LA CRITIQUE DE LA NARRATIVE ARRIVE T-ELLE D’EN HAUT ?

balta_gpar Laurence d’Andlau et Valérie Steiner

La semaine dernière, nous avons assisté à la conférence de François Balta dont le thème annoncé était : « Approche systémique & Approche narrative ».

Dans son papier de présentation de cette conférence, il indiquait qu’il allait, entre autres sujets, « envisager les risques qui menacent l’approche narrative ».

Le point de départ de son intervention a été l’histoire de trois expériences de collaboration qu’il a vécues avec des praticiens narratifs ; dans les trois (selon lui), il n’a pas été écouté, et n’a ressenti ni bienveillance ni même respect de leur part, à l’inverse des valeurs qu’ils prônent.

Il a regretté que la « thérapie narrative » soit devenue la « Narrative » puisque, à ses yeux, cette approche est avant tout thérapeutique. Il a tempéré sa remarque en précisant que lui-même se surprenait à dire « systémique » au lieu d’approche systémique, cédant ainsi lui aussi à une facilité de langage.

Après avoir insisté sur le tronc commun de toutes les approches systémiques, dont la narrative, la thérapie contextuelle et de bien d’autres, il en a dégagé quelques points communs, qui s’appellent processus, circularité, co-construction, éthique des relations. « Chacun construit le monde dans lequel il vit et est construit par ce monde. Questionner, tenir compte de ceux qui ne sont pas là. Regard élargi. Notre point de vue est marqué par la place qu’on occupe dans le système, il est donc partial et partiel. La complexité du réel autorise une multitude de lectures possibles. A un moment ou à un autre, nous rencontrons la résistance du réel », nous a-t-il dit.

François a ensuite rendu un vibrant hommage à Michael White en se référant au livre de celui-ci « Cartes des pratiques narratives », qu’il avait bourré de post-its. Il a parlé de la finesse, de l’intelligence, de l’éthique relationnelle, de la justesse et de la justice toujours présentes dans la pratique de Michael.

Enfin, il a abordé les dangers qui guettent l’approche narrative, d’une communauté jeune et encore bouillonnante de créativité même si « ce point de vue critique arrive certainement trop tôt dans l’histoire des thérapies narratives », ainsi qu’il l’a indiqué au début de sa conférence.

–       La tentation propre à toute nouvelle approche, de se sentir «  meilleure » que les autres et très innovante.

–       L’utilisation d’un jargon incompréhensible pour les « non-narratifs », et pour leurs clients, par exemple : « déclaration de position », « cérémonie définitionnelle », « histoire dominante », etc. Ce jargon, élément de reconnaissance entre praticiens narratifs, exclut de fait ceux qui n’en sont pas.

–       L’utilisation des questions telles que formulées dans les cartes proposées par Michael, souvent très compliquées et qui à l’inverse de ce que faisait Michael White ne tiennent pas compte de ce qui est dit au fur et à mesure par le client : utilisées au pied de la lettre, elles empêchent d’être à l’écoute du client  et de l’accompagner dans le chemin qu’il a choisi.

Nous étions de nombreux praticiens narratifs dans la salle (coachs et thérapeutes), et si le propos de François nous a semblé intéressant, il n’en était pas moins dérangeant pour beaucoup d’entre nous : nous avons ressenti le même manque de bienveillance que François avait dénoncé en introduction.

Intéressant car il est toujours précieux d’échanger sur des points de vue différents, et que finalement nous étions d’accord sur l’essentiel: l’intérêt de l’approche narrative et les points de vigilance à garder en tête.

Et dérangeant car nous avons eu la sensation que notre pratique n’était jugée qu’à l’aune de la dérive de certains et dès lors réduite à une pratique quasi-sectaire.

Nous aurions aimé poursuivre le débat et convaincre François Balta que nous développons des manières plus justes et plus subtiles de travailler avec l’approche narrative !

