Devenir roi

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C’est une toile d’une artiste qui s’appelle Anne de Buttet. L’une des images d’une série intitulée “les porteurs”.

Que portent ces porteurs ? Leur fardeau d’humanité, leurs histoires, leurs problèmes, leurs espoirs, leurs rêves, leurs déceptions… ils portent leur vie et ses histoires grandes ou petites. Les autres tableaux de la série (on peut les voir sur le site – lien obsolète – de l’artiste) sont plus sombres. Ils mettent en relief la part d’ombre et de chagrin, mais sans jamais gommer entièrement l’étincelle d’espoir, la force de vie, la fine trace d’une histoire alternative qui pourrait naître des mêmes traits. Ce personnage touché par le soleil est le dernier de la série, celui qui est allé le plus loin sur le chemin. Il est devenu roi, il a conquis sa propre royauté intérieure, celle de sa vie et celle de lui-même.

Ce concept de royauté intérieure a émergé au cours des ateliers de l’Anti-Colloque de l’Association Européenne de Coaching en Aquitaine, le 10 octobre dernier. Le thème en était “le coach dans la cité” et des réponses communautaires ont été esquissées au cours d’ateliers narratifs, dont l’une d’entre elles, extraite du texte définitionnel final : “notre métier est d’accompagner les gens vers leur propre royauté” (l’auteur de cette expression est à l’origine Olga Werber-Wood, rendons à César…) Cette idée magnifiquement exprimée par ce personnage et rejoint l’un des concepts clés de l’approche narrative qui est celui de “personal agenda”, le sentiment d’initiative.

Le sentiment d’initiative est ce que l’on ressent lorsqu’on est l’auteur de sa vie. Une radiation chaleureuse qui naît de la certitude que nos actions vont avoir des effets, que nous sommes aux commandes, que nous pouvons piloter notre existence, au moins un peu, pour la faire naviguer en direction de nos espoirs, de nos rêves et de nos engagements. Le processus qui permet d’y parvenir est de reconnaître et d’honorer ces moments de royauté, de les faire émerger comme des trésors du chaos insensé de notre existence.

Le personnage du tableau ne porte pas sa couronne sur sa tête. Il n’est pas sur le trône, pas encore ou peut-être pas tout le temps, ou pas entièrement. Il semble avec son doigt levé demander encore la permission d’habiter sa royauté. J’y vois pour ma part la distance qui reste à parcourir entre l’identification de ce trésor et le courage de le reconnaître comme sien. J’y vois aussi l’humilité de celui qui sait les dangers du pouvoir et qui s’attache à poser les limites de son propre royaume… ce qui veut dire respecter et honorer le royaume des autres.