Tous les articles par La Fabrique Narrative

CREER D’AUTRES « ENTITES NARRATIVES »

Photo Sandrine Janssen

Par Sandie Rimbert

J’ai eu la chance de faire la connaissance de John Stillmann de passage en France pour la Master Class organisée à la Coop RH et de partager de très beaux moments de créativité et d’émotions au sein du petit groupe de « narratiens » (une création en live d’Elizabeth, notre 1ere journée à peine commencée) réunis pour l’occasion. Deux jours d’une incroyable densité créative avec la production de dessins, mises en scène, modelages, chansons se formant individuellement ou collectivement avec une facilité étonnante.

"Renarration perso" Catherine Mengelle

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LA CHANSON DES SURVIVANTS

Les conseillers d'Ibuka répondant à leur chanson (photo Julie Epp)

“Vivre ensemble a l’ombre du Génocide”, tel est le problème désormais des survivants rwandais, obligés de cotoyer quotidiennement au sein de leur village ou même de leur propre famille ceux qui ont perpétré des actes épouvantables il y a quinze ans.

Les conseillers en traumatisme d’Ibuka, au nombre de 40, formés par nos amis du Dulwich Center d’Adelaide (Australie) et Evanston Family Therapy Center de Chicago (USA) et rémunérés sur des budgets internationaux en voie de disparition (nous en reparlerons), sillonnent les villages. Ils vont inlassablement de famille en famille pour aider les gens à réparer leur vie, reconstruire un espoir, puiser dans leurs propres ressources, valeurs et espoirs pour arriver à supporter cette difficile cohabitation. Eux-mêmes rescapés ou enfants de rescapés, ils utilisent les idées narratives dans le contexte le plus difficile qui soit.
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IBUKA : REQUIEM POUR UN MASSACRE

Photo : Julie Epp

Par Pierre Blanc-Sahnoun

“Ibuka” signifie “souviens-toi” en kinyarwanda. C’est le nom d’une association qui regroupe 15 associations de survivants du génocide de 1994 et salarie une quarantaine de “conseillers en traumatisme”, répartis sur tout le territoire, qui utilisent les pratiques narratives pour aider les rescapés à reconstruire leur vie “à l’ombre du génocide” et parfois en vivant dans le même village ou dans la même famille que ceux qui ont perpétré des atrocités.

Je suis parti là bas pour les rencontrer, et également pour apprendre, avec un groupe de collègues de la communauté narrative internationale dont Cheryl White, David Denborough co-directeurs du Dulwich Center (qui seront à Bordeaux les 19, 20 et 21 avril), Jill Friedman et Gene Combs, de l’Evanston Family Therapy Center de Chicago (qui seront à Nantes avec l’AREPTA à l’automne 2011) et une quinzaine de praticiens de toutes les nationalités.

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Créativité et approche narrative

FAJEC, dans toute sa splendeur

Un peu de réclame pour notre master class des 25 et 26 novembre sur la créativité, avec John Stillmann de la Dulwich Center Faculty.

Les passerelles entre l’approche narrative et les disciplines dites “créatives” telles que peinture, musique, arts plastiques et autres sont au centre de cette master class. Ceci permet de démultiplier l’efficacité des interventions narratives, non seulement avec les individus aussi dans le travail avec les groupes, dans le prolongement de l’atelier (inoubliable !) sur la documentation des histoires alternatives en juin dernier.

L’écriture de textes définitionnels en entreprise en est une des facettes mais également toute forme de documentation créative permettant l’accès aux expériences de vie qui permettent de constituer de riches histoires alternatives. John Stillmann partagera avec nous les méthodes de travail qu’il a mises au point avec ses clients et qu’il pratique depuis plusieurs années.

Nous nous focaliserons sur les approches dites «expressives», l’art, la mise en scène , le mouvement, le dialogue intérieur, entre autres, et également sur d’autres écoles et cadres de référence, tels les inventaires de personnalité type Golden, les concepts Jungiens…

Nous ouvrirons également une espace d’exploration pour d’autres approches apportées par les participants, telles que la création de personnages en entreprise (personnages syncrétiques tels que FAJEC, (voir ici l’article de Sandrine Janssen) et aussi le travail de David Denborough sur “Power of song” ou la façon d’utiliser la création musicale et les chansons pour accroître la compétence des clients sur la description de leur propre vie et également en renarration de groupe.

Bref, cela s’annonce dense et passionnant, et il est encore temps de vous inscrire auprès de catherine@cooprh.com

Erickson, les peaux-rouges et la thérapie

Le chef Two Moon (DR)

Extraite de Milton Erickson et transmise par Béatrice Arnaud, une métaphore inspirante et intéressante sur la posture du thérapeute. La question est : influent ou pas influent ?

Erickson avait du sang amérindien dont il était très fier. Il disait : “la différence majeure entre mon travail en hypnothérapie et le reste, c’est la même qu’il y a entre comment un blanc chasse et comment un peau-rouge chasse. Il dit, quand l’homme blanc part à la chasse, il rassemble des bombes, des tanks, des mitraillettes, des chiens, des milliers de personnes, ils vont en voiture jusque dans la forêt, et puis tout le monde sort en hurlant et tire sur tout ce qui bouge en espérant qu’ils vont atteindre quelque chose. Voilà comment le blanc part à la chasse. Le peau rouge part tout seul, jusqu’à l’orée de la forêt, il a peut-être un couteau, dit une prière, en demandant son pardon à la forêt parce qu’il va prendre une vie, afin que son peuple puisse vivre, il marche avec respect, en étant très attentif à ne pas perturber quoi que ce soit, trouve un joli rocher plat au soleil, il s’assied, il médite et attend qu’un animal vienne. C’est comme ça que chasse l’homme rouge et c’est comme ça que moi, je fais la psychothérapie.”

