QUE FAIRE DE LA COLERE ?

Voilà une drôle de vidéo transmise par notre amie Michèle Gauthier. Un monsieur, père de famille français vivant au Japon, un de ces anonymes qui ne passent jamais dans les médias, grâce au vecteur narratif que représente Internet, pique une grosse colère au sujet du nucléaire.

Outre qu’à titre personnel, ce témoignage me touche beaucoup, je trouve qu’il pose des questions intéressantes sur l’information dominante transmise par des médias potentiellement façonnés par le pouvoir moderne, mais en même temps professionnelle, distanciée et recoupée, et une forme d’information alternative.
Cette information alternative est affective, partiale et proche de l’expérience. On la voit se développer dans certains secteurs de l’information professionnelle et parfois prendre sa place, avec toujours la suspicion d’un montage ou d’un trucage cynique (cf. le débat dans ce blog il y a plus d’un an sur Marlo Morgan).

Que faire de ces témoignages, comment les intégrer dans un récit qui alimente nos représentations du réel, mais également notre identité ? Ne courons-nous pas le risque, dès lors que nous sommes conscients que toute information est un montage narratif effectué par quelqu’un, depuis quelque part, avec une intention et des angles morts, de perdre tout point de repère et de ne voir au bout du compte que des Pixels ?

Comment vous y prenez-vous pour intégrer ceci dans votre vision du monde, comment vos “meaning-making skills” (compétences à fabriquer du sens) vous permettent-t-ils de lui trouver une place dans la polyphonie des histoires qui construisent votre identité ?

7 réflexions au sujet de « QUE FAIRE DE LA COLERE ? »

  1. Que tous les gens en colère se prennent par la main tout autour du monde et continuent à tenir des propos exagérés, tant pis s’ils sont manipulés ! Toute révolution populaire, tout mouvement social, se retrouve vite manipulé, cela n’enlève rien aux révoltes initiales. Laissez-moi râler et dire n’importe quoi. Je ne dis pas n’importe quoi, je suis en colère et mes propos ne sont jamais assez forts pour exprimer cette colère qui gronde. C’est la mission des indignés de tous bords, exagérer, ne pas tout vérifier. C’est différent du journalisme. Je me rappelle, dans un tout autre domaine, un sketch de Gad El M où il joue un père de famille très en colère après son fils et sa femme et où il se couvre de ridicule tellement il dit n’importe quoi, comme notre bonhomme ici quand il additionne les pourcentages. Cela n’enlève rien à sa colère et la raison de sa colère. La colère est difficile à dire, elle existe pourtant. Elle parle bcp d’injustice, mais c’est peu de le dire. J’aimerais tant que les discours politiques perdent en retenue et gagnent en colère.
    NON, je ne voudrais jamais que mes petits-enfants aillent à l’école avec un dosimètre pour que mon fils puisse mesurer à leur retour à quel point ils ont été touchés par la radio-activité. J’ai lu des romans de science-fiction qui décrivent la vie après une catastrophe nucléaire. J’ai entendu récemment au sujet de la conquête de l’espaceque la réalité avait de plus en plus de mal à rattraper la fiction : j’en accepte l’augure, mais tremble, quand j’y pense, d’habiter si près de Blaye. Je n’ai aucun espoir, en cas de catastrophe à Blaye. Mon seul espoir est un revirement de stratégie énergétique.
    Qui peut me dire les conséquences sur les terres, les gens, les animaux, les mers, les plantes, de ce qui s’est passé au Japon et en Russie (est-ce que les images venant des populations post-Tchernobyl sont truquées elles aussi ?) ? Qui peut me le dire en me regardant droit dans les yeux ? Qui le sait ?

  2. La question est : qu’est ce que je fais de ça ? Qu’est ce que cela change à notre difficulté à construire l’avenir et à me construire à partir de mes propres histoires ? Sont-elles vraies ? La vérité de quoi, depuis quel angle ? DSK, les Tours du 11 septembre, Kennedy, c’est quoi la vérité et pour qui ? La vérité devient alors un formatage d’attentes… Se sentir disqualifié parce que je me suis fait berner n’est pas une construction de mon histoire préférée mais la résistance de mon égo à ne pas accepter la vie et mes expériences comme jugées des imperfections. Rejeter la responsabilité de mon engagement ou non sur l’auteur des propos, attendre une validation par les grandes instances sur mon mode de pensée et je suis prisonnier de ce que l’on attend de moi, je reste dans l’attente, je ne suis pas dans ma vie, je ne suis plus libre d’être qui je suis.

