MEDECINE NARRATIVE

Il existe une médecine narrative. C’est quelque chose de relativement nouveau en France, où l’on peut trouver un prolongement des idées que nous pratiquons dans d’autres disciplines d’accompagnement.

La médecine narrative, enseignée dans certaines facs mais pas partout, s’intéresse en priorité à la relation entre le soignant et le patient, et à l’histoire que le patient se raconte sur sa maladie. Cette histoire est forcément influencée par la façon dont le soignant « met en récit » la maladie et prend le temps ou non d’expliquer et d’écouter. Entre un patient qui se croit condamné et un autre, atteint de la même maladie, qui sait qu’il a une bonne chance de s’en sortir s’il lutte et dont les compétences à résister aux symptômes ont été reconnues et encouragées, le pronostic et la durée de vie, mais surtout la qualité du temps et des relations, seront entièrement différents.

Pour ceux qui ont la chance d’être à Paris le mercredi 30 novembre, une table ronde réunit tous les acteurs importants de ce nouveau développement de la médecine. A priori, aucun Bordelais ne sera là-bas à ce moment-là, donc n’hésitez pas, si vous y assistez, à prendre des notes et à les partager…

 

MODIFIER LES COMPORTEMENTS

Par Elizabeth Feld

Quand Elizabeth se retrouve dans une réunion de sécurité routière animée par la Police Nationale, elle continue à réfléchir narratif…

On était  une trentaine dans les salles du sous sol de la Mairie du 11ème, à Paris samedi matin.  Moi, deux autres femmes, et une vingtaine de mecs, tous là parce qu’on avait été chopés pour une infraction sur nos deux roues et condamnés à une amende de 90€.  Ils étaient là en embuscade, aux heures ou passaient les camions de ramassage de poubelles rue de la Roquette, en train d’attendre les gens en vélo pressés comme moi qui empruntaient les trottoirs pour dépasser les éboueurs.

On nous annonce le programme : 3 présentations d’une demie-heure chacune. Lors des 3 présentations, je me suis fait des réflexions narratives. Continuer la lecture de MODIFIER LES COMPORTEMENTS 

CONVERSATIONS AVEC DAK

par Kathy Cronin-Lampe
En collaboration avec, Puni Tufuga, Shannon TeKira, et Amber Herbert

Traduit par Pierre Nassif, voici un article qui va inspirer tous ceux qui travaillent avec les idées narratives  avec des communautés confrontées à des problèmes graves et envahissants. Dak est un terme argotique pour désigner la marijuana, et l’on retrouvera dans ce beau texte de notre collègue Cathy Cronin-Lampe une méthode créative d’externalisation “théâtrale” qui nous avait été présentée en avril dernier par David Denborough et Cheryl White dans leur travail contre le HIV en Afrique.

Cet article est dédié à notre ami Tennessey qui occupa une place importante au sein des groupes qui y sont décrits. Tennessey est mort le 2 septembre 1997.

Nous éprouvons réellement la nécessité de parler de Dak, car dans nos vies, il est toujours là. Vous êtes amenés en permanence à choisir entre en prendre ou s’en passer. S’en procurer est des plus simples. Si vous connaissez quelqu’un qui connait quelqu’un vous êtes bon. Dans chaque faubourg de Hamilton, il existe un revendeur, un dealer. Dak est partout. Il est ici à l’école. En tant que jeunes, nous croyons que nous devrions avoir des activités telles que pratiquer le sport, et que nous ne devrions pas dépendre des drogues. Continuer la lecture de CONVERSATIONS AVEC DAK 

BONS VOISINS

Nous avons reçu Peggy Sax (thérapeute familiale américaine du Vermont) la semaine dernière pour une Master Class épatante sur le thème : “relier les vies de nos clients “. 

Au lieu de nous présenter un enseignement théorique structuré en chapitres ou de dérouler des concepts, Peggy nous a fait entrer de plain pied dans la vie de trois de ses clientes, qui avaient survécu psychologiquement à des catastrophes grâce à l’action de communautés de soutien actives autour d’elles.

A partir de ces exemples, elle a développé une métaphore des relations sociales basée sur l’idée de se comporter en “bons voisins” (neighbourly ways). La métaphore est plus adaptée à la culture américaine du voisinage qu’à la culture française (certains voisins sont de sacrés boulets et les rapports avec eux tiennent plus de la guérilla d’Achille Talon avec son voisin Lefuneste que des barbecue parties des Desperate Housewives).  Continuer la lecture de BONS VOISINS 

UN ARTICLE DE MICHAEL WHITE

Avec l’aimable autorisation du Dulwich Centre et traduit de l’anglais par notre ami Pierre Nassif, voici un extrait des “workshop notes” de Michael White, un texte magnifique sur la fonction de la plainte et les compétences de résistance de ceux qui sont exposés à des traumas intitulé “attending the consequences of trauma” (“au chevet des conséquences du traumatisme”).

Ces notes furent préparées à l’intention des participants à l’atelier, afin qu’ils poursuivent leurs investigations relatives à la pertinence des idées et pratiques narratives, lorsqu’elles sont appliquées à des personnes venant en consultation pour traiter d’une expérience significative de traumatisme.

Il existe des interprétations contemporaines de la douleur psychique et de la détresse émotionnelle consécutives à un traumatisme qui laissent dans l’ombre de nombreuses complexités caractéristiques de telles situations vécues, ainsi que de la manière dont les personnes concernées les expriment.

Certaines de ces interprétations tracent linéairement une relation naturelle entre le traumatisme et la douleur psychique ou la détresse émotionnelle. De telles interprétations conditionnent fortement les résultats des conversations thérapeutiques.

