Archives pour la catégorie Résistances

COMMENT LE LANGAGE NOUS COLONISE

Par Laure Romanetti

Laure Romanetti est une praticienne narrative d’origine française vivant en Nouvelle Zélande. Elle est, avec Marcela Polanco (Colombie), l’une des personnes qui déconstruisent le langage dans le but d’y traquer comment il reflète d’antiques décisions de pouvoir et privilège qui à notre insu, ici et maintenant, gauchissent nos questions et notre construction du monde.

Imagine-le, figure-toi quelqu’un qui cultiverait le français.
Ce qui s’appelle le français.
Et que le français cultiverait.
Et qui, citoyen français de surcroît, serait donc un sujet, comme on dit, de culture française.
Or un jour ce sujet de culture française viendrait te dire en bon français « Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne. »
« Oui, je n’ai qu’une langue, or ce n’est pas la mienne. »[1]

Et voilà comment, pour moi, tout a commencé[2].

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DAVID EPSTON, LA NARRATIVE 2.0

P1110525Les 19, 20 et 21 mars, David Epston a donné une Master Class de qualité exceptionnelle à Bordeaux.

Pour tous ceux qui étaient présents, il y aura un avant et un après. Le thème  en était “réinventer le futur des pratiques narratives”, et David a présenté toute une variété d’idées, de techniques et de pistes radicalement nouvelles. Il nous a vraiment emmenés à des endroits où nous n’aurions pas imaginé aller, vers une refondation complète des pratiques narratives, à laquelle lui et Michael White réfléchissaient avant la mort prématurée de Michael.
Ceci est un espace réservé aux renarrations, reflets, réflexions, partages, inspirations, retours des participants. Pour y publier librement, il vous suffit de rajouter un commentaire, chaque contribution sera donc sous forme d’un commentaire différent.
Car pour refléter la richesse, la puissance et la poésie de ces 3 jours, rien ne vaut le miroir à mille facettes d’une communauté réunie !

CES HISTOIRES QUI CRÉENT LE MONDE

Un conférence  de Thierry Groussin le 29 avril prochain à Bordeaux (voir ici pour plus de détails).

 Les histoires qui structurent nos vies et façonnent notre présence au monde ne sont pas seulement des récits locaux, individuels ou familiaux dont l’influence se limiterait à l’espace de notre vie personnelle. Certaines viennent du fond des âges et, répétées de générations en générations, traversent les millénaires et, nourrissant leur imaginaire, forgent le destin des peuples. Littéralement, elles construisent le monde de ceux qui se les racontent. En outre, alors même que la trame principale peut s’effacer des mémoires, leurs archétypes et leurs messages continuent de nourrir les paradigmes sur lesquels repose le monde d’aujourd’hui.  Continuer la lecture de CES HISTOIRES QUI CRÉENT LE MONDE 

PRATIQUES NARRATIVES ET RECHERCHE D’EMPLOI

« Une application de l’approche narrative à la recherche d’emploi » : Pierre Nassif viendra le 5 mars prochain parler de son livre qui vient de sortir sur le sujet.

L’approche narrative transforme-t-elle tout ce qu’elle touche, à la manière d’une pierre philosophale d’un genre particulier ? Elle transforme le temps de la recherche d’emploi, généralement vécu comme inquiétant, voire tragique, en un temps d’espoir, dans lequel le rêve est légitime et la passion encouragée.
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L’IMPOSTURE ET LA VIOLENCE… MÊME DANS LA NARRATIVE

Par Dina Scherrer
Enseignante à la Fabrique Narrative

Aujourd’hui, j’ai envie – non, pour dire vrai: j’ai besoin! – de parler de la violence. C’est que je viens d’en être victime et qu’elle gronde encore en moi. En ce qui me concerne, il ne s’agit pas de la violence brutale qui laisse des marques sur le corps. Il s’agit d’une violence plus feutrée, plus appropriée au milieu des bureaux et des sociétés, qui peut – et ce fut le cas – emprunter une communication téléphonique.

