Archives pour la catégorie Carnets de route

Hospitalité (4)

Voici un quatrième article de Martine sur un autre atelier ayant rapport avec l’accueil des réfugiés.

Des cérémonies définitionnelles, sous forme de rituel d’hospitalité

Un retour de l’atelier “Definitional ceremonies as rituals of hospitality in a mobile and interactive exhibition of Afghan refugees in Belgium”, présenté par Sarah Strauven, Abdul Shirzai et Shakila Yari.

J’assume de nouveau les traductions approximatives des documents et présentations en anglais.

L’atelier est présenté en anglais, tout d’abord par Abdul Shirzai puis Shakia Yari.

Abdul-Shirzai-et-Shakila-Yari-blog

Ils témoignent brièvement de leur arrivée, d’abord en centre d’accueil, durant un à quatre ans avant de recevoir le statut de réfugié.e politique.

Abdul se fait le porte-parole du désespoir des Afghans présents à ses côtés : leur culture, leur richesse, leur humanité sont balayées par des images d’actualités ; ils sont perçus comme représentants d’un peuple guerrier, violent, arriéré.

“Quand une vieille femme refuse dans le bus le siège que je lui offre, je me sens complètement incompris et rejeté” rapporte l’un des supports présentés.

Le témoignage de Shakila met, lui, l’accent sur la fierté et la gratitude qu’elle éprouve aujourd’hui, femme, d’être capable d’agir pour son peuple et de se trouver ainsi, debout devant nous. Notre culture permet le respect des droits de l’homme et de la femme. Elle honore à cette occasion le souvenir de sa mère qui lui prédisait, petite, qu’elle saurait un jour agir pour aider son peuple.

Faire connaître notre culture et célébrer nos actes de résistance

L’idée germe alors dans l’esprit de Sarah (psychologue spécialisée dans les traumatismes et la santé mentale des personnes victimes de déplacements, nourrie de pratiques narratives) et d’Abdul, de faire connaître la culture afghane.

Niaz Mohamed Miyasahib les rejoint et peu à peu émerge le coeur de la réflexion : “comment pouvons-nous modeler (mettre en forme) notre vie dans une nouvelle société, de façon respectueuse de notre passé et de telle sorte que cela ouvre notre coeur et notre esprit à de nouvelles expériences, et que nous nous sentions connecté.es à la fois au passé, au présent et au futur ?”

Un document collectif est constitué à partir d’entretiens individuels. Il porte des témoignages de résilience, des éléments clefs de la culture afghane (des proverbes, des traditions, une carte) et il est nourri par les photos personnelles (tapies au creux des téléphones portables) confiées par les personnes.

“Le fruit de la patience est délicieux”

Un artiste photographe, Dean Pasch, réalise une œuvre graphique, en guise de documentation, à partir de ces éléments. Ces images sont ensuite renvoyées aux personnes et l’artiste recueille les retours. Les images fragmentées et reconstituées, superbes, témoignent de la nature multiple des vies exposées.

De ces supports, Sarah, Abdul, Shakila et d’autres réalisent une exposition. Tous s’engagent de façon bénévoles au service du projet.

Exode et déplacements sont communs à toutes les cultures

Ils décident de profiter en 2014 des commémorations de la Première Guerre Mondiale, pour relier, grâce à ce travail artistique, toutes les personnes, belges, afghanes ou autres populations déplacées. Ils parient sur le caractère universel des peurs, résistances et compétences soulevées quelle que soit l’époque, par l’exode et la fuite.

L’occasion de recueillir des témoignages extérieurs

Ils complètent les expositions par la demande de témoignages de la part des spectateurs / visiteurs. Ils créent ainsi les conditions d’une cérémonie définitionnelle nourrie par des témoins extérieurs.

C’est ainsi qu’à la fin de l’atelier, nous sommes invités à écrire une lettre à l’attention des personnes afghanes sources de l’exposition : que gardons-nous comme points clefs ? Quelle image cela nous donne-t-il de la culture afghane ? Que retenons-nous, qui nous nourrit ?

La narrative comme acte politique

En conclusion de l’atelier, Sarah intervient avec une détermination qui me touche.

