Archives pour la catégorie Carnets de route

Lettre d’Australie :
Comment fabriquer des “bonnes” questions

Superbe cérémonie de Mémorial de Michael ce soir au Dulwich Center, avec des chants maoris, des déclarations des praticiens et des amis du monde entier, une cantatrice russe, « que ma joie demeure », des témoignages et des histoires hilarantes et émouvantes… et votre serviteur à la guitare. Et également deuxième journée de David Epston, beaucoup mieux que la première.

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Les commentaires du post d’hier, notamment ceux de Stéphane et de Fabrice dessinent tout à fait le périmètre du terrain de jeu. Et il n’y a pas une bonne posture et une mauvaise, simplement le fait que l’on peut choisir valeureusement de travailler dans la posture du mouton compétent ou dans celle du berger éthique, c’est une question de choix personnel de style d’accompagnement. J’ai vu ça encore plus fortement aujourd’hui dans la seconde journée du séminaire qui confirme la première. David Epston a produit un travail impressionnant d’intelligence et de profondeur, mais ce n’est pas ça que je fais.

Cela dit, ne nous focalisons pas sur mes petites prises de conscience identitaires qui s’opèrent à l’occasion de la rencontre avec l’Autre, ça valait vraiment le coup de passer deux jours à travailler sur « l’artisanat des questions ». Au delà de la difficulté de trouver des questions « à froid », dans un processus que David Epston compare à l’entraînement d’une équipe de foot (uniquement des passes, contrairement au match qui est une vraie conversation orientée vers la résolution d’un vrai problème et où on marque des buts), voir en direct live comment les questions naissent dans l’esprit d’un des plus grands praticiens narratifs du monde est forcément passionnant et inspirant.

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Comment fabriquer des “bonnes” questions
 

Lettre d’Australie : un chemin initiatique

Suspendu dans ce gigantesque nulle part qu’est l’espace de transit de l’aéroport de Singapour.

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Une version moderne des limbes puisque le transit est un non-moment, une simple parenthèse de silence entre deux trajets, du temps suspendu. Quoique finalement, c’est faux. C’est comparable aux non-moments de nos clients que nous leur proposons de se réapproprier pour les transformer en vrais moments de vie vivante. Par exemple : à la boulangerie. Au lieu de guetter, de râler, de fulminer après cette dame âgée qui met du temps à récupérer sa monnaie, se dire : “c’est un moment de ma vie, il est précieux, je vais le recycler, je vais en faire du temps pour moi, pour regarder autour de moi, me sentir respirer, me brancher sur le battement de coeur du monde à l’extérieur de moi et sur le fait de faire partie de ce monde.” Et respirer.

Et je me souviens du moment où tout cela a commencé, dans le petit bureau de Fabrice Micheau, à Cenon, fin 2004. “Tu as entendu parler des pratiques narratives ?”, m’avait-il demandé. “Toi qui es à la fois coach et écrivain, ça pourrait te brancher”. L’été suivant, j’étais inscrit au séminaire de Michael White. Et je ne dirais pas que ma vie a changé tout de suite, genre grand éclair de feu. En fait, je n’ai pas compris grand chose. Mais je sentais bien que c’était énorme. La compréhension est venue plus tard, peu à peu, en pratiquant et en voyant mes clients devenir auteurs de leur vie, se redresser et reprendre contact avec leur identité, retrouver ce qui était vraiment précieux dans leur vie, verser des “larmes de retrouvailles”, pour reprendre l’expression de l’un d’entre eux.

A un moment, j’ai décidé de faire ça pour le reste de ma vie. Je n’étais pas spécialement doué, j’ai dû m’accrocher, bosser comme un fou sur les cartes, les questions. Heureusement, mes clients m’ont tout le temps aidé. Les individus, les équipes, les communautés : ils nous montrent le chemin car c’est leur territoire que nous les aidons à conquérir.

Et au bout d’un moment, le chemin du praticien narratif passe par l’Australie, comme je suppose celui du systémicien par Palo Alto (et celui du psychanalyste par Vienne ? mmm, je ne sais pas…) Il y a sans doute une dimension, comment dire… initiatique ?