L’IWP (Conversation par Procuration en French) et la MasterClass de Tom Carlson.
Par Nicolas Chagneux.
“J’ai envie d’essayer un truc un peu fou…”, c’est comme ça que ça a commencé… J’étais en groupe de supervision avec Catherine et Fabrice à Bordeaux et alors que j’exposais mon besoin de parler de Corinne et de la manière dont je pourrais l’aider, Catherine m’a alors proposé ce truc un peu fou…
Je tiens à préciser que je suis un néo-praticien narratif puisque j’ai achevé le cycle en juillet dernier. Naturellement au cours de la formation, Catherine et Fabrice nous ont parlé de cette IWP dont je connaissais le principe (j’avais même regardé le diaporama de la MasterClass 2016 auquel je n’avais d’ailleurs rien compris à l’époque : qu’est-ce que c’est que cette histoire d’une Miranda de Miranda, d’une Miranda de Marsha ? Il faut toujours autant de Miranda pour une Conversation par Procuration ????).
Concernant Corinne, je l’accompagnais depuis 2 séances et dès que j’abordais une question du paysage de l’identité pour tisser un début de re-authoring, je me heurtais régulièrement à un “Houlà, je sais pas répondre à cette question…”.
Avant de demander le remboursement d’une formation “aujourd’hui en partie périmée” (!), j’ai donc évoqué la situation avec Corinne en groupe de supervision et c’est comme ça que je suis devenu(e) la Corinne de Nicolas. Intérieurement, mon premier réflexe a été une forme d’inquiétude : “j’y connais rien en Corinne, je l’ai vu que 2 fois…”
Je me suis donc replongé dans la documentation de mes conversations avec Corinne et j’ai répondu aux questions de Catherine pendant une vingtaine de minutes en utilisant parfois le fameux : “Houlà, je sais pas répondre à cette question…” quand je n’osais répondre aux questions de Catherine sur les espoirs, les compétences de Corinne, étant donné que Corinne ne m’avait jamais donné de réponses à ces questions.
Une semaine plus tard, je rencontrai Corinne pour la 3ème fois et lui fis écouter la conversation enregistrée. La séance a été radicalement différente des précédentes. Corinne a demandé beaucoup de pauses pour préciser les réponses que j’avais formulées, parfois en complétant mes réponses, parfois en contradiction. À la fin de l’entretien, elle n’attendait plus mes réponses pour répondre à Catherine. C’est logique, la Corinne de Corinne s’y connaît quand même plus en Corinne que la Corinne de Nicolas !
Ce qui a été le plus puissant, c’est en fait lorsque j’ai réellement “incarné” Corinne, en mettant de côté la documentation, ce qu’elle m’avait dit, mais en exprimant ce qu’elle ne m’avait jamais dit jusque là… “Qu’est ce que vous m’avez bien cernée !”, me dit-elle à la fin de la séance.
Encore une semaine plus tard, j’assistai à la 1ère MasterClass de ma vie et ce fut le déclic. La 1ère journée sans corps m’a vraiment permis de mettre du corps sur cette pratique de la conversation par procuration. J’ai compris alors que mes réponses “Houlà, je sais pas répondre à cette question…” lors de la conversation n’avaient pas de sens pour Corinne (si ce n’est le mien pour éviter de prendre position pour une personne “que je ne connais pas” mais que j’arrive “tellement bien à la cerner”…).
Pour finir, je suis convaincu que la conversation par procuration permet aux personnes que l’on accompagne de toucher le début d’une Histoire qui contre, qu’il n’y a aucun risque pour le praticien d’aller sur ce terrain (le client reste l’expert de sa vie) et que c’est surtout un très beau cadeau à leur offrir.
Merci, Nicolas, un bel article!
J’adore ta question ” faut -il toujours autant de Miranda pour une conversation de procuration?”
Un petit clin d’oeil qui vient de mon contexte élargi:
les “droits miranda” aux USA sont ce qu’on dit/lit à quelqu’un quand il est arrêté par la police:
Les “mirandas “pour un américian-e sont:
You have the right to remain silent and refuse to answer questions.
Tu as le droit de garder la silence et de refuser de répondre à mes questions.
Anything you do say may be used against you in a court of law.
Tout ce que tu dis peux être utilisé contre toi dans un cour de justice.
….
et j’ajouterai:
« Le sociologue qui prend pour objet son propre monde, dans ce qu’il a de plus proche et de plus familier, ne doit pas, comme fait l’ethnologue, domestiquer l’exotique, mais, si l’on permet l’expression, exotiser le domestique »
P. Bourdieu, « Vingt ans après », in Homo Academicus, Paris : Minuit, 1980, p. 298.
Merci, Nicolas d’avoir exotisé le domestique
Elizabeth
Inspirant…!
Merci !
Et tout ce monde présent : Nicolas, Corinne, Corine de Nicolas et Corinne de Corinne ! Et Catherine et Fabrice… le monde de la relation, cher à julien Betbèze, “bat son plein” si je puis dire… à moins que battre son plein soit une métaphore guerrière et non pas une image poétique !!!
Oh ! merci Nicolas. Ton article va m’aider à passer le pas.
Moi, “une ancienne”, qui n’a pas encore osé pratiquer une conversation par procuration.
Hi Hi Hi … en lisant ce post je prenais “en même temps” (c’est la mode du moment 🙂 le filtre du praticien narratif un peu averti de ces choses … et je me régalais de la lecture …. et celle du passant qui passe là par hasard et qui ne comprend pas un traitre mot de ce qui est écrit et qui au choix 1/ passe son chemin 2/ va voir le procureur de la République au cas où ce serait un complot émergent parce qu’on voit tant de choses de nos jours on n’est jamais trop prudent 3/ envoie un mail à la miviludes parce que tout ça n’est pas très net … je vous laisse inventer vos options 4/ et suivantes … ravi en tous cas de lire les “sequels” de cette Master Class à laquelle je n’ai pas pu participer
Super ! Merci de ce partage Nicolas et bravo pour ton humour. C’est vrai qu’il est important de s’autoriser à donner une interprétation personnelle plutôt qu’une interprétation “plausible” . C’est une permission qui aide à toucher la poésie .