Aujourd’hui, séminaire avec David Denborough, qui a passé vingt ans à travailler comme « barde » sur les rassemblements communautaires organisés par Michael White en écrivant des chansons à partir des récits des participants sur ce qui les soutient et leur donne de la force.
Cet atelier nous donne l’occasion de nous arrêter un moment pour considérer cet objet usuel qui nous accompagne dans notre vie de façon tellement constante, quotidienne, parfois obsédante qu’on n’y prête plus attention : les chansons. Les chansons qui sont sacrées dans la plupart des civilisations et qui dans notre culture occidentales, sont devenues à la fois des marchandises (comme tout) mais des marchandises démonétisées de leur poids de sagesse et d’âme, des « variétés » consacrées à nous divertir au sens pascalien du terme au lieu de nous ramener vers le centre du cercle en nous permettant de mieux réussir cette chose impossible qui est de dire quelque chose de nous. Les chansons qui ont compté pour nous sont la bande originale de notre vie. Une machine à voyager dans le temps aussi, lorsque nous réécoutons une chanson que nous passions en boucle à une époque et que nous retrouvons l’ensemble des sensations correspondantes.
Les chansons parlent de façon privilégiée de résistance, de lutte, de liberté, elles sont la réponse des peuples à l’oppresseur qui brise les mains des guitaristes pour les faire taire. Composer des chansons à partir des récits de participants à un travail narratif, c’est épaissir la nouvelle histoire mais également donner l’occasion de l’interpréter ensemble sous une forme où l’émotion vient s’accorder au sens. Interroger les chansons qui émeuvent nos clients, le sens qu’ils leur donnent, la façon dont elles reflètent ce qui est important pour eux et dont elles les ont aidés à développer leurs espoirs et leurs résistances, c’est une porte ouverte vers la construction de la deuxième histoire car les chansons sont en prise directe avec ce qui résiste en nous, les écouter et les fredonner avec plaisir étaye cette résistance. Les chansons, variétés anodines, ont souvent échappé au travail d’obstruction et de censure des histoires dominantes. Petites berceuses ou grands opéras, elles sont partout autour de nous, il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser et les remettre à leur place d’interprètes de l’âme des peuples musiciens et des anges électrocutés dont elles sont parfois l’unique voie de communication avec le monde.