Mais nul doute que les propos développés ici vont lamer ce débat et appeler de nombreux commentaires ! (NDLR)

PS : François Balta nous indique qu’il va mettre d’ici quelques jours un texte plus développé sur son site : www.frbalta.fr

13 réflexions au sujet de « LA CRITIQUE DE LA NARRATIVE ARRIVE T-ELLE D’EN HAUT ? »

  1. Tout d’abord je voudrais te remercier François d’avoir gentiment accepté d’animer cette conférence pour la Fabrique Narrative. Je regrette vraiment de ne pas avoir pas pu assister à cette soirée.

    Je viens de lire tous vos échanges, je viens de lire également la synthèse de François sur son blog. J’invite d’ailleurs ceux qui comme moi n’ont pas pu assister à la conférence de lire cette synthèse sur le blog de François car on retrouve les principaux thèmes abordés. Et je dois dire que je suis d’accord avec toi François sur à peu près tous les points que tu soulèves. Notamment le jargon, le raccourci pour parler de « la narrative » que je prends moi-même souvent. Je ne vais pas redire tout ce qu’a déjà très bien dit Catherine Mengelle et que je pense aussi. Je peux juste témoigner que ce n’est pas toujours facile d’incarner ce qu’on enseigne.

    Merci à Elizabeth aussi pour son témoignage. Elizabeth que je connais bien et avec qui j’enseigne les Pratiques Narratives. Plus soucieuse de l’éthique et des dérives qu’elle je crois que je ne connais pas.

    J’aime beaucoup quand tu dis François qu’il faut être impitoyable avec les idées et bienveillant avec les personnes. Je rajouterais bien et qu’elles ressentent cette bienveillance.

    Le titre de ce compte-rendu s’appelle « La critique de la narrative vient-elle d’en haut ? » avec un point d’interrogation. Si je ne me fie qu’à la lecture de tous les témoignages, pour ma part je dirais que non elle ne vient pas d’en haut. Elle vient d’ailleurs, d’un endroit qui m’a l’air de parler de liberté, de sensibilité, de justesse, d’éthique…..

  2. Je viens de lire ton texte, François. Je suis maintenant d’accord avec Juliette concernant “circularité”, la preuve étant que tu es obligé d’expliquer le concept par un “c’est à dire”. Ce n’est pas un reproche. Je pense qu’on a besoin de créer des expressions pour définir des idées particulières. Par exemple, la notion “d’Absent Mais Implicite” ne peut pas se contenter d’un simple “implicite” car il y a dans l’expression non seulement l’idée qu’un implicite est contenu dans les mots entendus mais aussi et surtout qu’on peut utiliser cet implicite d’une certaine façon. Pour autant, je continue à œuvrer pour simplifier et franciser nos traductions et nos questions, les poser “à notre façon”. Sans oublier toutefois que l’externalisation et la recherche de questions “poétiques” rendent parfois nos conversations bizarres, mais que c’est intentionnel.
    J’ai lu aussi la réaction d’Elizabeth qui était une réaction “à froid” et je me demande ce qu’il a fallu pour générer cela. Je connais bien Elizabeth. Je maintiens qu’il est important d’entendre des critiques, à condition qu’elles soient non pas “bienveillantes” mais plutôt généreuses, sans certitude ni généralisation. Je suis persuadée que les idées de Michael, telles qu’il en parle dans Maps, ont tendance à se perdre, se tordre, s’arranger, se détendre, se contorsionner, se détourner, (j’ai l’impression de faire du Roland-Barthes !), au fur et à mesure de leur diffusion par des formateurs (dont je suis). Ceux que nous formons forment à leur tour, et chacun ne retient que ce qui l’intéresse ou ce qui conforte des idées déjà en place ou qui permet de les faire entrer dans les cases déjà formatées de son cerveau, ou encore qui lui permet de poursuivre une pratique plus ou moins lucrative sans déranger ses donneurs d’ordre, moi la première. Tout cela est profondément humain finalement, mais mérite qu’on y réfléchisse, évidemment.
    Je te rejoins dans ta conclusion. Il y a longtemps, quand j’étais en formation de coaching, je me demandais déjà pourquoi les coachs adoptaient, sans l’argumenter clairement, cette posture si craintive vis à vis de “la thérapie”. Il n’est certainement pas question pour moi, comme pour beaucoup d’autres, de renoncer à la dimension thérapeutique et systémique de l’approche narrative, que ce soit dans mon enseignement ou dans ma pratique professionnelle.
    par contre, je ne comprends pas ce que tu dis sur les histoires dominantes et la déconstruction (voir mes commentaires précédents), qui ne correspond à rien de concret dans ma pratique. Nous aidons nos clients à déconstruire des discours dominants uniquement lorsque nous avons vérifié que ces discours alimentaient des histoires de problème. La “servitude volontaire” n’est pas une histoire de problème. Je ne sais pas très bien de quoi il retourne, sans doute parce que n’étant pas un problème, les gens qui vivent avec ne consultent pas ! Je suis capable de déconstruire des idées qui me sont chères si je pense que cela peut aider mon client. Déconstruire des idées ne détruit pas les idées. Cela permet de comprendre d’où elles viennent et comment elles se sont construites… à commencer par les idées narratives !