Pour expliquer son engagement, et le choix de présenter l’exposition aussi hors des centres d’accueil, elle nous rappelle qu’il est de la responsabilité du groupe dominant de prendre en compte et de minimiser les effets causés par le discours dominant. Le peuple qui accueille et reçoit, porteur d’un discours dominant, a la charge d’instituer les conditions d’un changement.

Prendre soin de l’idiome d’origine

Enfin, elle témoigne du soin qu’ils ont apportés à respecter la langue d’origine.

Une expression traditionnelle afghane (pashtou) traduit la douleur par “le coeur qui brûle / le coeur incendié”.

L’exposition est donc intitulée “How we quench the thirst of our heart”. Quench signifiant à la fois “éteindre un incendie” et “étancher une soif”.

De nouveau au cours de cette conférence, par un tel témoignage, Sarah, Abdul et Shakila soulignent le sens profondément humain des pratiques narratives. Je sais pourquoi cet univers me semble si important et si puissant !

Voici une photo de ma documentation remise en qualité de témoin de l’atelier :

Documentation-Martine-Compagnon-blog

Pour plus d’information, vous pouvez me contacter afin d’avoir les coordonnées de Sarah (anglais, français, néerlandais), Abdul (néerlandais, anglais, pashtou, dari) ou Shakila (anglais, dari).

Martine Compagnon, 10 juillet 2016

Le désir de mourir (3)

Titre original : « Responding to people seeking asylum – Poh Lin Lee (3) »

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Ce troisième article m’est inspiré par un entretien rapporté par Poh Lin Lee, avec une jeune femme du centre australien de détention de réfugiés Christmas Island. J’assume la traduction délicate, et parcellaire, des extraits et des questions partagés.

Pour mémoire, ces personnes récupérées en mer, sont détenues sur un îlot et ont pour seul avenir soit l’expulsion en direction de leur pays d’origine, soit une détention illimitée sur un îlot isolé, soit, beaucoup plus rarement, l’obtention d’un visa leur donnant accès au continent australien, mais sans le droit de travailler ni d’étudier. Ces survivants ne reçoivent aucune information ou notification du sort qui leur est réservé.

La thérapie, un acte politique

Que dire, que faire face à une femme qui dit :

“J’ai tenu durant toute la traversée en pensant que je le faisais pour un futur meilleur. Quand nous avons été recueillis en mer, on nous a donné un gilet de sauvetage et une bouteille d’eau. Je n’ai pas été battue, ou malmenée. J’ai cru pouvoir me sentir en sécurité. Mais aujourd’hui, je ne peux plus continuer à supporter un traitement aussi inhumain. Qu’est-ce que cela leur fait, que je sois vivante ou morte ?” ?

Le désir de mourir, comme seule option de refuser la violation de mes droits humains fondamentaux

Face à une personne qui exprime le désir de mourir, la réponse institutionnelle consiste à vouloir “lui sauver la vie”. Mais dans ce cas, nous retirons à la personne la moindre parcelle d’autonomie et de choix, concernant sa seule possession : elle-même !

Poh Line Lee exprime son souhait profond de ne pas reproduire, dans ses questions et sa posture d’accompagnement, cela même qui est à l’œuvre dans la situation que vit cette jeune femme : la prise de pouvoir absolu du système sur sa capacité à exprimer une volonté.

Elle se centre alors sur l’ici et maintenant, et cherche, par une série de questions, à co-construire avec elle une façon acceptable d’aborder le problème…

Ces questions acceptent de plonger dans la peur, le désespoir avec le souci de comprendre, sans chercher à minimiser, à solutionner.

“Que vivez-vous ici de nouveau qui rendent les choses insupportables ?”

