Archives pour la catégorie Résistances

CONVERGENCES NARRATIVES

par Catherine Mengelle

Le Congres du CRAA à Bordeaux, le 10 mai, avec une belle affiche, a été l’occasion de confirmer que les idées narratives émergent dans tous les champs thérapeutiques.

Témoignage narratif suite à un colloque : ce que j’ai retenu, ce qui m’a frappée, l’image que cela me donne des intervenants, pourquoi leur propos ont autant résonné chez moi et où cela m’a amenée.
 
Forcément, j’avais été interpellée par le thème de la journée proposée à Bordeaux par le CRAA autour de Boris Cyrulnik “Faire de sa vie une histoire”.

Ce fut l’occasion d’entendre plusieurs voix, en général savantes, s’exprimer sur la force du récit et de la narration et de m’étonner que les praticiens narratifs qui travaillent à partir des idées de White & Epston ne représentent qu’un petit bout d’une réflexion plus globale qui semble se faire simultanément dans plusieurs endroits du monde. Cette simultanéité m’a frappée et également le fait que notre approche (présente au colloque à travers la présentation qu’a faite Julien Betbeze des cartes narratives de White) ne soit qu’une histoire parmi beaucoup d’autres. Continuer la lecture de CONVERGENCES NARRATIVES 

POLICE DE L’AMOUR OU POLICE TOUT COURT ?

Regardez cette vidéo. Mixed feelings. Dans un premier temps, elle est enthousiasmante : elle met en valeur une performance centrée autour de la redécouverte du rapport  humain direct dans un contexte urbain particulièrement stressant qui est celui du métro. Elle semble cohérente avec les idées narratives par la déconstruction du système qui amène les gens à s’isoler et à croire qu’ils vont lutter contre cet isolement et contre la peur par la consommation.

Mais par contre, la façon dont le sujet est amené, le fait que les initiatives ne viennent pas de la communauté mais d’un leader qui prend le pouvoir sur elle sans qu’elle n’ait rien demandé, le fait que ce soit ce leader qui impose un nom et fabrique une communauté par ce nom, et lui propose des initiatives me fait me demander à quoi on joue et à quoi on assiste ici. Pourtant, peu à peu, sous nos yeux, une communauté se créée effectivement et commence à fonctionner.

Ceci pose sans doute la question du rôle du coach dans la mise en mouvement du client. Continuer la lecture de POLICE DE L’AMOUR OU POLICE TOUT COURT ? 

Erickson, les peaux-rouges et la thérapie

Le chef Two Moon (DR)

Extraite de Milton Erickson et transmise par Béatrice Arnaud, une métaphore inspirante et intéressante sur la posture du thérapeute. La question est : influent ou pas influent ?

Erickson avait du sang amérindien dont il était très fier. Il disait : “la différence majeure entre mon travail en hypnothérapie et le reste, c’est la même qu’il y a entre comment un blanc chasse et comment un peau-rouge chasse. Il dit, quand l’homme blanc part à la chasse, il rassemble des bombes, des tanks, des mitraillettes, des chiens, des milliers de personnes, ils vont en voiture jusque dans la forêt, et puis tout le monde sort en hurlant et tire sur tout ce qui bouge en espérant qu’ils vont atteindre quelque chose. Voilà comment le blanc part à la chasse. Le peau rouge part tout seul, jusqu’à l’orée de la forêt, il a peut-être un couteau, dit une prière, en demandant son pardon à la forêt parce qu’il va prendre une vie, afin que son peuple puisse vivre, il marche avec respect, en étant très attentif à ne pas perturber quoi que ce soit, trouve un joli rocher plat au soleil, il s’assied, il médite et attend qu’un animal vienne. C’est comme ça que chasse l’homme rouge et c’est comme ça que moi, je fais la psychothérapie.”

