Un horrible conte de Noël

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Nicole dit que Michel ne sait pas choisir les cadeaux de Noël. Michel répond qu’il n’aime pas faire des cadeaux.

Je suggère alors que faire des cadeaux est un apprentissage qui passe notamment par le fait d’en recevoir, et que Michel n’en a peut-être pas souvent eu l’occasion. Avec beaucoup d’émotion, il me raconte l’histoire suivante qu’il date de ses 6 ou 7 ans : il venait d’un milieu assez pauvre et la tradition familiale était de ne pas faire de cadeaux à Noël. Un jour, pourtant, il trouve un paquet à son nom sous le sapin. Le coeur battant, il l’ouvre. Sous le papier cadeau et la ficelle brillante, il trouve… un martinet.

Terrible histoire, non ? Qui explique pourquoi à 60 ans passés, Michel n’aime toujours pas trop recevoir des cadeaux, ni en faire. Mais ceci nous renvoie aussi à une métaphore qui se rattache au discours dominant du pouvoir social encapsulé dans la soi-disante sagesse populaire des proverbes : “qui aime bien châtie bien”. Combien de martinets camouflés dans du papier de soie avons nous reçus au cours de notre existence, qui nous restent encore aujourd’hui en travers du gosier ? Sous la forme de proverbes, mais aussi d’hypocrisies, de prétendus services que l’on nous rend sans que nous n’ayons rien demandé ou de bons conseils que nous donnent des conseilleurs qui sous couvert de nous “aider”, ne nous parlent que d’eux-mêmes et de leur ambition à diriger notre vie ?

Cette histoire de Michel résume l’essence même de la double contrainte : je te fais mal mais tu n’as pas le droit d’être en colère ni de te protéger car ce mal, je te le fais pour ton bien. Et nous-même, en tant que coachs et thérapeutes, ne nous arrive t-il pas de faire rentrer en fraude des martinets bien joliment empaquetés dans le territoire de nos clients ? Emballés dans le papier cadeau de nos bonnes intentions ou de notre “expertise”, entourés de la ficelle brillante du transfert (ou pour parler Narrative, de la façon dont l’histoire dominante du client essaie de nous recruter à son service), ces martinets sont composés des lanières normalisatrices de notre propre contexte. Ils font d’autant plus mal qu’ils sont fourgués sous le couvert du décentrage. Ce ne sont pas forcément de grands discours moralisateurs. Il suffit parfois d’un haussement de sourcils ou d’un regard pour enfermer l’autre dans une histoire de violence. Joyeux Noël quand même !

16 réflexions au sujet de « Un horrible conte de Noël »

  1. Oui, qu’est-ce qui nous dit que cette pierre ne devient pas à force d’astuce la fondation qui permet à la plante de pousser comme elle pousse… et qui est légitime à enlever quoi ? La carte narrative mise au point par Béatrice et ses collègues (présentée sur “Croisements Narratifs”) permet de faire un peu de tri dans toutes ces questions et de s’y faire éclairer par la lampe électrique du client !

  2. Par contre pas besoin de déplacer ABSOLUMENT les cailloux qu’on trouve… La fleur de rocaille qui peut y pousser est tellement belle!

  3. La demande comme l’os qu’on donne à ronger. Le contexte, un vrai festin, festival de saveurs: douces, amères, piquantes, sucrées, salées…
    La demande comme le mur au pied duquel se trouve le client. Le contexte, un dédale fait de passages, impasses, ouvertures, coins enchanteurs, lignes de fuite…
    La demande comme l’arbre qu’on a cultivé, qui a trop poussé et qui devient encombrant (là ça vient de l’exposé d’un problème perso d’un enseignant coach de mon cursus actuel et qu’il nous a amenés à interroger avec lui et cela a été le réel apprentissage de la journée: merci Prosper!). Le contexte comme une promenade en fôret qu’il s’interdit d’entreprendre de peur que “son” arbre meure entretemps, ou, qui sait?, vive et se développe sans nul besoin de sa présence à ses côtés…
    Moi je me pose la question inverse: comment ne pas explorer le contexte? sauf à en avoir peur nous mêmes coachs… Pour moi c’est vital. Mais j’ai un élément de réponse quand à “mon audace” qui est que je n’ai pas peur des loups que je pourrai trouver en fôret car j’ai appris à vivre avec le mien, intérieur. Un matin j’avais dit à mon psychotérapeute: aujourd’hui ça va étonamment bien! Je me sens vraiment bien… Et j’ai rajouté très vite: Mais je surveille bien le loup qui peut resurgir à tout moment de n’importe quel coin. Et nous nous sommes de suite exclamées toutes les deux en même temps: surtout que le loup c’est moi / vous!