  • “Je ne peux plus continuer comme ça ‘”
  • “Qu’entendez-vous par comme ça ?”
  • “Un traitement aussi inhumain…”
  • “Permettez-moi de vérifier (si je comprends bien)… Est-il possible que vous ayez déjà connu des traitements inhumains ?”
  • “Toute ma vie…”
  • “Vous avez le sentiment aujourd’hui de ne plus pouvoir le supporter. Que trouvez-vous ici aujourd’hui de différent, qui rend la situation insupportable ?”
  • “Lorsque nous avons été récupérés en mer, on nous a donné à bord un gilet de sauvetage, et une bouteille d’eau. Je n’ai pas été battue ou malmenée. J’ai cru pouvoir enfin me sentir en sécurité. (NDLR : mais les conditions de détention, le manque d’information, confinent les personnes dans une situation aussi terrifiante que la dictature qu’ils ont cherché à fuir) (…)”

En creusant cette piste du sentiment de sécurité ressenti en arrivant, Poh Line Lee, tire le fil d’un absent mais implicite :

  • Je suis une personne digne de respect.
  • Je suis une personne qui a de la valeur, et mérite d’être en sécurité.

Par cette plongée dans le désir exprimé d’en finir avec cette situation, Poh Line Lee permet à la personne de donner un sens à sa détresse. Elle ouvre, par le regard porté par la jeune femme sur ses conditions de détention, un espace d’analyse politique.

Relation en conditions extrêmes

Que nous apprennent l’urgence et la tension qui signent ces rencontres (qui peuvent être interrompues à tout moment par une expulsion ou un transfert ?).

Poh Lin Lee partage quelques règles fondamentales éthiques qui l’ont aidé :

  • Commencer par restaurer le sens que chacun peut donner à son existence
  • Chercher à vivre à chaque instant une situation de confiance, car un mot, une expression, peuvent générer brutalement de la méfiance ; et chaque entretien peut être le dernier
  • “Challenger” le pouvoir grâce à la transparence
  • Rechercher une relation de collaboration, de co-élaboration

Un lien avec d’autres lieux où l’on peut entendre le désir de mourir

Une dernière réflexion : la capacité illustrée par Poh Lin Lee, d’accompagner la personne dans son désir d’en finir, me fait penser aux réactions du clown d’improvisation, personnage hors des règles habituelles, qui en maison de retraite accepte de prendre en compte l’envie de mourir de la personne âgée…

Une amie clown, Ciccina Carvello, complice de longue date, s’est entendue répondre -en clown- à une dame âgée qui lui annonçait son désir de mourir : “Bon. À quelle heure ?”. Et cette réponse a déclenché beaucoup d’intérêt chez la vieille dame, qui s’est occupée avec… vivacité de choisir la robe qu’elle porterait, et ce qu’elle donnerait à qui, le jour où…

La Thérapie comme acte politique rejoint le “clown acteur social”, titre d’une formation très connue du Bataclown.

Martine Compagnon, samedi 9 juillet 2016

P.S. :  Poh Lin m’a fait le plaisir d’ajouter le lien sur ce billet sur son site Narrative Imaginings.

La fin de la conférence… ou presque

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Nous voici à la fin de cette conférence intense et soutenue.

Crédit photo : Tassou Tarat

Nous toutes, vos correspondantes pour la francophonie, continuerons de rédiger nos articles sur les multiples ateliers intéressants.

atelier-post-conference-jill-freedman-blog jill-freedman-et-la-super-traductrice-anna-pooley-blog

Actuellement, nous assistons à un atelier post-conférence de notre amie, Jill Freedman, que nous voyons sur la seconde photo accompagnée de sa super traductrice Anna Pooley.

Elizabeth Feld, samedi 9 juillet 2016

Dire adieu (2)

Titre original : « Responding to people seeking asylum – Poh Lin Lee (2) »

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Saying good bye first

Ce texte m’est inspiré par un entretien rapporté par Poh Lin Lee avec un jeune homme du centre de détention de Christmas Island.

Quand toutes les personnes que tu côtoies
Disparaissent sans crier gare
Sans le temps d’un au revoir
Tu apprends à commencer
Par dire adieu
À tous ceux
Qui engagent la conversation avec toi

Quand toutes les personnes que tu côtoies
Disparaissent sans crier gare
Sans le temps d’un au revoir
Tu prends le temps d’un engagement
Dans chacune des conversations
Qui te relient, même pour un instant

Quand toutes les personnes que tu côtoies
Disparaissent sans crier gare
Tu dis adieu puis bonjour

Demain, quand je te rencontrerai
Je prendrai
Le temps de te dire tout ce que tu m’apportes
Après tout, ici aussi
Je ne sais pas ce qui m’attend
Derrière la porte !