  3. Ben oui, c’est ben le souci : que tout sujet d’indignation ou d’enthousiasme, que toute sincérité soient récupérés et phagocytés par un système qui les estampille “manipulation” ou “montage” et disqualifie ceux qui y croient comme des naïfs ou des gogos, disqualifiant du même coup toute réaction un peu spontanée et sincère. Je trouve ça aussi dangereux que les manipulations et les montages eux-mêmes…

  4. J’ai vu cette vidéo il y a une bonne semaine déjà et, quoique elle dise des choses que je peux partager, elle m’a mis mal à l’aise. J’ai eu l’impression d’un montage. La spontanéité du propos me paraît conduite avec un art consommé. Oui, c’est une mise en récit. Mais celui qui met en récit est-il d’abord qui il prétend être ? Est-ce un Français qui vit à Tokyo depuis dix ans et qui nous parle de là-bas ? Est-ce un récit issu de sa vie, ou bien une habile construction théâtrale, ou bien les deux ? Le statut du “récitant” et du récit reste important pour moi…

  5. Vos commentaires me font cheminer. Et même si ces faits sont inventés, le récit reste un récit, une organisation d’expériences de vie proposée à notre entendement et qui reste valable pour contribuer à notre sens de la vie. Je me rends compte que cette obsession de la “véracité” est elle aussi un e façon de disqualifier les récits formatés différemment. Mais ceci ne nous dispense pas de nous interroger sur les intentions de la personne qui raconte, de celle qui fait l’editing de l’histoire et de celle qui la diffuser.

  6. J ai une boule dans la gorge à l’écoute de cet homme en colère et boulversé.
    Je respire..et mets au repos mon cerveau limbique.
    Qu’est-ce-qui me parle dans cette vidéo? le cadrage?, la chemise du monsieur? ses propos, son analyse, sa colère de citoyen ,de père? Le paysan japonais?la video?…

    Hypothèses:
    Cet homme m’amène a prendre conscience de la propagande française:”tout va bien chez nous” “la menace vient d’ailleurs”.SUPER PUISSANCE, histoire de toute puissance qui devient dominante et paralysante. oUI? Lecture possible.

    Cet homme est un militant anti nucléaire , manipulé par un groupe.Les faits sont inventés. SUBVERSION, histoire alternative , préférée pour certains. oui, lecture possible.

    Cet homme est boulversé par la pendaison du paysan japonais, cela le ramène à sa propre histoire dominante.il en découle une série de réflexions qui font sens pour lui car elles sont diffusées à des millions de personnes. pARANOIA.histoire préférée qui peut devenir dominante pour un groupe.oui, lecture possible.
    D’autres sont possibles, et ne seraient -elles pas toutes recevables?

    je vais tricoter des liens à partir d’un fil conducteur qui fera sens pour moi, épaissira mon histoire et fera qui je suis.
    A la relecture je découvre un ordre ; est-il le signe d’une préférence.A ce moment précis,
    J’ai déjà tricoté, j’ai changé, et j’ai peur..

  7. Merci à toi Pierre de cette diffusion et ce thème que tu nous proposes. Personnellement, je “cultive” ma “boussole” intérieure, mon ressenti. Puisque mon mental ne peut pas tout connaitre, puis que je ne peux pas tout savoir, face à une information, je me pose diverses questions (est-elle vraisemblable ? de croire cette information, qu’est-ce cela apporte au monde ? à qui ça profite ?) en sollicitant le mental et cela me donne déjà des infos … puis je me demande : “comment tu le sens ? est-ce que tu trouves cela crédible ?” et là, j’écoute mon ressenti, au delà du mental. Comme c’est du ressenti, je prends la réponse toujours avec un doute, comme en maths : on pose une hypothèse, et tant qu’elle n’est pas démontrée fausse, on le prend pour vraie. Tant que mon ressenti me dit “c’est vrai” et qu’aucune info complémentaire ne vient dire le contraire, je garde l’info comme vraie, et j’agis alors en fonction de cela ET je reste ouverte au fait que cela peut être faux.
    Ch’suis pas sure d’être très claire … enfin, c’est toujours une négociation entre moi et moi ! et j’avance ! au plaisir du partage !

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