  3. Merci donc à Laurence, à Valérie, à Pierre aussi (je pense qui a choisi le titre introduisant cette présentation des ressentis à mon intervention), à Elisabeth et à Juliette. Leurs réactions illustrent tout à fait ce que je voulais aborder lorsque je parlais de mon souci concernant des dérives possibles contenues dans les concepts mêmes de l’approche narrative. Merci à Catherine et à Luc pour leur effort de compréhension. Avant toutes ces réactions, j’avais envoyé à mon webmaster le texte de cette soirée (que je n’ai pas lu,mais qui a été ma trame). Je conseille à ceux qui en auront l’envie d’aller y voir sur mon site http://www.frbalta.fr . Je pense qu’ils pourront constater que “la critique narrative n’arrive pas d’en haut”. Je dis souvent qu’il faut être impitoyable avec les idées et bienveillants avec les personnes. Bien sûr, lorsque les personnes s’identifient à leurs idées, la discussion devient vite (inutilement) douloureuse. Je pensais discuter avec des collègues, des égaux, en mettant en question mes propres ressentis, points de départ de mes réflexions, à propos de concepts… Je ne pense pas avoir attaqué qui que ce soit, ou disqualifier “de haut” quelque pratique que ce soit… Mais bien sûr, j’ai exposé mon point de vue critique sur certaines pratiques dont je n’ai à aucun moment affirmé qu’elles étaient générales, seulement qu’elles ne me convenaient pas.
    J’aurai aimé que ma participation bénévole à cette soirée (et la préparation que cela m’a demandé) soit au moins reconnue comme un acte, sinon généreux, au moins bienveillant. Visiblement, c’est raté, semble-t-il.

    PS Je recevais le blog d’errances narratives depuis plusieurs années. c’est la première fois que j’ai été averti indirectement de cette parution. Il semble que j’ai été rayé du listing…
    François BALTA

  4. Ok pour l’intention et sur les résultats, intéressants, de cette conférence et de l’article de Laurence et de Valérie.
    Pas, pour moi, ok pour la forme de la délivrance de la conférence.

    M.. Balta à exprimé l’intention de faire une mise en garde. Il a même dit que s’il était plus jeune il aurait peut être bien eu envie de se former aux pratiques narratives.
    Sacré programme! Pour une personne qui exprime une telle admiration de M. White, j’ai trouvé absents et impliquants les points essentiels de l’ enseignement de Michael.

