Culture majoritaire et voix minoritaires

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Est-il inévitable que dans une culture d’entreprise, le désir de cohésion impose d’exclure des cultures minoritaires ou différentes ?

Le travail sur la reconstruction identitaire et culturelle dans les organisations nous amène souvent à être confrontés à des situations où une culture dominante s’affronte à des voix minoritaires, ces dernières luttant pour se faire entendre et la première envahissant tout l’espace disponible. Y a t-il une solution meilleure que l’autre, dans un système où la méta-culture dominante de la performance et de la concurrence tend à écraser toute vision divergente ?

D’un côté, la perspective d’un fédéralisme qui serait un collage de cultures communautaires locales liées à des territoires géographiques, ou bien des épisodes historiques partagés, ou bien encore des défis, particularités, leaders ou ennemis locaux mais n’ayant plus aucun récit commun. De l’autre, le fantasme fusionnel de l’équipe commando ou de l’ashram d’entreprise, gros tas de chouettes copains où chacun est avant tout dans la relation avec l’autre, où la communauté se définit à travers des récits tellement forts que tout nouvel arrivant qui n’aurait pas vécu ces expériences fondatrices ou qui ferait entendre une voix légèrement dissonnante se trouverait rejeté par le groupe.

Quel équilibre trouver entre les deux ? Par expérience, “trop” de culture est plus efficace et moins difficile à corriger que pas suffisamment, du moment que cette culture n’est pas imposée d’en haut mais coproduite en permanence par les acteurs. Ce trop-plein de culture devient une histoire dominante qui a tendance à prendre toute la place disponible et à étouffer les voix minoritaires. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Certainement un peu des deux à partir du moment où aucun canal d’expression des voix minoritaires ne subsiste.

Pour autant, l’intégrisme des voix minoritaires mine les cultures plus qu’elle ne les fertilise. Une histoire culturelle a vocation à devenir dominante, charge à ses acteurs de l’empêcher de saturer tout l’espace narratif. Mais dominante aussi, et oh combien dangereuse, est la croyance en un caractère sacré et infrangible de la voix minoritaire, car elle devient dominante à son tour, empêchant par principe (ou par peur) tout récit de s’épaissir. Or, toutes les histoires culturelles et toutes les histoires dominantes ne sont pas, loin de là, des histoires de problèmes !

Certaines aident les gens à vivre, toutes sont à l’origine des grands projets, des grandes réalisations et des grandes communautés, tant il est vrai qu’au départ, il y a une histoire qui s’incarne et se déploie à travers ses acteurs. Il me semble donc souhaitable d’assumer et de revendiquer tranquillement la cohésion culturelle : mieux vaut avoir des soucis à négocier une place acceptable pour les voix minoritaires que la tristesse et l’atonie d’une organisation réduite à ses processus faute d’une culture vivante qui exulte à exprimer sa puissance.

Pourquoi un chimpanzé pour illustrer un article sur les cultures d’entreprises? Réponse sur le Blog de la Coop RH : ici (lien obsolète).

Une réflexion au sujet de « Culture majoritaire et voix minoritaires »

  1. J’ai entendu parler d’un éthologue qui travaille sur le comportement des chimpanzés; tu sais les mêmes que ceux de la banane pendue, ! il a mis en évidence un comportement d’anticipation pour ces singes d’une réserve zoologique.
    Au petit matin, ils entassent des pierres, avant l’ouverture aux visiteurs,et les leur envoient des qu’ils arrivent.Lorsque le parc est fermé, pas d’anticipation , c’est le pacte de non agression!

    Alors dans l’entreprise,entassons des cacahuètes pour les balancer sur les esprits “petits chefs”, ou entassons des douceurs verbales pour recevoir du miel?
    Qu’a donc découvert ce chercheur?

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