Une expérience du photolangage en séminaire d’équipe, comme une alternative plus qu’intéressante à la réalisation d’un dessin par chaque participant-e.
Dans le coaching narratif en organisation, on utilise souvent le dessin. Par exemple, un séminaire de team building ou de visionning commencera par l’exercice de produire un dessin individuel “représentant votre vision de l’équipe”, ou “de l’entreprise”, ou “de la situation présente”. Chaque personne est ensuite invitée à commenter son dessin, à “raconter l’histoire que raconte le dessin” et le praticien note des mots et expression qu’il demandera ensuite au groupe de relier soit à des histoires préférées, soit à des histoires problèmes. Ceci permet de passer d’une mosaïque de représentations à une représentation commune. Récemment, avec l’équipe marketing d’un laboratoire pharmaceutique, j’ai essayé de remplacer le dessin par un photolangage. Le photolangage est un gros paquet d’images parmi lesquelles la personne accompagnée est invité-e à choisir celle qui répond le mieux à sa représentation de la question posée. Cette méthode n’est pas nouvelle, elle a été créée en 1965 et repose sur la tradition psychanalytique et la notion de projection. J’en ai acheté un sur Internet ; il en existe des tas, sur des thèmes différents mais on peut aussi en bricoler un à partir d’images de magazines, ou même donner les magazines directement aux personnes avec des ciseaux et leur demander de chercher eux-mêmes une image qui résonne pour eux. Celui que j’ai choisi comporte uniquement des photos en noir et blanc, réalisées dans les années 60 et 70 (je me demande bien pourquoi il m’a plu).
La consigne était la suivante : les participant-e-s réunis en petits groupes de 4, les photos étalées partout, chacun-e choisit 3 photos :
- une qui exprime sa vision de l’entreprise
- une qui exprime sa vision de l’équipe
- une qui exprime sa vision de lui-même aujourd’hui dans ce contexte
Ensuite, chaque groupe se réunit et les participant-e-s se présentent mutuellement les photos choisies. Le groupe est invité à se mettre d’accord sur 1 ou 2 photos :
- qui représentent leur vision commune de l’entreprise
- qui représentent leur vision commune de l’équipe
En cas de désaccord, les participant-e-s sont encouragé-e-s à mettre en lumière leurs différences de vision et grâce à des questions narratives de type reauthoring à relier leurs visions à des valeurs, des espoirs et des principes.
Dans le partage qui a lieu ensuite, chaque groupe présente “ses” réponses aux 2 premières questions. Les photos individuelles ont été exposées mais seules les personnes qui le souhaitent les commentent et “racontent l’histoire”. Il est bien précisé au départ que la photo individuelle est totalement facultative, notamment si certain-e-s craignent que cet exercice ne soit un peu trop “psy” ou ne souhaitent pas se dévoiler devant leurs collègues. Il est important d’établir un climat de sécurité sur ce point, même si les commentaires des photos individuelles sont souvent très drôles, toujours émouvants et permettent à leurs auteur-e-s de se montrer différemment à leurs collègues, ce qui nourrit fortement la relation.
On peut l’utiliser en ouverture de séminaire pour poser les sujets importants à aborder au cours de la rencontre. Je l’ai également utilisé dans la 2ème partie d’un atelier sur la conduite du changement, au moment où, ayant développé une (puissante) histoire d’identité préférée d’équipe, on peut laisser entrer les histoires de problèmes qui attendent dehors en claquant des mâchoires depuis le matin.
Cet exercice permet de faire jaillir beaucoup plus d’histoires et dans plus de directions que le dessin, tout en prenant très peu de temps : 30 min pour choisir les photos et se mettre d’accord, 30 min à 1 heure de debrief. Mais au lieu d’avoir une seule fourchette histoires préférées / histoires de problèmes, on en a au moins 2 superposées : une sur le thème de l’entreprise et une sur le thème de l’équipe, sans compter tous les liens de similarité ou dissonance que l’on peut faire entre les deux et les histoires de ces liens.
Enfin, les photos individuelles, quand les personnes veulent bien les commenter, apportent une densité narrative incomparable si l’on compare à la “maigre” consigne de se positionner soi-même dans son dessin. Les conversations autour de ces photos individuelles doivent être accompagnés avec beaucoup d’éthique et de délicatesse. Mais lorsque le climat de confiance existe dans une équipe, c’est un exercice qui relie les vies des personnes d’une façon très poétique.
Je viens de commencer le D.U de coaching professionnel à l’UCO. J’ai vu l’utilisation de cet outil que je connaissais déjà par ailleurs et j’ai décidé de l’utiliser dans un coaching d’équipe et notamment pour des comptables. J’observe effectivement que c’est une manière d’éviter de faire remonter les doutes sur ses capacités à dessiner et qu’il offre un support de réflexion puissant.
Il permet de se dire et de se découvrir à travers un support qui résonne en soi.
Merci d’avoir évoquer votre pratique.
Je viens de terminer “L’art d’être coach”, entre sueur froide et excitation …
Bien cordialement.
Loïc Kerisit
j’utilise beaucoup le photolangage. La photo joue le rôle de médiateur et surtout elle permet une parfaite extériorisation du problème. Plus que le dessin qui met souvent la personne en difficulté, comme le dit bien Sandrine…
D’après la description que tu en fait je dois avoir le même jeu que le tiens! 🙂
En tous cas, merci !
Lysiane
Cher Pierre,
Où le coaching rejoint l’art …
Réflexion qui ne t’étonnera pas et que j’amène ici en raison d’une lecture d’un article de Peggy Sax. Elle cite Lynn Hoffman citant Tom Andersen disant qu’il en avait assez de parler de thérapies car il aimerait mieux parler d’art humain, “l’art de participer à l’établissement de connivences sociales avec les autres” (“the art to participate in social bonds with others”).
Le temps est-il venu pour toi de réactualiser ce qui était ta pensée pré-narrative, histoire de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Bravo l’artiste !
Pierre Nassif
Merci Pierre de cette belle suggestion.
Je vais essayer car il me semble que cela permettrait aux personnes qui ont une “lourde histoire d’incapacité ” avec le dessin de se sentir mieux représentées. Plus valorisées par une image plus esthétique que celle qu’elles se sentent capables de produire par elle mêmes.
J’imagine même qu’on pourrait proposer les deux…Comme ça, pas de frustration pour les créatifs qui n’ont pas envie d’être représentés par une image qu’ils n’ont pas créée…
Merci de ces partages inspirants.
Bonjour Pierre,
J’aime beaucoup ton article.
J’ai pu vérifier la subtilité et l’énormité du champ des possibles du photolangage et je l’adore.
Merci pour la narration de ton expérience.
Merci aussi pour la qualité des articles de Errances Narratives. Ils m’inspirent souvent.
Bien amicalement,
Muriel Laradi