Meredith Grey, Harry Potter : même combat !

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Nous vivons dans un monde sans magie et nous avons besoin de nous en procurer aux sources estampillées des histoires humaines.

Certaines séries, par leur succès mondial, nous donnent à penser sur ces histoires qui résonnent tellement fort dans nos vies que nous aimons leurs personnages comme des membres de notre propre famille, des amis que nous retrouvons épisode après épisode, que nous voyons grandir, évoluer, triompher de leurs problèmes et de leurs ennemis, se connaître, s’aimer, se séparer… tandis que notre voisin d’appartement meurt dans une solitude absolue, à moins qu’il n’ait été expulsé de son appartement par la dégringolade sociale et ses employés (huissiers, banquiers, propriétaires) et meure dans une solitude absolue congelé sur le trottoir d’en face. Mais là n’est pas le propos, même si c’est important.

Le succès mondial du jeune sorcier Harry Potter et celui de la jeune chirurgienne Meredith Grey reposent sur les mêmes ressorts narratifs :

  • l’hôpital Grace de Seattle, c’est Poudlard (Hogwart’s en V.O.)
  • nous suivons le parcours de jeunes apprentis qui vont apprendre à réaliser des sortilèges magiques dans un cas, des sortilèges médicaux dans l’autre,
  • ils sont encadrés par de grands professeurs qui sont eux mêmes de puissants sorciers : Dumbledore et Mc Gonagall d’un côté, Webber, Shepherd et Burke de l’autre,
  • Des métiers très similaires, sorcier et chirurgien : fort prestige social, haute technicité (baguette magique contre bistouri), études longues (7 ans dans les deux cas), réalisations spectaculaires, jargon et formules incompréhensibles, costumes rituels ésotériques flottants et très spécifiques (robe noire contre blouse blanche), imaginaire populaire fort autour de chacun (le système de santé américain ou plutôt son absence fait de surcroît de Grey’s Anatomy un déni absolu d’où les assureurs et les comptables sont évacués),
  • l’individu y est en permanence présenté comme relié à sa communauté et la narration raconte l’histoire de ces liens au moins autant que l’historie de la personne,
  • dans les deux cas, il s’agit de romans d’apprentissage qui exaltent les mêmes valeurs : travail acharné, solidarité pour répondre à la tentation de la compétition, amitié, humour…
  • … et surtout primauté de la vie humaine sur le pouvoir avec une réflexion éthique permanente sur la façon de conduire sa vie honorablement !

On peut trouver mille autre ressemblances entre Harry Potter et Grey’s Anatomy (à commencer par le fait que ma femme et moi soyons raides dingues fans des deux). Ces productions narratives et leur succès reposent sur le fait qu’elles percutent la culture populaire (ce que Michael White appelle “folk culture” en opposition à la culture dominante). Cette culture populaire est celle qui sert d’antidote et aide les gens à tenir le coup dans les moments difficiles.

Nous avons besoin de pouvoir penser que n’importe qui peut devenir un sorcier ou un grand chirurgien avec suffisamment de travail et d’implication. Nous avons besoin de voir que ces gens sont des personnes qui comme nous, tombent amoureuses, souffrent, prennent des cuites (un peu moins pour Harry), se posent des questions… Nous avons besoin de croire que nos vies peuvent être sauvées par une caste de techniciens de haut niveau qui n’aurait pas perdu le contact avec sa propre humanité car nos vies seraient sacrées et importantes et elles vaudraient la peine que l’on se batte pour chacune d’entre elles.

Lorsque les temps sont durs, ce qui nous sauve, ce sont les histoires. Certaines d’entre elles sont produites par les communautés. D’autres sont produites par le système marchand, mais rencontrent notre besoin de sens. Dans le pire des cas, elles nous anesthésient en nous empêchant de nous relier ensemble pour lutter : scotchés à notre télévision, nous n’entendons pas les cris d’agonie de nos voisins. Mais dans le meilleur, elles nous proposent une vision féconde de nos propres valeurs, pour peu que nous sachions nous les réapproprier et les remettre au travail dans notre vie au lieu de rester en position de consommateur culturel. Hier, Fifi Brindacier, demain Meredith Grey ou Ron Weasley ?

Une réflexion au sujet de « Meredith Grey, Harry Potter : même combat ! »

  1. Bien.
    Nous pouvons désormais regarder ces jubilatoires séries sans complexe, en nous vantant même de militer pour la survie et le partage de nos propres valeurs.
    Ce Qu’il Fallait Démontrer.
    C’est une excellente nouvelle.
    Merci infiniment.

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