Le séminaire de Cheryl White et David D. sur le travail avec les communautés confrontées à des traumas était une mine d’idées, de techniques, d’outils, que nous allons pouvoir utiliser en France.
Dans notre formation de praticiens, nous avons en effet plus ou moins privilégié, un peu par manque de temps et un peu à cause de la complexité du sujet, les interventions individuelles. Le travail avec les communautés a pourtant été abordé par Michael White à plusieurs reprises, puis par Shona Russell en septembre dernier de façon plus opérationnelle, mais à ma connaissance, peu d’opérations ont été menées en France. Pour ma part, j’ai pu travailler avec mes collègues de la Coop RH sur plusieurs missions en entreprise (coaching narratif de comités de direction, teambuilding, travail sur les valeurs et sur les cultures d’entreprises et accompagnement d’une filiale après un suicide que je raconte dans l’ouvrage collectif que nous sommes en train d’éditer) et une mission en terrain urbain dan un quartier sensible, dont pour le moment l’embrayage patine.
Le séminaire, dont le titre en V.O. est : “Responding to trauma and enabling contribution: The possibilities of collective narrative practice” nous apporte tous les chaînons manquants dont nous avions besoin pour tisser un pont entre la pratique narrative individuelle et le travail avec les communautés, et c’est en cela qu’il est essentiel pour le développement de ce travail en France. Impossible de développer ici l’ensemble des outils présentés, avec des exemples empruntés aussi bien à l’accompagnement de survivants du génocide Rwandais que des groupes d’enfants au Zimbabwe, ayant subis des abus ou bien des salariés après une grande grève ayant occasionné des violences. Par contre, quatre grandes idées qui circulent à travers l’ensemble de ce travail :
- Le but est toujours de faire émerger des compétences, des connaissances et des pratiques qui permettent aux gens d’être plus forts, de mieux se défendre, de résister ensemble à ce qui menace leur communauté. Le travail du praticien est de faire éclore la “double histoire”, c’est à dire l’histoire des pratiques de résistance qui constitue en quelque sorte la doublure des histoires de deuil ou de trauma.
- Le client est considéré d’emblée non pas en tant que malade ou dysfonctionnel, mais comme représentant d’un problème de la communauté et au sens plus large de l’ensemble de la société.
- Le travail narratif vise à rendre le client capable de s’intégrer à nouveau dans une initiative collective visant à combattre le problème au niveau local.
- Le praticien est un média : le client parle à travers lui et s’adresse à travers lui à la communauté à laquelle il va se rattacher. Il ne s’agit pas d’un tête à tête du praticien avec le client, mais d’une médiation opérée par le praticien entre le client et sa communauté. Une fois rattaché à sa communauté ou à la société humaine en général par de nouveaux liens, le praticien s’efface. C’est magnifique, non ?
L’idée derrière tout cela est le regard que nous portons sur l’individu. Nous avons été formés dans une tradition occidentale, européenne et psychanalytique issue de la bonne société viennoise du XIXème siècle dont le lieu achétypique est le cabinet du Docteur et l’interaction archétypique la consultation. Ici, nous entrons dans une autre dimension, où ce qui est brisé est le lien entre le client et le sens qu’il donne à appartenir, où ce sens a été brisé mais où des fines traces et l’espoir de se relier permet à ce lien de cicatriser. Nous sommes des accélérateurs de cicatrisation.
P.S. qui n’a rien à voir :
N’oubliez pas le concours de questions ! Et sachez pour finir que la météo, c’est grand soleil et 28° à l’ombre, un peu orageux, avec des jasmins en fleur dans tous les jardins et les parfums correspondants qui nous accompagnent comme des écharpes invisibles. Une toute dernière chose, la photo de Cheryl et de David D. est un copyright de Jean-Louis !
Merci Pierre de partager cela avec nous. Cette vision du praticien comme un médiateur qui va faciliter l’épaississement du lien entre son client et la communauté (au sens large) me parle énormément.
Merci beaucoup pour ces éfluves de jasmin. Les écharpes, ici, se laissent bien voir et je dois penser à couvrir le laurier rose !
D’où vient que le travail que tu décris me parle tant ?
C’est super, je suis avec François et Christophe et nous t’embrassons, Ce traavil des communautés me fait saliver!!
ca fait de toi notre barde, griot narratif
bises
Elizabeth