La violence, d’une certaine manière, j’y suis habituée. Depuis plusieurs années maintenant, j’accompagne des jeunes en grande difficulté scolaire, dans des lycées et collèges de la banlieue parisienne dont la vie quotidienne est ponctuée par la violence. Certains de ces jeunes dont je m’occupe sont des “terreurs”. Ils usent de la peur pour perpétrer des rackets sur les plus faibles, ils endommagent et détruisent des installations pour le plaisir et, bien sûr, n’hésitent pas à régler leurs comptes dans l’enceinte de l’établissement. Continuer la lecture de L’IMPOSTURE ET LA VIOLENCE… MÊME DANS LA NARRATIVE 

CORSES : UNE HISTOIRE PRÉFÉRÉE

Par Frédérique Boulanger

Frédérique rend ici hommage à ses racines Corses par le biais d’une renégociation du récit dominant, et en passant vers un reflet selon un angle différent sur le paysage de l’action, de l’identité intentionnelle de “se taire”.

J’ai regardé un reportage sur France 5 dimanche soir : “Corse, île des justes?” En Corse il y a eu 0 déportation de Juifs durant la seconde guerre d’après Serge Klarsfeld. En fait, il semble qu’il y en ait eu une seule “par accident ” d’après Louis Luciani (professeur d’histoire au collège de Luri en Corse). A quoi cela tient? A l’attitude du préfet Balley et de la population. Les corses ont pour tradition de protéger “l’opprimé” et de se taire, de ne pas pratiquer la délation (il y a bien sûr des exceptions). Par ailleurs, ce sont des montagnards pour lesquels la solidarité est une vraie valeur et une question de survie. Continuer la lecture de CORSES : UNE HISTOIRE PRÉFÉRÉE 

L’UNIVERSITE DES VA-NU-PIEDS

Une découverte d’Elizabeth Feld sur TED, une leçon d’espoir à voir absolument.

Voici l’université des va-nu-pieds. Tout commence par l’histoire de Bunker Roy, un homme très privilegié venu de la caste dirigeante, bénéficiant d’une éducation de haut niveau, et qui découvre la réalité de la vie dans les villages, la famine, la maladie et la mort. Il décide de tourner le dos à son milieu et de consacrer sa vie à la construction d’écoles pour les plus démunis, basées sur les savoirs de vie traditionnels. Un peu comme Siddharta… mais alors qu’il vit avec les plus pauvres, il découvre les savoirs et compétences de vie extraordinairement sophistiqués qu’il possèdent et décide de créer une université pour les pauvres, construite sur la base de ce qui est important pour eux, une université sans diplômes où les grand-mères deviennent ingénieurs en énergie solaire, dentistes et professeurs. Voici la genèse de cette histoire extraordinaire, qui nous montre encore une fois la richesse des savoirs locaux lorsqu’ils arrivent à subsister en marge des cultures dominantes, à trouver des praticiens pour les honorer, les documenter, et relier des vies autour d’eux. Une déconstruction des processus d’éducation et une leçon d’espoir à voir absolument !

ACCOUNTABILITY

Rien dans ce blog depuis Casa. Et puis une demande  un peu furax du SAMU Social, qui nous demande de flouter ou de masquer les visages des enfants figurant sur la photo.

Et là, perplexité : comment avons nous pu laisser passer ça, alors que c’est la base la plus élémentaire de la déontologie de diffusion des images mais surtout un élément évident d’éthique narrative et humaine ? Nous avons donc changé illico la photo incriminée (pour la remplacer par celle qui figure sur la cover d’ “Actuel”, déjà très diffusée et commentée au Maroc où ce reportage a fait beaucoup de remous). Nous avons également adressé nos plus plates excuses au SAMU Social en leur demandant de les transmettre aux enfants et aux jeunes concernés.

Mais il y a là, également, quelque chose à apprendre. Continuer la lecture de ACCOUNTABILITY 

DANS LA PEAU DE L’AUTRE


Le dernier Almodovar nous pose en termes narratifs la question de la construction de l’identité sexuelle, une question que connaissent bien nos collègues qui travaillent sur la «queer therapy”.

Être un homme ou être une femme, comment est-ce que cela se fabrique ? Quels sont les liens entre les caractéristiques biologiques de notre corps et le sentiment que nous avons d’appartenir à un genre ou un autre ? Comment dessinons-nous les frontières entre le fait d’être un homme et celui d’être une femme ? Et existe-t-il et de véritables frontières tranchées sur ce sujet ou ces limites ne sont-elles elle-même que des constructions culturelles ? Continuer la lecture de DANS LA PEAU DE L’AUTRE