    Michael agissait avec une bienveillance, un respect de l’autre, et une éthique qui a mon avis manquaient de façon sidérante de cet exposé. Michael avait un grand souci de rester toujours au plus près de l’expérience de ses clients, de leur accorder une place principale; lui et D. Epston exprimaient toujours l’importance de ne pas laisser celui en face se sentir humilié avec ses questions , ses propos. Où se situe le respect quand on accuse ses interlocuteurs de se servir du terme ‘la narrative’ au lieu de thérapies, pratiques, ou approche narrative mais on ne prend pas le temps de s’enquérir si ces personnes se servent de ce terme, ou auraient envie même de se servir de ce terme? (je ne m’en sers pas, je trouve ça ridicule, mais lui s’en est servie tout au long de son discours!!)
    Où le respect et le souci de la réalité de l’autre quand on dit que ‘la narrative ‘ s’enseigne par des listes de questions, dans une conférence où la Fabriqué Narrative est l’hôte? Et quand j’ai protesté , ça a été minimisé en disant que c’était une exception. Sachez que cette ‘exception’ fait partie des pratiques d’enseignement chez ceux qui vous ont invité …
    Et l’éthique? . Si la provoc, l’inexactitude dans les propos apportés à la conférence en tant qu’expert” , et le manque de respect font partie d’un hommage à Michael White, peut être pourrait- on me dire en quoi cela lui rend hommage?
    Et la plainte sur les qq personnes qui ont manqué de respect et qui étaient des praticiens narratifs. …
    Moi, je sens un manque de respect d’un ” systemicien”, et ce n’est pas pour autant que je perds mon intérêt pour l’approche systémique.
    Enfin, bref, bravo le débat, mais bonjour la forme. ..

  5. Oui, je comprends maintenant ce que tu veux dire.
    L’approche narrative est un récit parmi plein d’autres, un récit basé sur l’idée que tout est récit. Elle ne peut pas, par essence, constituer une vérité absolue. Elle est d’ailleurs assise sur une série de postulats, auxquels on choisit de souscrire ou pas, selon qu’on pense qu’ils sont intéressants ou pas.
    Quant à ce que nous appelons “histoires dominantes” et “histoires alternatives”, elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Celles qui m’aident dans la vie sont parfois celles qui posent problème à l’autre. Il n’y a pas “d’histoire dominante” dans l’absolu. Il y a par contre des “discours dominants” qu’il peut être intéressant de déconstruire lorsqu’ils alimentent les histoires dominantes qui empoisonnent la vie de nos clients, et uniquement dans ce cas.
    Ce que je me demande, c’est comment faire connaître ces idées narratives sans être soupçonnée de l’intention de les faire passer pour “meilleures” que les autres ou de celle de générer une relation de pouvoir ? Surtout quand je (c’est à dire : moi avec mon histoire personnelle) les trouve tellement plus intéressantes que tant d’autres.

  6. Tout d’abord, un grand bravo aux bravos de Stéphane, auxquels je me joins.

    Pour l’abréviation “Narrative”, je ne suis pas sûre qu’il faille s’alarmer outre mesure de l’absence du mot “thérapie”. Aucun mot placé en sentinelle devant un autre ne suffit à immuniser les gens (vous, moi, d’autres) contre des déficits de bienveillance émise ou perçue. Thérapie devant narrative, approche devant systémique, n’a pas d’effet plus magique que l’annonce “je vais te dire en toute bienveillance…” en introduction d’un propos qui fait bêtement mal, et est rendu d’autant plus brutal que l’annonce dédouane de soigner le propos. Après tout, il vaut mieux quitte à être dans un moment de malveillance, ne pas l’être au nom de la thérapie.

    Je ne crois pas non plus qu’une nouvelle approche doive se battre la coulpe de se sentir meilleure que celles qui la précèdent, et innovante : sans ces deux moteurs, quelle serait sa raison d’être ? Il me semble plus intéressant de préciser en quoi, dans quelles circonstances, à quel égard elle est meilleure, et en quoi, dans quelles circonstances elle ne l’est pas.

