Le naufrage relationnel et collectif de l’équipe de France nous offre une double opportunité narrative.
D’une part, être confrontés en temps réel et en direct, avec une puissance planétaire, à un retelling de ce que les Bleus ont compris de notre société. Ce n’est pas très agréable et gageons que c’est pour cela que la condamnation a été aussi violente et unanime, avec une urgence à localiser le problème qui chez le coach, qui dans l’équipe avec une recherche frénétique de coupables qui nous évite de réfléchir à notre participation à ce système.
Car lorsqu’on explore le contexte élargi, on se rend compte que la perfusion de pognon à laquelle ces jeunes gens sont brutalement exposés, leur statut d’icônes récupéré par ces mêmes marques commerciales qui les lâchent aujourd’hui, le fait de piétiner le fait collectif en se mettant en grève au nom d’intérêts particuliers, la grossièreté et la violence (exprimés naguère au plus haut somment de l’état par un “casse toi, pauv’con !” qui n’a pas valu la “une” de l’Equipe, la négation de l’autorité et le refus obstiné de la moindre contrainte ou de la moindre frustration, la toute-puissance du spectacle et la dilution de la conscience d’appartenir à un tout : ce ne sont pas des thèmes footbalistiques, mais les thèmes qui sous-tendent la désagrégation de notre tissu social et des valeurs qui ont servi de socle à notre contrat social depuis la fin de la guerre.
Et ceci nous confronte aussi avec une question de remembrement : qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui de faire partie d’un groupe nation ? Comment cela se voit ou se décide t-il ? Quelles sont les règles d’inclusion et d’exclusion ? Quels sont les droits et les devoirs exprimés par cette appartenance, quel est son sens ? A travers les débats conjoints du comportement de l’Equipe de France au cours de la Coupe du Monde, de la réforme des retraites et de la fragilité des Etats face aux marchés financiers, c’est la même question qui est posée et la même recherche qui essaie d’émerger : celle d’un nouveau récit qui puisse documenter notre appartenance à un pays, et notre relation à cette appartenance.
Les Bleus ont explicité la médiocrité du système que nous produisons et qui nous produit en même temps. Jusque là, les grandes aventures footballistiques nous permettaient d’oublier l’inanité de nos idéaux de consommateurs dociles. Grâce à leurs victoires, nous pouvions encore nous croire grands et engagés dans une grande aventure! Mais voilà, la fumée des prestidigitateurs s’est dissipée: les rois apparaissent nus et ils ne sont que notre miroir et ce “Cassez-vous, pauv’ cons” nous ne pouvons nous en emparer qu’en l’adressant à nous-mêmes. Bon, on change d’histoire ?
Je suis parafaitement d’accord avec ton “retelling”, d’ailleurs le renoncement des joueurs à leur primes et leurs excuses montrent une certaine reprise de contact avec réel de leur part. Il reste que leur fonctionnement est vraiment le symptôme de l’évolution de notre soéciété à laquelle participe la politique libérale qui est menée. Cela suffira-t-il? Je crains comme toi, que non. Risque de n’être entendu que la seule valeur “travail” d’une identié qui est beaucoup plus large et qui implique cohésion, solidarité et générosité.