N’oublie pas les chevaux écumants du passé

Par Stéphane Kovacs

Stéphane est salarié de Orange France Télécom depuis 1997 et y exerce à temps partiel un rôle d’accompagnement des personnes, des groupes et des communautés. Formé aux pratiques narratives et compagnon de route de ce blog, il nous livre ici une histoire merveilleuse sur la transmission emprunté à Christiane Singer et un point de vue remarquablement pertinent sur la crise de France Telecom et la façon dont elle pourrait se rattacher à la tradition des bâtisseurs de cathédrales.

« Un ami de longue date, Richard Baker Roshi, héritier dharma de
Suzuki Roshi, et sa fille de trois ans sont installés à la table du
petit déjeuner chez nous. Sophie commence avec son couteau à rayer la
table. Et grâce à ce geste qui ne m’a guère enchantée, voilà que
j’assiste à une leçon de transmission.
Le père arrête avec douceur la petite main :
« Halte, Sophie, à qui est cette table ? »
Alors la petite fille boudeuse :
« Je sais ! A Christiane.
– Non, mais avant Christiane !…Elle est ancienne cette table,
n’est-ce pas ? D’autres ont déjeuné là…
– Oui, les parents, les grands parents, les…
– …Mais ce n’est pas tout !…Avant encore ?
Continuer la lecture de N’oublie pas les chevaux écumants du passé 

Traduire, un acte politique

Par Catherine Mengelle

A cause d’une suggestion de Pierre, j’essaie de comprendre certaines idées de Foucault sur le silence.

Il m’est très difficile de lire les écrits, très conceptuels, des philosophes. Il me semble pourtant être tombée sur une idée qui m’ouvre des compréhensions nouvelles sur le silence de ceux qui ne disposeraient pas de la syntaxe dominante pour parvenir à s’exprimer.

Longtemps, cela a été le cas de ceux qui “disaient la vérité”. Ceux-là étaient considérés comme fous par ceux qui ne se souciaient pas de la vérité et condamnés à mourir (Socrate). Aujourd’hui, ceux qui “disent la vérité” ont pris le pouvoir et condamnent ceux qui n’y arrivent pas (les “fous”) à l’enfermement et au silence. Lequel de ces deux discours est le bon ? Aucun des deux sans doute, et chacun abuse de son pouvoir, pour de multiples raisons.

Il y a naturellement violence à vouloir imposer à tous une langue unique, ce que font dans l’histoire les états centralisateurs. Tout ce qui ne se dit plus en basque, en occitan, en breton, en langue des sorciers, etc. est tombé dans le domaine du silence. L’idée nouvelle pour moi, c’est que cela ne signifie pas que ce non-dit n’existe plus. Le silence existerait autant que la parole. On peut donc travailler avec le silence autant qu’avec la parole. Et ça me rappelle l’article de Stéphane Kovacs “Donner la parole à des pensées ou des émotions silencieuses” (2010).

Continuer la lecture de Traduire, un acte politique 

L’approche narrative, un choix politique

Par Catherine Mengelle
Www.declictonavenir.com

Une contribution de la “narracoach” qui a traduit “Qu’est-ce que l’approche narrative ?”, d’Alice Morgan (Editions Hermann-l’Entrepôt) et qui est en train de mettre la dernière main a la version française de “Collective narrative practice”, le passionnant ouvrage de référence de David Denborough.

J’abandonne un instant mon travail de traduction pour m’attarder sur les mots de David Denborough au sujet de l’individualisme, et les savourer pleinement : “… l’essor de la culture “thérapeutique” ou psychologique a également énormément contribué au discours individualiste … Ces vingt dernières années, les praticiens de l’approche narrative (Freedman & Combs, 1996 ; White & Epston, 1990) ont cherché à développer une forme de thérapie ou d’accompagnement capable d’offrir une alternative à la conception individualiste de l’autonomie, incontournable et vénérée par de nombreux courants psychologiques… ” (Collective Narrative Practice, David Denborough, 2008).
Continuer la lecture de L’approche narrative, un choix politique 

De l’importance et
de la puissance des métaphores

Par Michèle Gauthier
http://www.michele-gauthier-coaching.fr/

Un bel extrait de conversation qui illustre la puissance du changement de métaphore comme point de départ de la renégociation du sens. Illustré par une splendide photo de Luc Pouyanne, reçue il y a quelques jours, et qui s’applique pour sa part à illustrer une métaphore collective née lors d’un exercice du dernier séminaire Initiation.