Des conversations thérapeutiques dont les lignes directrices proviennent de certaines de ces interprétations contemporaines peuvent participer à l’élaboration d’une image de soi remarquablement fragile et vulnérable. Elles laissent les personnes concernées dans l’intense sentiment que l’on pourra désormais empiéter sur leur personne de telle manière qu’elles auront du mal à se défendre. Cela ferme leurs voies d’accès à des moyens d’action adaptés aux difficultés de l’existence et cela réduit leur aptitude générale à savoir comment évoluer dans la vie. Continuer la lecture de UN ARTICLE DE MICHAEL WHITE 

L’AMITIE ETHIQUE

par Dina Scherrer

Lors d’une des dernières Master Class, à la Fabrique Narrative à Bordeaux, où étaient conviés Cheryl White et David Denborough, a été abordé un point qui m’a particulièrement touchée et qui parle d’amitié éthique. Si ce point m’a touchée, c’est qu’il m’éclaire encore plus sur les principes de l’approche narrative.

L’idée de « l’amitié éthique » est née de la rencontre de Michael White avec David Epston, un autre psychothérapeute rencontré lors d’une conférence. David Epston animait un atelier avec très peu de personnes présentes. Quelqu’un a dit a Michael qu’il devrait aller voir “ce que racontait ce mec là”, ce qu’il fit et une amitié est née.

Par la suite, Michael et Cheryl, son épouse, invitèrent un soir David Epston à diner. A un moment, Michael se leva : « Je vous laisse, je vais raconter une longue histoire à ma fille pour l’endormir ». Il laissa Cheryl et David seuls un bon bout de temps. Continuer la lecture de L’AMITIE ETHIQUE 

NOETIQUE ET NARRATIVE, UNE PHILOSOPHIE DU DEVENIR

Par Natacha Rozentalis

Anthropologue, coach et praticienne narrative spécialiste de la complexité (voir sa vidéo sur le sujet), Natacha nous donne ici un texte lumineux sur la façon dont les idées narratives éclosent précisément aujourd’hui, où l’enjeu est un changement de civilisation qui nous fait passer du causal à l’arborescent.

Voici une tentative de tresser quelques liens entre la pratique narrative et le saut de complexité qui se joue dans notre mutation de société. Ce n’est sûrement pas un hasard si l’approche narrative est née dans les années 70 et trouve un écho dans le monde maintenant.

Une hypothèse de révolution noétique

la vie s’accomplit par glissements et sauts successifs sur l’échelle de la complexité. Notre histoire humaine a connu des inversions qui ont marqué des étapes majeures de changement : passage de la préhistoire, de l’agriculture, du commerce, de l’industrie artisanale. L’époque moderne (1750-1950) engendrée par le moyen âge finissant, a lentement donné naissance au monde que nous connaissons, une société industrielle et mercantile de masse…Lire le reste de cet article.

PARLER DU COACHING NARRATIF

Parler des idées narratives à des dirigeants d’entreprises impose d’inventer une nouvelle façon de les présenter. 

Nous avons été formés par des gens magnifiques, qui de l’Australie au Rwanda en passant par la Palestine, s’attachent à renouer le fil de vies fracassées par des histoires de traumas, de guerres, de génocides. Mais ceci n’a pas été neutre sur notre façon de parler de la narrative lorsque nous allons la présenter en entreprise ou que nous faisons des conférences sur le sujet.

Ainsi, une récente animation de séminaire au cours de l’université d’été de l’Académie Régionale des Dirigeants d’Aquitaine, un groupe de leaders économiques venant à part égale du public et du privé, m’a permis de réfléchir à la façon dont se construit notre discours sur la narrative, ce qui informe, et éventuellement déforme ce discours.

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LE CLUB DES ENTENDEURS DE VOIX

Vous connaissez tous le “chitter-chatter”. C’est un concept développé depuis des années par Stephen Madigan sur la façon dont les discours sociaux dominants “parlent” dans nos têtes pour nous recruter dans un certain nombre de pratiques performatives au service de leurs propres buts. 

Le club des entendeurs de voix, c’est l’ensemble des praticiens confrontés à ces petites voix parasites qui les empêchent de poser librement des questions narratives à leurs clients et se mettent en travers de leur capacité à fabriquer de belles questions.

Un dispositif relativement complexe de conversation narrative avec trois “clients”, deux thérapeutes et une équipe réfléchissante nous a permis de connaitre un peu mieux le mécanisme et les activités de ces petites voix (qui ne sont pas vraiment des voix que l’on entend au sens “schizophrénique” du terme mais plutôt la mise en actes d’idées ou de convictions qui influencent notre vision de nous-mêmes). Continuer la lecture de LE CLUB DES ENTENDEURS DE VOIX 

UNE THERAPIE DE LA RECONNAISSANCE

Stephen Madigan est à Arcachon pendant trois jours dans le cadre de la Classe de Mer 2011 de la Fabrique Narrative. Voici le magnifique texte d’ouverture par lequel il a démarré hier ce séminaire (traduction de Catherine Mengelle).

Je voudrais commencer par vous transmettre de cordiales salutations du Canada, de la part de ma famille et de mes collègues de Vancouver, et par vous remercier beaucoup de votre invitation.

Un jour, en 1991, pendant ma formation de thérapie narrative en Australie, je me suis retrouvé avec Michael White dans son avion très haut dans le ciel d’Adelaide. Il venait brillamment de me prouver qu’il savait voler comme un oiseau, en utilisant exclusivement les courants d’air chauds ascendants pour s’élever, quand tout à coup, il s’est tourné vers moi et m’a dit : “Tu sais, Stephen, j’ai toujours pensé que les gens qui viennent nous voir sont beaucoup plus intéressants qu’ils ne le disent.” Continuer la lecture de UNE THERAPIE DE LA RECONNAISSANCE