Voici un très beau texte rédigé par Martine Compagnon à l’issue de l’atelier inaugural du nouveau cycle d’initiation aux pratiques narratives, à Bordeaux. Martine est coach, comédienne, conteuse et clown. Elle tisse ici des liens et des passerelles entre les différents mondes qu’elle visite.
J’ai eu envie de partager avec vous quelques ressentis sur ce premier atelier (pour moi) de “la narrative”.
Tout d’abord, j’ai eu une double impression surprenante : la sensation de rentrer dans une maison que je n’ai jamais visité mais qui m’est familière. Et en même temps, une vraie différene de façon de faire et de voir les choses, avec ma pratique actuelle…
Les différences de posture, elles se traduisent par exemple par l’idée (c’est anecdotique mais parlant pour moi) de remettre les notes au client. je ne note pas spécialement de commentaires sur mes notes d’entretiens mais ma simple écriture est souvent remplie d’abréviations personnelles ou pas lisible. Ce sera(it) donc un vrai changement de point de vue que de me dire que j’écris pour quelqu’un d’autre que moi… pour le propriétaire des paroles énoncées.
Le fait de poser des questions pour M’aider à comprendre, pas pour aider l’autre à percevoir ce que je pense avoir saisi… est aussi un vrai changement.
je ne parle pas du changement fondamental qui est porté par la narrative elle-même (le concept d’histoire, à problème ou préférée, etc.), mais des changements de pratiques très immédiats, concrets, qui traduisent qu’il s’agit d’un autre univers….
Là où je me sens chez moi, dans une pratique de coach ou de conseil, ou de formateur, c’est dans la conception que la réponse est chez la personne. Cette certitude m’accompagne depuis longtemps.
L’externalisation du problème est aussi une notion que j’avais déjà entendu et intégrée mentalement. Mais le rappel du caractère potentiellement normatif, pathogène, du coaching d’entreprise était pour moi un bon rappel.
Les familiarités plus surprenantes pour moi, sont venues par exemple, vous l’avez entendu, de ma conviction déjà bien là que les histoires existent et nous agissent, nous traversent, presqu’indépendamment de nos volontés. Simplement, je les considère jusqu’à présent comme des aides et je ne m’étais pas penchée plus que ça, dans le monde de conteuse qui est une partie du mien, sur les histoires de problèmes.
Et pour intégrer, s’entraîner à, vivre la curiosité émerveillée, la capacité à attendre que l’autre ait fini de parler avant de se demander ce que ça nous fait… pour découvrir la beauté et la difficulté de co-créer à deux une improvisation en temps réel sans avoir d’intention pré-conçue, je ne peux que vous inviter, si vous croisez cette activité, à vous lancer dans le monde du clown d’improvisation, ce personnage qui est dans l’instant présent, dans ce que “ça” lui fait (le “ça” étant ce qui se passe à l’instant présent) et dans l”impudeur de dire tout haut ce qui lui passe par la tête (y compris ses doutes, ses incompréhensions…).
J’ai trouvé beaucoup de lien entre ce monde et celui de la narrative. Y compris par des exercices et des structures que nous utilisons pour jouer ou nous entraîner, et qui relèvent aussi de nos pratiques “d’écoutants narratifs” : ex; compter 3 secondes avant de répondre, s’amuser à énoncer ce que l’on va faire (détailler les mouvements) au moment où on les fait… et vivre l’impossibilité de traduire l’expérience en mots… et s’en amuser !…
Bonjour Lysiane,
Merci de ce retour ! le triangle du regard (du) public ne m’avait pas encore sauté aux yeux mais grâce à toi, je le vois maintenant !
ravie de te lire sur ces passerelles qui me parlent bien.
bonne journ”nez”
martine
Quel beau nom que celui de Compagnon “celui qui partage le pain” !
Un grand merci Martine pour ce témoignage lequel a éveillé en moi d’autres réflexions, car
pour ne rien te cacher je suis aussi clown d’improvisation. Je dois dire que je n’avais jamais
fait le parallèle entre ce monde et la narrative, et à te lire je me dis que oui il y a des ponts
entre les 2.
Tout d’abord dans le processus: autant dans la narrative que dans le travail du clown, c’est ce
qui ma parait être le plus important et non l’objectif. C’est à dire être, tu le dis si bien, dans
l’ici et maintenant et ce qui se créé dans la relation.
Et puis c’est aussi prendre appui et réciproquement sur son partenaire afin de permettre à
chacun d’exister en tant que clown.
Dans la narrative, le praticien prend appui sur ce qu’apporte la personne à accompagner, et
cela lui permet d’être suffisamment influent dans ses questions, et du coup donner du sens à sa
pratique.
Et puis dans le travail du clown, il y a aussi, la relation triangulaire entre soi, le partenaire et
le public. Le public, véritable miroir, ne serait-il pas le témoin en narrative? Celui qui met en
évidence tout ce qu’il y a de bien dans la personne et ce que cela éveille en lui d’important ?
Il y aurait sans doute d’autres passerelles à faire, mais me concernant la 1ère qui me vient c’est
que dans les 2 pratiques, j’éprouve un vrai plaisir!
Lysiane