    La question que soulève avec le jargon me semble plus intéressante.
    Le jargon, comme toute langue, crée une communauté où seuls ceux qui le maîtrisent ont la parole – ce qui est un problème s’il s’agit de thérapie où rendre sa parole au patient plus que de lui apprendre celle des experts, ce qui est un problème dès que l’on sort de l’entre-soi.
    Mais le propos de François Balta contient la limite de sa critique car en parlant de circularité, il ne parle pas le français courant ouvert à tous où ce mot signifie “Caractère de ce qui est circulaire, de ce qui fait revenir au point de départ et ne progresse pas” (Larousse). Ce qui n’est évidemment pas ce qu’il veut dire.
    Alors pourquoi utilise-t-il ce mot ? Parce qu’il en a besoin pour manier un concept qui n’en avait pas dans la langue courante, et est commun à un certain nombre d’experts. Ici, ce n’est pas une nouvelle expression au sens précis, mais un mot au sens précis d’ordinaire, détourné pour prendre un autre sens précis, celui d’un concept long à exposer qu’il manie quotidiennement, et a besoin de désigner rapidement.
    Mais moi qui ne parle pas, ou assez peu ce jargon, je préfèrerais à circularité qui dans la langue commune revient au point de départ, entendre parler de dynamique en spirale. Je verrais alors le génie du mouvement de la spirale dont le retour n’est pas au point de départ, mais plus haut ou plus profond ou plus loin. Et un enfant de 10 ans sait ce qu’est une spirale.

    Mon avis est que tout ce qui peut se dire avec la langue commune, celle des enfants et de la littérature, est plus élégant, plus clair, plus ouvert, cette recherche est prioritaire. Mais les avancées de la pensée ont aussi besoin de mots pour les dire, qu’il s’agisse de néologismes, de constructions ou de détournements.

    Enfin, à lire Laurence et Valérie, le propos de François Balta était déclenché par des dysfonctionnements de personnes utilisant la Narrative. Faut-il pour cela faire des procès à l’approche en général ?
    Vous l’écoutez, bravo. Vous vous appelez à la vigilance et vous interrogez, bravo. Vous avez raison parce que ces dysfonctionnements de personnes porteuses de nouvelles approches sont aussi la rançon de l’expansion de l’approche et là, bravo encore.

    Mes amitiés aux développeurs de l’approche ou thérapie narrative.

  7. Ce passage est un de ceux qui illustre la notion de pouvoir vue par Michel Foucault, soit quelque chose qui n’est pas nécessairement dans l’opposition d’un pouvoir institué et d’une résistance organisée mais dans toute relation dans laquelle substitue une intention de conduire la vie d’autrui.
    Cette définition plus large nous confronte quotidiennement dans notre pratique : comment nous sommes-nous débrouillés pour créer une relation différente ?
    Dès que nous utilisons une formulation du type eux/nous, nous entrons dans une sphère de pouvoir car nous nous supposons détenteurs d’une vérité, la vérité narrative, et nous œuvrons pour conduire un changement dans la vie des gens, relation de pouvoir, avec la bonne conscience de les libérer des “histoires dominantes”.
    Pas facile d’éviter les relations de pouvoir. Mais passionnant.

  8. Bonjour Stéphane

    Je ne comprends pas ce que tu as l’intention d’exprimer à travers ce passage de Foucault, que je ne trouve pas suffisamment explicite en soi… et parfois carrément très obscur : “L’exercice du pouvoir consiste à «conduire des conduites» et à aménager la probabilité.” !
    Peux-tu m’aider à comprendre ?

  9. Hello,

    Je partage le point de vue de François Balta dont je salue l’initiative. Laurence et Valérie, je salue votre initiative d’écrire cette note, bravo.
    La Fabrique Narrative, bravo pour avoir ouvert cette colonne à la remise en question collective.
    Bravo au mouvement de la pensée sur elle-même et à l’auto-critique.

    « Le terme de «conduite» avec son équivoque même est peut-être l’un de ceux qui permettent le mieux de saisir ce qu’il y a de spécifique dans les relations de pouvoir. La «conduite» est à la fois l’acte de «mener» les autres (selon des mécanismes de coercition plus ou moins stricts) et la manière de se comporter dans un champ plus ou moins ouvert de possibilités. L’exercice du pouvoir consiste à «conduire des conduites» et à aménager la probabilité. Le pouvoir, au fond, est moins de l’ordre de l’affrontement entre deux adversaires, ou de l’engagement de l’un à l’égard de l’autre, que de l’ordre du «gouvernement» . Il faut laisser à ce mot la signification très large qu’il avait au XVIe siècle. Il ne se référait pas seulement à des structures politiques et à la gestion des États ; mais il désignait la manière de diriger la conduite d’individus ou de groupes : gouvernement des enfants, des âmes, des communautés, des familles, des malades. »

    Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir», in Dits et écrits tome IV texte n°306

  10. J’aime bien cette idée transmise par François, qui finalement n’est qu’un copier/coller de toutes les peurs générées par toutes les pratiques. Finalement, je trouve ca rassurant et effectivement nous oblige a nous positionner d’une manière encore plus proche auprés de nos clients avec une véritable écoute active.
    Dans toutes les pratiques, il y a toujours eu des “margoulins” qui continuent a se positionner en expert (qui n’écoutent pas et savent pour les autres)….
    Dans cette histoire, ce qui est a mon sens important et a ne jamais perdre de vue pour nous tous sont les valeurs véhiculées par la narrative. Biz

  11. Bon, il ne faut pas écrire à chaud ! Je ne suis pas du tout sûre que le premier point que j’ai abordé dans mon commentaire précédent soit pertinent. En fait, je ne sais pas du tout ce que François regrette quand il souligne que “la thérapie narrative” devient “la narrative”.
    Linda Moxley rapportait récemment, lors d’un atelier à Vancouver (TC 12) auquel j’ai assisté, que Michael White avait décidé à partir de 2004 de ne plus parler de “narrative therapy” mais de “narrative practises”. Je n’en sais pas plus. Mais ce que je sais pour ma part en tout cas, c’est que je n’aime pas du tout entendre parler de “la narrative”. Je parle indifféremment de l’approche narrative ou des pratiques narratives. J’ai l’impression que j’y mets une forme de respect, respect de tout ce que ces pratiques et idées représentent pour moi.

  12. L’article de Valérie et de Laurence appelle chez moi, à chaud, trois réflexions.
    J’ai l’impression d’abord que l’immense majorité des approches utilisées par les coachs ont été développées à l’origine par des thérapeutes ; l’approche narrative n’y coupe pas, ce qui n’a pas lieu d’être regretté en particulier.
    Je retiens par contre avec beaucoup d’intérêt la difficulté d’accès liée au jargon narratif. Notre travail est de poursuivre nos efforts pour parler de ce que nous faisons en termes compréhensibles par tous, dans notre propre langue. J’ai choisi par exemple, dans la dernière version du Alice Morgan (été 2014), de remplacer “déclaration de position” par “prise de position”, ce qui éclaire pour moi la carte de Michael où l’idée est de permettre à la personne de se positionner par rapport à ce qui lui arrive (et ne pas laisser les autres le faire pour lui). Ce travail continue. Notre excuse est la jeunesse de ces idées et l’immense travail d’appropriation que nous avons à poursuivre.
    Enfin, ce sont des idées qui réclament une réflexion éthique permanente sur nos façons d’intervenir. Je suis désolée, mais pas étonnée, que nous ne parvenions pas à vivre ces idées, qu’elles se contentent de rester au niveau des concepts. La thérapie narrative est une pratique avant d’être un ensemble de concepts. Nous devrions “transpirer” ces idées par tous les pores de notre peau, avec générosité, courtoisie, engagement et humilité.
    Merci François pour ce miroir confrontant. Michael et David étaient les premiers à encourager la critique de leur travail, sachant que cela les faisait plus avancer que les compliments. En ce qui me concerne, cela m’encourage à continuer mes efforts pour traduire dans un français accessible et à insister sans jamais lâcher sur l’importance d’essayer sincèrement d’aligner ses actes sur les idées dont on se revendique.

  13. Concernant l’appellation “la narrative”, j’ai envie de proposer une explication supplémentaire.

    Au delà du souci de rapidité, peut-être y a-t-il aussi la volonté plus ou moins consciente de mettre tout le monde d’accord (du moins, le petit monde franco-français), en cessant de faire la distinction entre “pratiques narratives” et “approche narrative”, puisque ces deux appellations sont portées respectivement par les deux courants… disons complémentaires de “la narrative” en France.

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