Martine Compagnon, samedi 9 juillet 2016

P.S. :  Poh Lin m’a fait le plaisir d’ajouter le lien sur ce billet sur son site Narrative Imaginings.

Accueillir les réfugiés (1)

Titre original : “Responding to people seeking asylum – Poh Lin Lee (1)”

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

À deux jours d’intervalle, deux présentations ont abordé des exemples d’interventions menées par des praticiennes narratives, auprès de personnes réfugiées et déplacées.

Le Dulwich Center lance un appel à contribution

David Denborough et le Dulwich Center lancent un appel à contribution aux praticiens narratifs : comment pouvons-nous agir, localement, en réseau, auprès des personnes déplacées ? Aujourd’hui, dans le monde, 1 personne sur 113 ne peut pas rentrer chez elle. (Voir document joint Asylum crisis: how can we respond?).

Voici le premier de 3 articles, pour partager mes points clefs de l’atelier donné par Poh Lin Lee, Dulwich Center.

Phosphate, crabes et centre de détention

Christmas Island. Îlot australien au large de l’Indonésie qui “accueille” -le vocabulaire a parfois un humour grinçant- tous les réfugiés interceptés en mer dans les eaux territoriales australiennes.

Au fil des années, et du durcissement de la législation sur l’immigration, seules quatre voies se présentent aux hommes, femmes, enfants internés ici :

  • L’envoi, pour une durée indéterminée, dans un autre centre de détention situé de l’autre côté de l’Australie, dans le Pacifique, sans aucune possibilité de mettre les pieds en Australie,
  • L’expulsion en direction du pays d’origine (Afghanistan, Iran, Irak, Syrie, Sri Lanka…),
  • La détention illimitée dans le centre de détention de l’Île,
  • Un visa pour l’Australie, sans jamais obtenir le droit de travailler ou d’étudier.

Dans tous les cas de déplacements ou d’expulsion, les personnes ne sont pas prévenues à l’avance. L’Administration leur donne en moyenne 10 minutes pour faire leurs paquets et leur adieux avant de disparaître.

No Future

Une personne dans de telles conditions d’incertitude et d’absence de perspective, “tient” 6 mois avant de connaître des troubles psychologiques. 3 mois si cette personne a auparavant vécu une situation de traumatisme, ou de torture.

Le taux de suicide ou d’atteinte à l’intégrité des personnes conduit le Gouvernement à installer un “Torture & Trauma Council”, centre de Conseil aux personnes victimes de traumatismes ou de torture. Ce service, série de baraques en préfabriqué, installées près de l’hôpital, offre aux détenu.es la seule possibilité de sortir du centre de détention, amené.es puis remmené.es sous escorte.

Poh Lin Lee et d’autres collègues du Dulwich Center, interviennent dans ce centre.

Shift from Curing to Enduring / Sustaining

Dans de telles conditions, comment pratiquer des conversations qui parlent d’espoirs et de rêves, d’identité préférées dans le futur, sans se heurter à l’incertitude insoutenable qui plombe la vie des personnes présentes ?

Que faire, lorsque le praticien sait qu’il n’a aucune solution, aucune réponse à la question “qu’est-ce que je deviens demain ?” :

  • Se dire que l’on ne changera rien de façon opératoire, mais que témoigner est essentiel ! La présence des praticiens permet d’apporter une réponse au moins à l’une des trois questions qui hantent les “survivants” : “est-ce que j’existe vraiment ?” “Est-ce que quelqu’un sait que je suis ici ?” “Est ce que je deviens fou ?”
  • Recontextualiser le traumatisme, en replaçant dans le tableau la responsabilité politique, gouvernementale, occidentale, légale… pour sortir de la représentation d’une responsabilité de l’individu dans la situation de détresse mentale qu’il connaît. Faire donc de la thérapie un acte politique.
  • Créer par les conversations, des îlots de sécurité, connectés aux identités préférées, reliés aux valeurs et aux intentions.