« Vous m’avez parlé du vinyl, la dernière fois. Moi je me voyais tranquille sur mon manège, à regarder le paysage. Mais ce n’était pas du tout ça. Vous m’avez parlé de disque rayé. C’était plutôt ça ! »

Je suis surprise, étonnée et émerveillée de ce que Brigitte a fait de la métaphore que je lui avais proposé. Lors de la précédente séance, j’ai donné l’image qui me venait, celle du « disque rayé » en parlant de sa relation avec son frère.

Continuer la lecture de De l’importance et
de la puissance des métaphores
 

Les cérémonies définitionnelles et l’entreprise

Par Catherine Mengelle
www.dclictonavenir.com

Question souvent posée dans les ateliers de la Fabrique Narrative : quel autre nom trouver pour ce concept et processus essentiel de l’approche narrative qu’est la cérémonie définitionnelle, qui ne procure pas à nos clients donneurs d’ordre cette réaction épidermique de fuite que suscite, à raison, la peur du gourou illuminé ?

C’est un problème de vocabulaire, mais il est important pour le développement de notre pratique au sein des entreprises, dont l’intérêt nous est d’ores et déjà complètement évident.

Cérémonie définitionnelle vient de l’Anglais « definitional ceremony », expression, pour une fois, plutôt facile à traduire ! Et pourtant…

Pour resituer rapidement1 les choses, la recherche de Michael White s’est nourrie du travail de Barbara Myerhoff qui s’est intéressée, dans les années 1980, à comprendre ce qui se jouait dans les rituels collectifs. C’est elle qui est à l’origine de l’expression : il lui semblait que les rituels qu’elle observait (notamment ceux d’une communauté juive de personnes âgées à Venice Beach) permettaient à des personnes dont l’identité était altérée pour une raison ou une autre, d’aller mieux, en leur donnant l’occasion de parler d’eux-mêmes (definitional) devant leur communauté donc devant un public (ceremony). Michael White a superposé à ces idées la notion d’équipe réfléchissante de Tom Andersen (années 1990) et a mis au point sa fameuse carte des témoins extérieurs2, tout en conservant l’expression « definitional ceremony ».

L’expression, qui ne pose sans doute aucun problème aux sociologues, anthropologues ou philosophes, en pose un de fait, en France en tout cas, aux coachs et thérapeutes qui souhaitent pouvoir parler de ce processus (incontournable dans notre approche) et de ses intentions, en entreprise. Cela a du sens de réfléchir à un autre terme car le champ d’intervention traditionnel des praticiens narratifs français est différent de celui des australiens.

En lisant David Denborough3, j’ai compris que la communauté narrative russe butait également sur le mot « ceremony », peut-être pas pour les mêmes raisons que nous toutefois. Daria Kutusova, praticienne narrative russe et traductrice de nombreux ouvrages et articles, m’a répondu :

« Yes, the word ‘ceremony’ is not very appropriate. We are leaning towards the word ‘celebration’ in a more informal sense… but still not sure. The sources that Michael White and David Epston refer to when introducing the term ‘ceremony’ are not represented in Russian… this will have to be remedied in some way. »4

Sa réponse peut contribuer à faire qu’on se sent moins seuls… mais cette proposition, « celebration », me fait penser que leurs raisons sont sans doute assez différentes des nôtres. Le contexte, voilà encore une notion narrative majeure : l’importance de prendre en compte, chacun de son côté, le contexte culturel « élargi » de sa région ou son pays.

Nous voilà donc avec deux mots, chacun chargé de sens : cérémonie d’une part et définitionnelle (ce qui nous définit), d’autre part.

