Une métaphore opérative pour ceux qui enseignent et partagent les idées narratives…
Vous visitez un château ou un musée avec un enfant. Chacun d’entre vous a un appareil photo. Après la visite, vous chargez les photos sur l’ordinateur et comparez vos deux diaporamas. Ils n’ont rien à voir. Les photos composent deux récits différents qui donnent l’impression que vous avez visité deux endroits différents.
En l’occurrence, l’enfant pourrait ne photographier que les têtes d’animaux empaillées pendues aux murs et les détails de tableaux représentant des animaux… Parce que ce sujet l’intéresse. En fait, il suffit d’observer les touristes au cours d’une visite de monument pour constater que tout le monde fait à peu près les mêmes photos des mêmes choses -sauf justement les enfants- Pourquoi ?
Peut-être parce que d’une part, ce sont certaines choses qui sont soulignées et mises en valeur par les organisateurs du contexte (les “metteurs en contexte” ?) et aussi que nous partageons un ensemble de notions culturelles communes qui informent ce qui est censé mériter la photo au cours d’une visite de musée et ce que nous laissons de côté parce que ce n’est “pas intéressant” (jamais de photos des WC par exemple).
Nous visitons tous le même château mais nous en revenons avec des diaporamas différents, façonnés par l’idée que nous nous faisons de ce qui est important et digne d’être immortalisé. Ceci semble constituer une métaphore pédagogique intéressante pour expliquer la constitution des récits, en complément ou en alternative de la métaphore du métro, développée sur le site de Dina Scherrer et reprise ici-même par Thierry Groussin il y a un peu plus d’un an.
(à propos de photographie, ce serait sans doute intéressant aussi de réfléchir à la différence dans notre manière de photographier et donc dans notre manière de regarder le monde lorsque nous avons un appareil photo autour du cou, apportée par la transition entre l’argentique et le numérique… C’est un sujet pour Lionel Ancelet !)
Notre collègue Henri Gourgue (BPI) nous signale par ailleurs que Daniel ARASSE,historien d’Art, a écrit des choses intéressantes autour de ce sujet et du “formatage muséal”. si vous êtes intéressés, l’ouvrage de référence est “Histoires de peinture”
Intéressant le regard de l’enfant… Cela me rappelle une anecdote. Sophie, ma fille, devait avoir à l’époque une dizaine d’années. Avec son école, visite du Louvre.
Le soir je lui demande “alors… c’était comment, tu as aimé ? ”
Sa réponse est presque aussi vraie qu’une photo “C’était fatigant,j’avais tout le temps la tête en arrière, pour regarder en l’air”…
Avec ou sans appareil, comment pourrions nous voir les mêmes “images” ?