Un conte ?

L’homme marche sur la plage. Sur le sable, des milliers d’étoiles de mer abandonnées par le retrait de la marée.

L’homme se penche et en ramasse une. Il la relance dans les flots. Il en attrape une autre, et la relance de toutes ses forces dans l’eau. Puis une autre…

Un autre homme l’accompagne, et l’observe.

  • Pourquoi est-ce que tu t’obstines ? Ça ne sert à rien ! Tu en relances une ou deux. Il en reste des milliers qui vont mourir. Ça ne change rien !
  • Tu as raison. Ça ne change rien au final. Mais tu vois celle-ci, que je tiens dans ma main ? Pour elle, ça change tout !

… et il la renvoie de toutes ses forces dans l’eau.

Martine Compagnon, vendredi 8 juillet 2016

P.S. :  Poh Lin m’a fait le plaisir d’ajouter le lien sur ce billet sur son site Narrative Imaginings.

Stephen Madigan : donner la parole à la relation

En direct (avec un léger différé) de Barcelone  où se déroule la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

La conférence est précédée d’un atelier avec Stephen Madigan “Relationnal Interviewing Emotional Preparing Conflicted Couples for Mediation, Separation or Réunification”.

Nous y avons assisté et souhaitons partager avec vous quelques points clefs. (Nous assumons les traductions, toujours délicates, que nous avons faites des formulations de Stephen). Un article est en cours de rédaction par Stephen Madigan et rendra compte à la rentrée de ses expérimentations et recherches sur le sujet.

Stephen Madigan expose durant l’atelier d’une journée, ce qu’il explique être la récente réorientation de son travail : reconstruire l’éthique de la Relation, avant de déconstruire le conflit.

Il commence par réaffirmer son intention de prendre de la distance par rapport à une lecture individualiste du conflit, telles que “les causes de la mésentente de notre couple sont à rechercher chez l’un ou l’autre d’entre nous et signent notre incapacité à faire mieux”.

La Relation est relationnelle

Il prête aujourd’hui toute son attention à la Relation elle-même, celle qui relie les deux personnes présentes – quoi qu’elle devienne : Relation de personnes en couple, de personnes séparées ou de parentalité (s’ils ont à partager demain la garde / la responsabilité d’enfants).

Il pose les conditions d’un dialogue riche sur l’éthique de la Relation, de ce qu’elle fut et de ce qu’elle pourrait être demain.

“Puis-je vous demander comment vous vous êtes rencontrés ? (…)”

“Pensez-vous que votre Relation possédait un socle de valeurs et d’éthique qui vous étaient communes ? Lesquelles ? (…) “

“Pensez-vous que (telle pratique) a comme effet de renforcer ou au contraire d’amoindrir votre Relation ?”

“Comment pensez-vous que votre Relation s’est débrouillée par le passé pour ne pas être déstabilisée par (…) ?”

“D’après vous, quelle relation votre Relation entretient-elle avec d’autres relations ? Par exemple, en quoi votre Relation au Travail interfère-t-elle avec votre Relation ? Et votre Relation à vos parents ? Aux réseaux sociaux (…) ? En quoi ces autres Relations laissent-elles (ou non) des ressources ou de l’espace à votre Relation ?”

Etc.

Avant, j’écrivais des lettres au couple, maintenant, j’écris des lettres à la Relation

Après avoir posé ainsi les bases d’une reconstruction de la Relation, Stephen Madigan nourrit une documentation sur l’éthique de la Relation.

En tant que thérapeute, il écrit un courrier à la Relation de Nicole et Jason :

“Chère Relation, j’ai entendu parler de toi par Nicole et Jason. J’ai compris que tu étais nourrie de telle et telle valeur. (…)

Je crains que sans guide de ta part, vous ne restiez bloqués. Accepterais-tu de leur donner ton point de vue sur ce qui t’aiderait à avancer ? (…)”

Chaque partenaire est invité à écrire, de son côté, au couple, au nom de la Relation (une page maxi).

