L’effet boomerang ou comment les idées narratives ont voyagé jusqu’en Polynésie

Un article de Isabelle Molard, formatrice pour le D.E de médiateur familial à Toulouse, médiatrice familiale et coach narratif à Castres. Formée à la Fabrique Narrative.

Il y a des “oui” qui vous emmènent très loin, au bout du monde, dans l’hémisphère sud et pourtant si près d’Auckland et de David Epston, aux origines des idées narratives.

Sur une proposition d’aller former des médiateurs généralistes à la médiation familiale à Papeete en Polynésie française (un concours de circonstances digne de la Sérendipité), me voilà en train de parler des idées narratives et de comment je les mets en pratique en médiation familiale mais aussi en coaching et en formation.

Pendant 7 mois de contacts skype intenses avec 3 tahitiens médiateurs, le projet prend forme et se met en place en s’élargissant à d’autres professionnels qui accompagnent les familles et au final 3 modules sont proposés : la médiation familiale, le conflit intrafamilial et l’approche narrative.

Sur les 3 semaines du séjour en mai dernier, 4 journées ont été prévues pour partager ces idées et pratiques narratives avec un petit groupe de 7 personnes très diversifié : intervenant dans le travail social, la médiation, la thérapie, en coaching d’entreprise, à l’hôpital, dans les litiges fonciers, à La Poste de Tahiti, en libéral.

Je me sens la digne dépositaire d’un partage et d’une éthique, m’appuyant sur les pionniers que sont Michaël et David mais aussi Pierre, Catherine, Elisabeth, Dina, Fabrice, Rodolphe, Béatrice,…

En Polynésie, tout est contraste, la nature luxuriante, envahissante, prégnante, démesurée où l’homme essaie de se frayer une place sur ces îles qui offrent ses plages paradisiaques mais aussi les pluies diluviennes et les pierres noires des volcans, les couleurs qui oscillent entre l’ombre et la lumière, les coqs qui chantent la nuit. Les habitants de ces contrées vous surprennent avec leurs larges sourires, leur accueil inconditionnel et leur gentillesse, s’arrêtant pour laisser passer les piétons. 3 communautés se côtoient et se mélangent dans une bonne entente : les polynésiens, les chinois et les européens ou américains. Le français est de mise mais la langue polynésienne revient dans l’éducation.

Les idées narratives s’accordent bien avec ce peuple polynésien qui dans son langage même et ses arts visuels et musicaux utilisent des métaphores, se racontent des histoires au son des ukulélés.

Je me suis sentie fière et honorée de restituer aux personnes sans doute un peu de leur culture perdue et j’ai retrouvé un mot polynésien qui va bien avec l’esprit des idées narratives et de Michael White : TE AROHA.

“Être Polynésien, c’est affirmer concrètement l’importance primordiale et vital du AROHA dans sa vie quotidienne et dans ses relations à autrui, par delà les critères ou les clivages d’âge, de sexe, de races, de nation, de position sociale, d’opinion politique ou d’appartenance religieuse.

QUE SIGNIFIE AROHA ?  La présence de AROHA chez une personne, c’est une incompréhensible qualité de bonté se traduisant par un amour pour les gens, la terre, les oiseaux, les animaux, les poissons et tous les être vivants. Une personne qui témoigne du AROHA pour une autre se montre attentionnée (ha’a pa’o) et agit en pensant à son bien être sans tenir compte de l’état de santé ou de richesse de cette personne. C’est l’expression du AROHA qui rehausse la qualité de la vie et sa signification. Selon les *tupuna* : Aroha n’a pas la superficialité d’un tatouage sur le visage d’un chef mais jaillit, intarissable des profondeurs du cœur.

Une personne qui prétend posséder TE AROHA le prouve en partageant cette affection avec toute personne sans aucune discrimination.”

Cette définition de AROHA est de Cleve Barlow, d’origine anglo-maorie, professeur de psychologie à Auckland, je l’ai trouvée dans une maison où l’on m’avait accueillie sur l’île de Morea, merci à David et Brigitte.

Les échanges et les partages ont été riches et la session s’est terminée avec une restitution par petits groupes de ce que leur ont appris les idées narratives, de façon très créative.

Un des groupes s’est choisi un nom : TE NATI (relier) ORA (la Vie) (Celles qui relient à la Vie)

Je vous partage le retour que je leur ai fait à l’oral (avec leurs mots, sous forme de Casala, louange africaine) :

Herenui, Aurélie, Marie, Avearii, Corinne, Sabine et Alexandra

Ô Vous, les 7 merveilleuses éveilleuses de Tahiti, Te Nati Ora

Votre accueil, votre écoute, votre confiance, m’ont permis de vous emmener sur mon bateau vers l’île des Narrateurs.

Dans ce voyage de sincérité, vous avez rencontré le conteur Léonard et sa virtuosité à raconter son histoire.

Vous avez échangé des histoires de chaussures très différentes en vous faisant des cadeaux respectifs.

Avec bienveillance et en professionnels vous avez déconstruit des histoires et des contextes de problèmes, restituant et éclairant les histoires des autres.

Des problèmes comme des rideaux de pluie, comme des voiles qui brouillent.

Vous avez su avec précaution, respecter les étapes avec douceur, libérer la parole, respecter les différences, restituer les identités comme des colliers de perles, faire briller les pépites et les exceptions.

Accueillir avec compréhension les émotions et créer des feux d’artifices, des passages, des flashs, des switchs en restant congruentes.

Faire danser les ressources, murir les compétences, aider à l’harmonie, faire éclater la joie, le sens.

Reconnecter la personne à son club de vie avec réciprocité.

Dans ce bateau éclairé, vous avez partagé au milieu des tempêtes votre authenticité, vos repas, votre curiosité, vos deuils, vos forces, vos prises de conscience.

Nous voici à bon port, enrichies de toutes ces expériences.

Merci à vous, Ô merveilleuses éveilleuses de Tahiti pour votre générosité !

Je repars en étant riche de tous ces temps passés ensemble, ancrée comme un arbre de vie solide et sans être sûre que tout rentrera dans ma valise pour la suite de mon voyage.

UN GRAND MERCI !

Isabelle

Merci à toutes les personnes rencontrées à Tahiti qui vont continuer à diffuser les idées narratives et sa contre-culture par-delà les océans.

Isabelle Molard à gauche et le groupe de Papeete à la fin de la formation.

3 réflexions au sujet de « L’effet boomerang ou comment les idées narratives ont voyagé jusqu’en Polynésie »

  1. Chère Isabelle

    Je lis à l’instant ton article. Il m’avait échappé dans la fureur d’avant les vacances. Je suis incroyablement touchée par ce que tu écris, par Te Aroha, par Te Nati Ora. Ce sont des mots magnifiques, à qui ton casala rend un superbe hommage. J’aurais beaucoup aimé rencontrer “celles qui relient à la vie”. Je suis heureuse de savoir qu’elles portent là-bas désormais les idées narratives, grâce à toi, et j’aime que tu les remercies.
    A mon tour de te remercier pour nous les avoir présentées !

  2. Merci Isabelle pour ton apprentissage si riche, je l’ ai intégré dans le travail quotidien avec mes Clients 😉
    C’ est surtout le travail du deuil qui a été très précieux pour moi.
    Merci et au plaisir de te revoir un jour dans nos iles.

    Sabine

  3. Merci Isabelle, pour ce beau partage. merci de nous avoir montrer d’autres chemins pour accompagner les personnes . espérant te revoir sur notre ile pour te raconter d’autres histoires.
    Alexandra

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