J’ai longtemps cherché des synonymes, mais peut-être serait-il plus intéressant de faire éclater le cadre, d’inventer quelque chose de tout à fait nouveau, pour être au plus proche de ce dont nous avons véritablement besoin. Ce qui est important, c’est bien le sens, l’intention de ces cérémonies : permettre aux histoires alternatives des individus ou des groupes de s’épaissir, en étant jouées (« performed » en Anglais) devant un public, amené à réagir à son tour, et le fait que nous voulions les introduire en entreprise, simplement et de façon transparente, sans risque de mauvaise interprétation. L’idée de cérémonie, qui nous gêne, ne devrait pas être totalement négligée toutefois car la fête, comme tous les rituels religieux ou laïques que nous connaissons et qui rythment nos vies, est ici aussi organisée autour d’une personne, ou d’un groupe de personnes : il est demandé aux témoins extérieurs appelés à réagir de se mettre à son service. Ils participent à la fête, mais n’en sont pas les héros. On souhaite donc bien célébrer un individu ou un groupe, qui raconte de lui une nouvelle histoire, qu’il lui tient à cœur pour différentes raisons de faire connaître autour de lui.

Ceci posé, je vous livre en vrac des mots qui me sont venus :

forum, assemblée, témoins, identité, rituel, re-narration, événement, surprise-partie, histoire, récit, collectivité, mise en scène, lecture, club, miroir, réflexivité, équipes réfléchissantes, fête, festival, gala, protocole, identification, théâtralisation, représentation, célébration, reconnaissance, ressource identitaire, comédie, intensification, manifestation collective, commémoration, séance, liturgie, communion, définir, dramatisation, déterminer, performance, réunion, garden-party, cercle, conférence, débat, meeting, public, récital, épaissir, enrichir, récréation, java, caractérisation, parole, expression, honorer, rencontre, match, répondre, table ronde, carrefour, image, colloque, task force, veillée, etc.

… sans pour autant trouver quoi faire avec à ce jour !

Estime-party ? Témoins-party ?… Bof, rien de très convaincant encore… Un anglicisme ? Les entreprises et leurs cadres en sont friands en général. Ou bien : Cercle définitionnel ? Conférence miroir ? Forum narratif ?… ou tout simplement, Réunion ou assemblée définitionnelle ?… Je ne sais pas…

Pour l’instant, je sèche et lance ici un appel à contributions ! Peut-être qu’à nous tous…

1 Rapidement, et probablement aussi de façon très raccourcie : j’engage tous ceux qui voudraient approfondir le sujet à revenir aux sources de Michael White, cf. bibliographie jointe à « Maps of narrative practice ».
2 Longuement décrite et documentée par Michael White dans le même ouvrage.
3 « Collective Narrative Practise », en cours de traduction.
4 “En effet, le mot “ceremony” n’est pas vraiment approprié. Nous penchons pour celui de “célébration”, dans un sens plus informel… mais réfléchissons encore. Les sources auxquelles se réfèrent michael White et David Epston quand ils décident d’introduire le terme “ceremony” dans leur pratique ne sont pas disponibles en Russie. Il va d’ailleurs falloir y remédier.”

Un retelling

Par Françoise Quennessen
http://legranddeblocage.blogspirit.com

Bonjour à tous,
Mercredi dernier, fin de la cinquième session de formation à la Fabrique.
Sur le chemin du retour, à chaque fois je suis passée par plusieurs étapes, ressentis…  très différents, mais toujours très puissants.
Première session j’ai vécu  avec une immense tristesse la séparation d’avec le groupe que je venais de découvrir, auquel je me sentais appartenir très fortement : larmes.
La seconde je l’ai vécue et assumée sans  problèmes notoires. Travail sur le désespoir; découverte de Stephen Madigan. Wouaouuuuuuu !!
Troisième session : “le club de vie”. Le mien était habité/occulté par une seule personne. J’ai   découvert qu’il y avait pas mal de monde; de belles “retrouvailles” qui m’ont permis de remettre “les pendules à l’heure”.  Mes deux filles sont re-devenues une,   elles ne sont plus le jour et la nuit, mais une seule lumière  qui habite ma vie depuis et pour toujours. J’ai pleuré, comme tout le monde ce jour là ! Beaucoup d’émotion sincèrement partagée.