Puis, en séance, chacun est invité à lire sa version de la lettre à haute voix puis à témoigner de ce que cela lui a fait de rédiger cette lettre. Le partenaire est invité oralement à répondre à la Relation, ou à dire ce que cela lui fait d’entendre la Relation s’exprimer ainsi.

Un exemple de lettre, du point de vue de la Relation, à Nicole et Jason

Chers Nicole et Jason,

Tout d’abord, je tiens à remercier l’effort que vous avez mis pour me reconstruire et essayer de me remettre en bonne santé. Je suis passée par des moments difficiles au cours de ces derniers 18 mois et bien que je semble différente de ce que j’ai pu être avant, finalement je commence à me sentir comme mon (nouveau) moi à nouveau.

Ne vous méprenez pas, ce qui m’est arrivé est triste, mais je suis sûre qu’il y a des parties de mon ancien moi, que je peux conserver/retrouver avec votre aide, et que je peux être forte, drôle, aimante et réconfortante à nouveau.

Je me rends compte que pendant un temps j’étais tout à fait méconnaissable, mais j’espère vraiment que vous vous souvenez de ce que vous appréciiez collectivement avant que je ne tombe malade. Je veux être pour vous 2, une amie pour la vie et aussi longtemps que vous me promettez de prendre soin de moi, je promets de faire de même avec vous mais j’y mets une condition … s’il vous plaît n’oubliez de m’apprécier.

Je suis tellement fière, de vous deux, pour la façon dont vous élevez vos deux beaux enfants. Me sentant mieux maintenant, je sens que je peux vraiment vous aider. Vous faites tous les deux un excellent travail, et je suis sûre que lorsque je serai en parfaite santé et heureuse à nouveau, nous pouvons faire encore mieux si nous travaillons ensemble.

Si je me sens bien avec moi même, les filles le remarqueront et se sentiront mieux aussi. Je vois que vous êtes deux parents affectueux et bienveillants qui ne souhaitent que le meilleur pour Avery, Brooke et Emilie, et je veux faire partie de cet amour et partager un grand nombre des réalisations et des moments avec vous cinq, quelque soit la façon dont je puisse le faire.

S’il vous plaît, soyez gentils, respectueux, affectueux et reconnaissants les uns envers les autres… Cela m’aide à me sentir forte.

Cordialement,
Votre relation

Cette pratique aboutit, entre autres, à trois effets que souligne Stephen :

  • permettre aux partenaires de développer de la compassion à l’égard de la Relation elle-même et de son degré d’épuisement et de faiblesse – avec comme conséquence de permettre aussi de ressentir de la compassion pour les personnes
  • aborder le sujet délicat de la perte et du deuil que chaque partenaire vit, souvent seul.e et sans moyen d’en savoir plus concernant le ressenti de l’autre, à l’égard d’une Relation amenée à vivre une modification
  • en cas de séparation, permettre d’en faire aussi une occasion de célébration et d’espoir, sur ce que la Relation fut et sur ce qu’elle peut devenir.

Une contribution narrative (sur l’éthique de la Relation) aux phases légales de la gestion du conflit

En fin de journée, Stephen témoigne de sa collaboration avec des avocats / juristes spécialisés. A lui, clairement, la contribution à une documentation sur l’éthique de la Relation, partagée avec le couple sous forme d’une lettre adressée comme thérapeute, à la Relation. Cette lettre, qui témoigne de valeurs encore reconnues par la Relation aujourd’hui, est ensuite rendue publique et partagée avec d’autres personnes, dont les médiateurs, travailleurs sociaux ou avocats qui seront ensuite amenés à accompagner le couple dans de décisions légales de partage de responsabilité. A eux, si la situation le nécessite, l’accompagnement du couple dans les aspects juridiques et officiels de la séparation.

Une mise en pratique en guise de conclusion

Voici les consignes qui ont guidé un travail réalisé durant l’atelier…

  • Choisissez une personne qui compte pour vous
  • Prenez un moment (10 mn) pour écrire une lettre du point de vue de la Relation, à votre relation (NDLR : si possible, lisez cette lettre à voix haute, à une personne que vous choisissez à vos côtés).

