Remembrement partiel avec un versant du personnage

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Dans la pratique du regroupement (ou remembrement), chaque personnage peut offrir plusieurs possibilités et plusieurs lignes de récit.

En technique narrative, la conversation de regroupement (« remembering conversation ») est une conversation qui permet au client de restaurer et de renégocier son lien avec une personne de son « club de vie », ce qui aboutit à réorganiser ce club en promouvant certains membres importants dans la naissance et le développement d’une version de l’histoire menant à une description riche de l’identité du client. La réorganisation de l’identité va de pair avec la réorganisation du club. Le mot « remembering » joue en anglais sur ses deux sens : il signifie à la fois « se souvenir » et « re-member», remettre des membres du club à leur juste place. Ce qui fait que pour ma part, le mot « remembrement » me semble plus proche de l’anglais que « regroupement ».

Fondée sur le fait que « l’identité est un projet social » (M. White), elle permet de décrire et de reconnaître les contributions à l’identité du client de certaines figures importantes dans sa vie, parents, éducateurs, amis, mais également doudous, animaux domestiques, personnages de films ou de séries TV, figures de la culture populaire. Mais elle permet également, et ce n’est pas le moindre de ses intérêts, de montrer comment le client a contribué en retour à la vie et à l’identité du personnage. L’objet de ce post n’est pas de décrire en détail les conversations de remembrement mais de parler d’une option de remembrement avec une partie, un versant d’un personnage qui fait partie aussi (mais pas seulement) de l’histoire dominante, voire qui a joué un rôle très important dans sa mise en œuvre et dans sa diffusion.

Exemple avec l’un de mes clients, qui travaille sur une histoire de “manque de courage”. Il relie ce problème, qui l’empêche d’aller se confronter à son patron à son ambition de ne pas décevoir sa mère autour du thème « ne pas décevoir ». Ce thème est alimenté par de multiples histoires où sa mère l’a dévalorisé dans ses études et lui a dit combien elle était déçue qu’il ne soit pas plus brillant scolairement, le comparant à ses cousins et à des enfants d’amis. Afin de lutter contre le sentiment douloureux d’être quelqu’un de décevant, il a donc développé une histoire de garçon parfaitement bien élevé et poli, ce qui était reconnu et valorisé par l’ensemble de son entourage

Plus tard, devenu adulte, il a fait une grande carrière de dirigeant d’entreprise, et ceci a changé le sentiment de sa mère vis à vis de lui. En effet, elle est devenue très fière et enviée par les mères d’amis ou de cousins à qui elle le comparait. La conversation de remembrement retisse les liens non pas entre le client et sa mère, mais entre le client et cette mère-là qui était fière de lui, cette version-là de sa mère, avec des histoires de fierté et des enrichissements identitaires mutuels autour de cette fierté. Bien que la mère ait explicitement porté l’histoire dominante de déception, elle porte aussi l’histoire réparatrice de fierté (et aussi une réflexion secondaire importante pour le client : qu’il soit possible par ses réalisations faire changer le regard que les gens portent sur nous, réflexion alimentant le sentiment de « personal agenda », ou sentiment que nous pouvons avoir une influence sur notre propre vie).

4 réflexions au sujet de « Remembrement partiel avec un versant du personnage »

  1. Bonjour,

    Merci des éclairages et des précisions apportées à la notion et à la pratique des conversations de “remembrement”. J’ai trouvé cela utile.

    Désolé pour l’aspect éventuellement incongru de cette demande mais j’aimerai en savoir plus sur la photo qui accompagne cet article.
    Aux traits physiques des personages, il m’a semblé reconnaître un groupe d’indigènes australiens. Cependant j’ai été très frappé des similitudes presque point par point (couleurs des pagnes, feuilles dans la main droite, kaolin blanc sur le visage et le corps,..) avec un rituel des pygmées du Gabon.
    Au point que si vous aviez quelques informations sur cette cérémonie elles seraient bienvenues. D’avance merci…

  2. Pas du tout. Ce n’est pas de l’enc… de mouches ou de la tétracapillosection (= coupage de cheveux en quatre). “Remembrage” me paraît fantastique, le fait d’inventer des mots lorsqu’ils ne sont pas disponibles dans la langue française encore plus. Par contre, la définition du remembrement foncier me donne vraiment à réfléchir, si on conserve la métaphore et qu’on l’applique au remembrement (ou remembrage) narratifs…

  3. Je suis tout à fait d’accord avec ta réflexion sur la traduction de remembering. Regroupement ne me paraît pas non plus le mot exprimant le mieux l’idée de ces conversations.

    Lorsque j’ai écrit, en Français, ma fiche de lecture sur Maps, j’ai cherché la traduction qui pourrait à la fois évoquer l’action de se rappeler et celle de faire un audit des membres de son club de vie. Je n’ai pas trouvé. J’ai finalement choisi d’inventer le mot “remembrage” (je voulais “membre” dans le mot à défaut du souvenir).

    J’avais deux raisons pour cela :
    1. Tout d’abord, remembrement avait déjà une définition précise et bien identifiée dans les esprits : “aménagement foncier qui a pour but de substituer au morcellement excessif des terres des parcelles moins nombreuses, plus grandes et pourvues d’accès faciles”, Petit Larousse – signification qui n’amenait rien à ces conversations selon moi. Elle m’en éloignait même car je ne suis pas à l’aise avec les idées économico-politiques véhiculées par la notion de remembrement comme aménagement foncier.
    2. Ensuite, le suffixe “age” (du latin agere, agir) me semblait plus dynamique que le suffixe “ment” (du suffixe latin -mentum, ajouté à la base verbale pour former des substantifs décrivant le résultat de l’action). “Remembrage” mettrait plus l’accent sur l’action que sur le résultat de l’action.

    Un peu comme l’enc..age des mouches, me direz-vous ?

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