Est-ce que la préhistoire est de la non-histoire, ou de l’histoire non histoirisée ?
Considérer la préhistoire, c’est réfléchir à l’endroit depuis lequel on décide de la nommer ainsi. Cela signifie que la préhistoire a eu lieu avant le début de l’histoire, c’est à dire à un moment où il ne s’est rien passe qui soit digne d’être recruté dans le grand casting des événements historiques. Ou alors que les sources de mémoire transmissible n’existaient pas. De ce fait, nous serions tentés de porter sur cette période et ses contemporains un regard colonialiste, comme si l’histoire se confondait avec le progrès et que notre époque, notre culture façonnées par l’individualisme et la machine à vapeur, constituaient un aboutissement plutôt qu’une option possible, et l’effet d’un certain empilement de choix dictés par un empilement symétrique de contextes.
Comme si nos frères humains qui vivaient il y a 50.000 ans ou il y a 800.000 ans (premières sépultures) n’avaient pas aimé, pas espéré, pas créé d’oeuvres, pas joui, pas médité sur les mystères du temps. Comme si leur médecine, leur organisation sociale, leurs rites funéraires, leurs religions, leurs réponses aux grandes questions de la vie, n’avaient pas vraiment compté. Comme si chacun d’entre eux ne portait pas autant de savoirs et de complexité que chacun d’entre nous. Ainsi, le colonialisme n’est pas seulement territorial, il peut assimiler le temps à l’espace et devenir aussi temporel, relisant les “expériences de vie” du passé à travers les lunettes de notre identité intentionnelle occidentale, blanche, hétérosexuelle et surtout post-industrielle, définissant ainsi a-posteriori différentes catégories historiques de la normalité ou une sorte de sens de l’histoire essentialiste et pan-historique.
L’Histoire est une espèce de tentative de mettre en récit le réel.
Parfois nous, occidentaux, oublions que c’est uniquement une tentative et nous la confondons alors avec le réel, lequel est pourtant inaccessible.
Ainsi se forgent parfois des convictions sur l’Histoire, l’officielle, son découpage, sa vertue scientifique et la caution apportée par les experts de la discipline.
Je reconnais et j’honore cette façon de se raconter l’Histoire et je reconnais et honore aussi des façons différentes de se raconter son histoire : par exemple avec les mythes.
Il est encore impossible de situer avec précision la naissance des mythes mais nous savons qu’ils ont longtemps relevés d’une tradition orale et de l’art rupestre avant d’être formalisés par écrit, l’écriture étant apparue tardivement comparé à la parole.
Entre les peintures pariétales de La Combes d’Arc et celles de Lascaux il s’est écoulé autant de temps, environ 16000 ans, qu’entre Lascaux et l’époque actuelle : quelles histoires se racontaient nos ancêtres dans l’obscurité des cavernes ?
Le mythe est aussi un récit qui ne tente pas de représenter le réel de façon objective comme le tente l’Histoire mais de se raconter nos origines et nos compétences collectives avec les recommandations sur la conduite de la vie.
Si vous avez envie de voyager à travers notre passé collectif, à travers les contrées et les cultures, en empruntant le mythe comme moyen de locomotion, d’une manière imagée et simple et sans vous fatiguer les yeux, je vous conseille de vous procurer le livre audio intitulé “Récits Mythiques” de Jean-Claude Carrière. Voici un lien qui le décrit :
http://livre.fnac.com/a1770306/Jean-Claude-Carriere-Recits-mythiques
Bien à vous
C’est vraiment intéressant Michèle, au delà de la synchronicité qui est toujours bonne à prendre, cela nous rebranche aussi sur ce bouquin de Jacques Attali sur le nomadisme, il y a quelques années, et qui démontrait qu’une bonne partie des misères de notre société vient de l’élimination des sociétés nomades par les sociétés sédentaires, une haine séculaire dont on retrouve un écho dans les délires gouvernementaux de l’été dernier sur les Roms… Et aussi sur le merveilleux “l’homme sauvage et l’enfant” de Robert Bly, dont nous parlions début juillet à la Fabrique et qui retrace le destin de notre part sauvage dans un discours dominant “civilisé qui a tendance a la nier facialement pour nous faire vivre dans une molle et indicible violence… Mais sans qu’il soit possible de rien en penser…
Étonnant Pierre, cette synchronicité. Tu parles ce jour de la pré-histoire et de la manière centrée du regard que nous y portons, simplement au regard du nom qu’on lui donne.
De mon coté, j’ai lu un article dans “Sciences Humaines” de juin 2011 sur le néolithique. J’ai ainsi compris que c’est à cette date que “les sociétés qui ont fait le choix de l’agriculture, ont progressivement éliminé de la surface de la planète, en quelques millénaires, les sociétés de chasseurs-cueilleurs …” Il a aussi été constaté que les sociétés qui ont fait le choix de l’agriculture, étaient plus fécondes que les autres.
Les sociétés venant du proche orient (Mésopotamie) ont ainsi envahie l’Europe et l’Asie.
Je reste encore sous le choc de cette connaissance et prise de conscience. Et vous, qu’est-ce que ça vous fait ? (peut être le saviez vous !)