DANS LA PEAU DE L’AUTRE


Le dernier Almodovar nous pose en termes narratifs la question de la construction de l’identité sexuelle, une question que connaissent bien nos collègues qui travaillent sur la «queer therapy”.

Être un homme ou être une femme, comment est-ce que cela se fabrique ? Quels sont les liens entre les caractéristiques biologiques de notre corps et le sentiment que nous avons d’appartenir à un genre ou un autre ? Comment dessinons-nous les frontières entre le fait d’être un homme et celui d’être une femme ? Et existe-t-il et de véritables frontières tranchées sur ce sujet ou ces limites ne sont-elles elle-même que des constructions culturelles ? Peut-on même parler d’être un homme et d’être une femme ou au contraire ne serait-il pas plus judicieux de considérer qu’il existe un territoire identitaire, une sorte de continuum de l’identité sexuelle qui possède plusieurs agglomérations mais pas de frontières définies, sinon à travers un ensemble de récits culturels, traditionnels et familiaux qui renseignent l’ensemble des «shoulds » que nous devons respecter pour que notre environnement social sache avec certitude si nous sommes un homme ou une femme…

Pour certaines personnes, la question du genre est cruciale dans la mesure où il n’existe aucun récit culturel auquel elles puissent s’identifier et qui puissent enraciner une inscription identitaire quelconque : en dehors d’homme, femme, transgenre, gay, lesbienne, peu d’identités sexuelles sont à la disposition des gens, qui puissent leur permettre de refléter fidèlement l’infinie complexité et la finesse du choix d’orientation sexuelle et sentimentale que nous faisons à tout moment de notre vie, avec ses ambivalences, ses multiples facettes, et ses éventuelles incohérences.

Mais la question la plus prégnante du film est celle de savoir si l’on peut façonner l’identité sexuelle de quelqu’un d’autre à son corps défendant (si l’on peut dire). Manifestement, la réponse d’Almodovar, en forme d’espoir, est que la personne reste le seul juge et le seul créateur de sa propre identité, aidée en cela par la méditation et l’expression artistique. Même si l’on ne peut pas dire avec certitude qu’elle produit son identité (d’autres histoires dominantes l’ont influencée tout au long de sa vie), nous pouvons assister à la démonstration implacable du fait que même enfermée pendant des années sans aucun contact avec l’extérieur, la personne garde un seul pouvoir : celui de choisir.

 

 A part ça, c’est la rentrée. Nous espérons que vous avez passé de bonnes vacances et que l’été vous a permis de vous ressourcer et de vous reposer. La Fabrique Narrative reprend ses activités dès le 7 septembre avec la Classe de Mer à Arcachon, entièrement consacrée à Stephen Madigan sur le thème de l’individualisme et, justement, de la construction sociale de l’identité et de la façon dont les relations de pouvoir peuvent infléchir cette construction. Il reste des places, ne ratez pas cette occasion de passer trois jours avec l’un des plus grand thérapeutes narratifs actuels.