Suite de l’exercice :

  • Comment avez vous vécu cet exercice du point de vue de la relation ?
  • Qu’auriez vous à dire de nouveau sur cette relation ?
  • Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez partager avec nous ?

Marie-Rose Lamonica et Martine Compagnon

Voyage pour devenir thérapeute

En direct de Barcelona où se déroule la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Ceci est un poster du “Voyage pour devenir thérapeute” de la part de Miriam Zavala Díaz de Mexico.

poster_voyage_therapeute_1 poster_voyage_therapeute_2 poster_voyage_therapeute_3

Elle s’en sert pour aider les thérapeutes en formation à suivre leur chemin sur une carte. À chaque endroit, on peut sortir une petite note descriptive qui donne des détails.

Lien sur le projet : Espacios Narrativos
Lien sur la carte : Map “Becoming a therapist” (traduction française sur le wiki : Voyage pour devenir thérapeute)

Cette conférence s’avère très dense. Nous vous enverrons, dès que nous aurons une minute, les descriptions des ateliers passionnants auxquels nous assistons.

Nous sommes une petite délégation française bien active (Martine, Maria Rosa, Anne-Sophie).

À plus, Elizabeth

RÉCIT : JOURNÉE NARRATIVE DANS UNE PME

Par Laurence d’Andlau

“Plus les gens sont heureux de travailler dans une entreprise, mieux ils travaillent”, dit Laurence. La Narrative les aide à cartographier leur réussite. Et pour paraphraser David Epston, une réussite cartographiée, c’est une réussite que l’on peut reproduire.

Le 6 octobre, je suis intervenue dans un bureau d’études en ingénierie, composé de jeunes ingénieurs spécialisés dans la gestion intégrée des eaux pluviales, l’assainissement et l’eau potable. La stratégie du patron est d’embaucher de jeunes ingénieur(e)s, souvent à la sortie de l’école. Ils ou elles se forment dans l’entreprises avec lui et avec les autres, acquièrent rapidement des responsabilités. Bien sûr, il y a du turnover, car ces jeunes, une fois qu’ils ont appris un maximum de choses, font l’objet de propositions ailleurs et certains partent. Mais l’idée maîtresse de ce chef d’entreprise est que les ingénieur(e)s qui travaillent chez lui, dans cette PME qu’il a créée il y a 20 ans, soient heureux d’y travailler, grandissent, deviennent meilleurs et plus complets humainement que lorsqu’ils sont arrivés. Continuer la lecture de RÉCIT : JOURNÉE NARRATIVE DANS UNE PME 

REGARDS CROISÉS

Cas DoraNous avons longtemps gardé une dent contre Roland Gori qui avait plus qu’égratigné les coachs dans un ouvrage que nous avions à l’époque trouvé à charge (voir ici). Certains de ses arguments nous avaient paru totalisants, caricaturaux et peu respectueux des professionnels qui s’efforcent de faire la part des choses : être au service du client sans trahir l’institution ni répondre à une demande de normalisation, ne pas se faire recruter par la localisation dominante du problème “dans” le client.

Voilà aujourd’hui que nous  retrouvons notre casseur de coachs en débat avec Edith Goldbeter,  thérapeute familiale systémique et notre ami Serge Mori autour du célèbre Cas Dora, rapporté par Freud dans les “Cinq psychanalyses” (conférence à Aix le 28 juin : voir ici). Continuer la lecture de REGARDS CROISÉS 

LA PEUR EST UNE HISTOIRE

Petit divertissement narratif envoyé par Sandrine Colau. Sous l’humour, on voit bien fonctionner les notions d’histoire dominante et de contre-histoire.

Elizabeth Feld rajoute une autre vidéo, archi-excellente,  sur la dépression vue d’une perspective externalisante. Elle dit : “Bonjour dans la continuité du posting de Sandrine, je souhaitais partager cette vidéo pour les lecteurs anglophones , et je m’en excuse pour les autres, c’est un bel exemple d’externalisation… ( même si votre anglais n’est pas parfait…)”

Voir la vidéo ici