Par Laurence d’Andlau
Récit d’une intervention dans un bureau d’études en ingénierie, composé de jeunes ingénieurs spécialisés dans la gestion intégrée des eaux pluviales, l’assainissement et l’eau potable.
La stratégie du patron est d’embaucher de jeunes ingénieur(e)s, souvent à la sortie de l’école. Ils ou elles se forment dans l’entreprises avec lui et avec les autres, acquièrent rapidement des responsabilités. Bien sûr, il y a du turnover, car ces jeunes, une fois qu’ils ont appris un maximum de choses, font l’objet de propositions ailleurs et certains partent. Mais l’idée maîtresse de ce chef d’entreprise est que les ingénieur(e)s qui travaillent chez lui, dans cette PME qu’il a créée il y a 20 ans, soient heureux d’y travailler, grandissent, deviennent meilleurs et plus complets humainement que lorsqu’ils sont arrivés. L’amélioration des relations entre eux tous, entre eux et les clients ou les partenaires, est quelque chose de très important pour lui, au-delà des aspects techniques et de performance qui existent aussi bien sûr.
Et il s’y emploie, par sa disponibilité et son implication d’une part, par l’appel à des consultants ou à des coachs extérieurs d’autre part. Comme s’il avait compris une clé de la réussite qui me paraît évidente mais qui se perd dans les entreprises d’aujourd’hui : plus les gens sont heureux de travailler dans une entreprise, mieux ils travaillent et plus ils sont performants.
J’interviens régulièrement dans cette petite PME, et j’anime notamment des journées de cohésion d’équipe depuis 3 ans. J’aime y travailler. Le patron me fait confiance et me laisse carte blanche.
C’est ainsi que cette année, je lui ai proposé une journée « narrative », en lui disant qu’il allait découvrir l’approche narrative en même temps que tous les autres. Il a été d’accord.
L’idée est de regarder d’abord comment ils font pour réussir quand ils ont des projets ou des missions à mener. Une fois que leur méthode de réussite est établie et exprimée, nous l’utiliserons aux problèmes qu’ils rencontrent.
Je commence la journée en leur demandant de dessiner chacun l’entreprise telle qu’il la voit aujourd’hui. Chacun explique ensuite aux autres ce qu’il a représenté sur son dessin. En sous-groupes, je leur demande de se raconter des histoires de belles réussites, puis d’en raconter quelques unes en grand groupe.
Au fur et à mesure, je note sur un paperboard, les histoires de réussite, de ce qui va bien, les « histoires préférées » ; et sur un second paperboard à côté, les histoires de limites, de difficultés, de ce qui ne va pas bien.
Nous déterminons alors ensemble quelques thèmes importants de ce qui va bien et les soutient, et quelques thèmes qui reviennent le plus souvent dans les histoires de problèmes.
A partir de là, et pour finir la matinée, nous dégageons les ingrédients de leurs réussites, de ce dont ils sont satisfaits, qu’on retrouve partout dans toutes ces histoires.
Les forces qu’ils identifient alors comme spécifiques à leur entreprise sont par exemple : créer la complicité avec le client, une bonne écoute, oser dire « non » (au mandataire, au commercial, etc.), une bonne vision stratégique, de la souplesse, un rôle de conseil. Nous verrons que ces forces vont s’enrichir au fur et à mesure du déroulement de la journée.
En début d’après-midi, je leur propose de « documenter » ce qu’ils ont dit le matin sur leur stratégie de réussite par un petit sketch, poème, chanson, tableau vivant, etc. Nous assistons à 3 scénettes bien jouées, super représentatives de ce qu’il se passe dans l’entreprise, hyper ludiques. Un grand moment de détente où nous avons beaucoup ri. Particulièrement sur la question clé que je leur avais recommandé de poser le matin : « en quoi est-ce important pour vous ?» …
Tout de suite après, nous nous nous sommes concentrés sur les bonnes idées pour lutter contre les effets de deux problèmes qu’ils avaient identifiés. On n’est pas dans la recherche des causes, leur ai-je dit. Puisque nous savons que rarement les problèmes se résolvent ou se dissolvent à partir de leurs causes et que les solutions n’ont généralement rien à voir avec les causes (sauf en mécanique).
Les bonnes idées ? Celles qui sont utiles certes, et qu’on va mettre en œuvre avec plaisir, parce qu’on a envie de le faire.
Un point m’a paru particulièrement pertinent : ils ont travaillé sur le partage d’informations en identifiant d’abord les effets d’un défaut de partage d’infos entre eux : sous-valorisation commerciale ; redondance et perte de temps (« réinventer la roue ») ; perte d’infos sur des solutions techniques utiles ; défaut de culture impactant le sentiment d’appartenance à l’entreprise, besoin d’autant plus fort pour les personnes travaillant hors de Paris ; se retrouver « bête » face à une personne extérieure à l’entreprise qui nous parle d’une affaire dont on ne connaît même pas l’existence !
Puis ils ont proposé de « bonnes idées ».
Le rôle du dirigeant dans cette journée ? De longues périodes d’écoute alternées avec des prises de parole spontanées sur ce qui est dit. J’avais prévu de lui poser « les 4 questions du Témoin extérieur », cela n’a pas été nécessaire, il y a répondu (dans le désordre) dans ses interventions.
En fin de journée, le débat s’est élevé avec la définition de buts tels que : « les relations privilégiées se construisent, elles ne tombent pas du ciel » ou encore « travaillons sur des sujets qui nous passionnent ».
Quant au rôle que j’ai joué dans cette journée, ce qui m’a le plus frappé est l’importance de créer un espace de parole sécurisé et libre, donc créatif, de façon que chacun puisse s’exprimer spontanément. Et à quel point j’ai eu peu besoin d’intervenir. C’est un peu comme si cela se faisait « tout seul ».
Bravo.
belle application efficace des pratiques narratives en coaching managerial. Exposé direct et lisible, mais tout en subtilité , sur les clefs du succes de cette equipe et l usage des outils narratifs .
Felix Soussan
ancien partenaire de stages , et toujours promoteur supporter de ces outils en entreprise , ou ailleurs.