  4. Cadeau-pas cadeau ? Il y a ce que ce que notre client dit vouloir, et dans son énoncé, nous entendons une polyphonie d’influences bénéfiques ou persécutrices, de mandats acceptés ou subis, ou les deux… et il y a la question de : est ce que ce que nous voulons, ou disons vouloir, ou souhaitons vouloir, nous veut du bien justement?
    La question de l’écologie du changement guide les pratiques d’accompagnement depuis longtemps.
    Une carte simple aide à la poser de façon narrative, et suggère des pistes concrètes pour explorer le sujet avec le client :
    http://www.croisements-narratifs.fr/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=41&Itemid=83
    Belle fin d’année à tous

  5. « Si une pierre a été déposée sur une plante en croissance, elle va gêner cette croissance et sa vie. La Thérapie brève consiste à enlever cette pierre de la vie des gens afin qu’ils puissent grandir ». Bill O’Hanlon
    J’aime imaginer (ou projeter en conscience 😉 qu’il y a peut-être chez Michel l’envie, plus ou moins enfouie, plus ou moins jugée, d’utiliser aussi le martinet pour se libérer de cette histoire et accéder alors à une belle source d’énergie…

  6. faire des cadeaux en recevoir
    c’est tout un art
    le don de donner et de recevoir
    et de donner à la juste mesure…..
    que de symboliques derriere tout cela
    une façon de dire l’etat des relations entre les etres humains,
    voici quelques reflexions issues de l’emisison Public SENAT
    jeacques Attali à propos de la GRATUITE
    en dehors de l’amour de l’amitie ce qui est vraiment gratuit ?
    selon j Attali nous nous avançons vers une societe où l’on payera pour “la rareté”
    ce qui est considere comme rare c’est le temps passé en relation, en contact entre humains,
    exemple: consommer la musiqiue enregistree c’est gratuit par contre payer pour assiter à un concert on est pret à payer pour cela, car on passe du temps
    le travail vécu en reel sera payé tres cher car c’est du temps
    une de ses conclusions : le temps partagé vaut de plus en plus cher!(car de plus plus en plus rare)
    il ajoute aussi une des evolutions dejà presente: les biens fondamentaux comme l’eau et l’air ne seront plus gratuits……
    un cadeau qui vaut tres cher
    notre PRESENCE
    voila ce que je te souhaite pour ces périodes de fetes
    etre entouré de ceux et celles que nous aimons

  7. Je reviens sur les mots utilisés pour désigner l’action engagée dans le cadeau: faire, offrir, donner, payer, et peut etre d’autres encore.
    iIls révèlent bien souvent l’intention cachée: recevoir en retour, etre redevable, ne rien attendre , se mettre en avant.Celui qui reçoit n’est pas toujours sur la mème longueur d’onde, et alors? Le décalage provoque des ajustements, des remises à niveau.
    “je le voulais noir mon pull!, “ça sert à rien ce que tu m’as donné”etc;;Mais retenons que l’instant d’échange est le plus fort, qu’il existe , qu’il permet à l’histoire de continuer. le cadeau , il est là, comme dans le coaching.
    Au fait: ma mère dit toujours” je t’ai payé un cadeau” : ça m’agace toujours, mais je continue de l’embrasser! JOLIS DERNIERS JOURS DE L ANNEE

  8. A interroger le contexte on risque parfois de voir son client s’enfuir à toutes jambes… parce que le cadeau que nous lui proposons ne faisait effectivement pas partie de sa liste, ou parce qu’il est trop gros et encombrant…
    cf. dans la série “Paroles de coach”, le dialogue avec André de Châteauvieux sur les clients qui s’évaporent…
    http://blog.coach-et-moi.com/2009/11/02/coaching-evaporation/
    Peut-on cependant reprocher au coach qui voit à travers l’histoire que lui raconte son client que le véritable cadeau n’est pas sur la liste de néanmoins le proposer, parfois même avec insistance ?
    Quel coach serait celui qui ne nommerait pas ce qu’il perçoit, parfois gros comme une maison ?