Christophe Dejours : “l’identité comme armature de la santé mentale”

Par Sandie Rimbert

Christophe Dejours (psychiatre, psychanalyste, à la tête de l’équipe de psycho-dynamique du travail et de l’action du CNAM) était invité par la Ligue des Droits de l’Homme de Gironde il y a quelques jours à Bordeaux II.

En dehors de quelques percées médiatiques, je ne connaissais rien des travaux de ce chercheur aujourd’hui régulièrement sollicité par les organisations dans le cadre de son approche sur la souffrance au travail.

Je retiens d’abord sa définition de l’identité comme « armature de la santé mentale», expression qui éclaire d’un jour nouveau le travail d’exploration du paysage de l’identité. Aider nos clients à se reconnecter à leurs rêves, leurs espoirs, leurs valeurs, permet aussi de ne pas devenir fou à force d’être à côté de soi.

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N’oublie pas les chevaux écumants du passé

Par Stéphane Kovacs

Stéphane est salarié de Orange France Télécom depuis 1997 et y exerce à temps partiel un rôle d’accompagnement des personnes, des groupes et des communautés. Formé aux pratiques narratives et compagnon de route de ce blog, il nous livre ici une histoire merveilleuse sur la transmission emprunté à Christiane Singer et un point de vue remarquablement pertinent sur la crise de France Telecom et la façon dont elle pourrait se rattacher à la tradition des bâtisseurs de cathédrales.

« Un ami de longue date, Richard Baker Roshi, héritier dharma de
Suzuki Roshi, et sa fille de trois ans sont installés à la table du
petit déjeuner chez nous. Sophie commence avec son couteau à rayer la
table. Et grâce à ce geste qui ne m’a guère enchantée, voilà que
j’assiste à une leçon de transmission.
Le père arrête avec douceur la petite main :
« Halte, Sophie, à qui est cette table ? »
Alors la petite fille boudeuse :
« Je sais ! A Christiane.
– Non, mais avant Christiane !…Elle est ancienne cette table,
n’est-ce pas ? D’autres ont déjeuné là…
– Oui, les parents, les grands parents, les…
– …Mais ce n’est pas tout !…Avant encore ?
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Traduire, un acte politique

Par Catherine Mengelle

A cause d’une suggestion de Pierre, j’essaie de comprendre certaines idées de Foucault sur le silence.

Il m’est très difficile de lire les écrits, très conceptuels, des philosophes. Il me semble pourtant être tombée sur une idée qui m’ouvre des compréhensions nouvelles sur le silence de ceux qui ne disposeraient pas de la syntaxe dominante pour parvenir à s’exprimer.

Longtemps, cela a été le cas de ceux qui “disaient la vérité”. Ceux-là étaient considérés comme fous par ceux qui ne se souciaient pas de la vérité et condamnés à mourir (Socrate). Aujourd’hui, ceux qui “disent la vérité” ont pris le pouvoir et condamnent ceux qui n’y arrivent pas (les “fous”) à l’enfermement et au silence. Lequel de ces deux discours est le bon ? Aucun des deux sans doute, et chacun abuse de son pouvoir, pour de multiples raisons.

Il y a naturellement violence à vouloir imposer à tous une langue unique, ce que font dans l’histoire les états centralisateurs. Tout ce qui ne se dit plus en basque, en occitan, en breton, en langue des sorciers, etc. est tombé dans le domaine du silence. L’idée nouvelle pour moi, c’est que cela ne signifie pas que ce non-dit n’existe plus. Le silence existerait autant que la parole. On peut donc travailler avec le silence autant qu’avec la parole. Et ça me rappelle l’article de Stéphane Kovacs “Donner la parole à des pensées ou des émotions silencieuses” (2010).

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L’approche narrative, un choix politique

Par Catherine Mengelle
Www.declictonavenir.com

Une contribution de la “narracoach” qui a traduit “Qu’est-ce que l’approche narrative ?”, d’Alice Morgan (Editions Hermann-l’Entrepôt) et qui est en train de mettre la dernière main a la version française de “Collective narrative practice”, le passionnant ouvrage de référence de David Denborough.

J’abandonne un instant mon travail de traduction pour m’attarder sur les mots de David Denborough au sujet de l’individualisme, et les savourer pleinement : “… l’essor de la culture “thérapeutique” ou psychologique a également énormément contribué au discours individualiste … Ces vingt dernières années, les praticiens de l’approche narrative (Freedman & Combs, 1996 ; White & Epston, 1990) ont cherché à développer une forme de thérapie ou d’accompagnement capable d’offrir une alternative à la conception individualiste de l’autonomie, incontournable et vénérée par de nombreux courants psychologiques… ” (Collective Narrative Practice, David Denborough, 2008).
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L’au-dehors et l’en-dedans

La construction de passerelles entre l’approche narrative et la psychanalyse n’en est encore qu’à ses débuts.

De nombreux éléments les séparent (rôle du transfert, définition de l’inconscient, construction théorique, posture du praticien, stratégie du silence…) encore qu’il existe beaucoup d’écoles et de styles de pratiques différents de la psychanalyse dont certains sont très narrativo-compatibles. Un article de Christian Beels, un psychiatre qui a eu une longue relation professionnelle avec Michael White offre des pistes intéressantes. Cet article intitulé “Some historical conditions of narrative work” (Family Process Vol 48. No3, 2009, disponible en téléchargement sur le site du Dulwich) remet en perspective les origines de la psychanalyse, de la thérapie familiale systémique et de l’approche narrative qui en est historiquement issue.

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