantait Piaf. Et, quelquefois, je me suis retrouvé dans de sombres impasses, de véritables coupe-gorge. Mais, quand je regarde ce qui s’est réellement passé dans ces lieux sinistres, force m’est de reconnaître qu’à tout le moins j’y ai fait preuve de résilience et peut-être aussi de quelques autres vertus. Ce sont ces belles rencontres que j’évoquais, que l’on peut faire dans de mauvais lieux – des rencontres avec soi-même.
    Alors, si j’avais un exercice à proposer à ceux que le dénigrement de soi guette parfois, ce serait de prendre une très grande feuille de papier et de dessiner leur ville en trois dimensions : la plaine et les hauteurs, la rivière et ses ponts, les quartiers pauvres, les quartiers riches, les parcs, les magasins, les bistrots, les stations de bus ou de métro, les bancs et les terrasses, les églises, les monuments, les écoles, les usines… Pourquoi pas aussi, quelque musée où ranger de vieux souvenirs devenus encombrants et un cimetière pour ce qui fut et n’est plus. Et je proposerais d’imaginer ensuite une grande variété d’itinéraires différents, comme si vous deviez la faire visiter à des touristes dont les intérêts ne sont pas les mêmes. A certains moments, vous verrez, vous aurez envie de devenir urbaniste et vous prendrez plaisir à remodeler certains quartiers, à rajouter un pont sur la rivière ici, une fontaine au coin d’une rue là, ou, comme Haussmann, à percer une avenue. Voilà ma façon de me représenter la « Narrative ». »

    Thierry Groussin, Responsable de la formation des Dirigeants au Crédit Mutuel

  2. Ha, voila une excellente initiative narrative… Merci Pierre de cette mise a disposition pour tous de ton blog, en tous les cas de son nom….
    Et toi, tu continuera a t’y exprimer au fil du temps comme tu le faisais ?
    Bon 1er mai a toutes et tous.
    Luc

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