  9. J’avoue que je ne sais pas non plus faire des cadeaux. J’ai souvent envie de donner une somme d’argent et ma femme m’explique que ce n’est pas la même chose. Ceci dit, je viens de tomber sur le site de Price Ministère qui dit “Déçu(e) par vos cadeaux de Noël ? Comment faire ?

    Chaque année, je fais ma même crise quand je vois la montagne de cadeaux. Hors sujet, je sais, tant pis ! Au fait combien vais-je pouvoir revendre ce martinet que m’a offert le père fouettard ? Sur PriceM, ils en ont un a 9,99 euros dans la rubrique “Hygiène et Santé” Bonne fin d’année à tous.

    http://www.priceminister.com/s/martinet+fouet

  10. Le problème, c’est de livrer des cadeaux autres que ceux qui figurent explicitement sur la liste (la demande). Mais toute lettre au Père Noël raconte une histoire, et à décider de croire cette histoire sans interroger son contexte, nous risquons, avec nos traîneaux et nos rennes, d’être complices du symptôme et d’épaissir encore le câble du problème. Et à interroger le contexte, nous risquons de nous éloigner du bon de commande… Décidément, le coaching est un métier impossible !

  11. Peut être, quand nous craignons d’ avoir offert un martinet, c’est un sucre d’orge que le client découvre dans le paquet….
    Où est la vérité ? quelle était notre intention ?

  12. En quoi est-ce terrible?
    Chacun fait ce qu’il veut des “cadeaux” qu’il reçoit. Coach et coaché en échangent. A chacun tout simplement de se poser ensuite la question: il m’a donné ça, qu’est-ce que j’en fais? Et c’est justement l’alliance authentique qui permet de se poser cette question et plein d’autres. Terrible conte de Noel…

  13. Mmmmmmmmmmm… Une autre lecture de l’alliance coach et coaché, en tant que double lien… le coach laisserai glisser “sa norme” sur le coaché, comme un cadeau… mais l’inverse est tout aussi vrai!… le coaché interpelle avec “sa norme” le coach et bouscule ses certitudes… Il s’agit d’un échange de cadeaux entre adultes qui ne croient plus au Père Noël mais croient au partage et à l’entraide que cette lègende convoie. Ils écrivent ainsi un nouveau conte de Noël, terrible, plutôt qu’horrible. Terrible est un mot d’enfant, celui du Petit Nicolas pour désigner ce qu’il y a de mieux pour lui. En ce jour laissons aux enfants le dernier mot: terrible, ce conte, oui!

  14. J’ai lu ton conte de Noël; je comprends bien ce que tu expliques. Sans doute, même sans s’en apercevoir, nous distribuons des martinets aux personnes que nous accompagnons. Mais, bon, nous faisons tout ce que nous pouvons et généralement, ces personnes nous sont reconnaissantes de les écouter. La plupart du temps, nos premiers Rv avec les femmes qui viennent nous voir se terminent ainsi “Merci de m’avoir écouté” ou “Merci de vos conseils, j’y vois plus clair” alors même que nous n’avons encore rien dit, rien conseillé!

    En revanche, ce qui me perturbe, c’est l’absence de résultats, cad absence d’emploi pour toutes ces candidates; pourtant, il y a là une belle palette de compétences et d’expérience! Quel gâchis!

  15. Faire moins pour Être plus…

    Le coach même bien emballé n’est pas à l’abri de se prendre les pieds dans le bolduc de son contre-transfert.
    Noël, sorte de syndrome de Stockholm, ou le père noël ce cher ravisseur, nous contraint à donner, à adhérer à sa réalité délirante, de faire des cadeaux à tout prix, ce qui est une injonction paradoxale.
    Donner est un acte libre de bienveillance.
    Offrir, être dans le don de soi, ne doit pas ressembler à une prise d’otage.
    Il me semble que c’est toute la difficulté de la relation d’aide.
    Bonnes fêtes quand même !

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