Par Catherine Lépy et Christine Pagonis
La frise chronologique narrative collective appliquée, dans un contexte professionnel, à des interventions auprès d’équipes de direction.
Dans un esprit « fab lab » d’expériences des pratiques narratives dans les organisations, nous souhaitons partager avec vous l’utilisation de la frise narrative auprès d’équipes de direction.
- L’application de la frise chronologique narrative collective à l’harmonisation et au développement des pratiques managériales auprès de l’équipe de direction élargie d’un établissement public.
En nous inspirant du travail de David Denborough au Highlander Research and Education Center, dans le cadre d’une formation au management, nous avons proposé aux participants (18 personnes, 3 niveaux hiérarchiques) dont la Directrice générale, en tout début de journée, d’identifier des expériences de management réussies au sein de leur établissement, que la personne ait été en situation de manager, d’être managée ou d’avoir vu manager. Chacun a pu mentionner autant d’expériences réussies qu’il le souhaitait.
Dans un premier temps, il s’agissait, individuellement, de dater, de raconter par écrit ou de dessiner directement sur une frise collective les expériences en question.
Dans un second temps, chacun a présenté à l’équipe ses expériences réussies puis a expliqué en quoi chacune de ces expériences était importante pour lui.
Dans un troisième temps, en utilisant la pratique du témoin extérieur, les membres de l’équipe qui le souhaitaient ont eu la possibilité de s’exprimer sur ce qui avait retenu plus particulièrement leur attention et en quoi cela leur paraissait important.
L’exercice s’est déroulé pratiquement sur l’ensemble de la matinée et a permis de :
– valoriser les savoir-faire acquis et d’en faire ressortir la diversité et la richesse,
– mettre les personnes en situation de se donner de la reconnaissance mutuelle,
– faire émerger des valeurs communes,
– créer du lien et de la solidarité autour de cette pratique commune du management.
En résumé, de « forger une unité dans la diversité ».
En tant que formatrice-coach, le fait de voir les personnes s’écouter attentivement puis résonner émotionnellement entre elles, continuer d’échanger sur le sujet au moment d’une pause tardive et poursuivre l’exercice suivant en restant collectivement forces de proposition, a été particulièrement émouvant. A ma propre surprise, les Power-point sur les fondamentaux du management n’ont été présentés qu’en cours d’après-midi. Ils ont alors permis de valoriser et de mettre en perspectives les matériaux apportés par les participants.
- L’application de la frise chronologique narrative collective à l’exploration de l’identité de l’entreprise auprès de l’équipe de direction (4 personnes dont le dirigeant) d’une PME de services pour l’imagerie médicale.
Contexte de la demande : Intervention sur 6 demi-journées mensuelles pour :
– clarifier la stratégie et l’identité de la société, les rôles et responsabilités (périmètres d’interventions
et délégations)
– faciliter le processus de choix et de décision
– rationaliser le style de management (2 cas de « burn out » en 2 ans)
Objectif de l’utilisation de la Frise Narrative pour la 1ere séance :
- Parcours de vies dans l’entreprise par le récit de leurs expériences (réussies et à problèmes)
- La compréhension de ces expériences dans le contexte de leur culture et de leurs relations avec les autres
Protocole demandé : Deux lignes de vie sur paper
- Histoire de l’entreprise (ex créer en, changement en…)
- Histoires individuelles par rapport à l’entreprise (ex arrivé en, changement fonction là…)
Chacun à son tour vient et se positionne en racontant son histoire et « son vécu » dans l’entreprise
Cet exercice, outre qu’il est un excellent outil d’inclusion, facilitant le sentiment d’appartenance et la cohésion d’équipe en autorisant les personnes à s’inscrire ou se réinscrire dans l’histoire de l’entreprise, a permis ici de :
- mettre à jour la genèse et nommer le « vrai » problème, «Peur de mourir» et les stratégies-effets depuis, « non choix et mode survie »,
- désigner le moment scintillant et charnière de l’entreprise (exception du « non choix ») sur lequel nous avons pu travailler par la suite en termes de ressources et capacités,
- resituer le contexte de l’entreprise dans un contexte plus large (réglementations et mutations technologiques) ce qui a atténué le sentiment de « culpabilité » et « d’impuissance » de l’entreprise en lui permettant de relativiser,
- refamiliariser avec les buts et les valeurs de l’entreprise, en revivifier certaines ou/et remercier celles qui ont fait leur œuvre (comme autant d’expériences de Choix !!)
- évoquer les fantômes, pour rendre hommage à certains et dissoudre les autres
- l’expression de chacun avec beaucoup de sincérité de ce qui était important pour soi, aux autres d’accueillir et résonner avec une profonde bienveillance,
- illustrer par une image exactement où en est l’entreprise de son histoire, « Le couteau suisse des… »
Les feed Back de l’équipe sur l’exercice : « Beaucoup de sujets d’aborder », « appris pas mal de choses par rapport aux ressentis de chacun », « permet de dire les choses et sortir des non-dits », « conscientise ce qui nous lie », « insuffle une bonne dynamique à l’équipe », « verbaliser le « film » perso est intéressant car on croit vivre les mêmes événements/expériences mais en réalité on ne les vit pas pareil », « met en lumière l’ADN de l’entreprise », « on visualise les liens »…
Belles pratiques narratives à tous.
copyright photo : http://www.babelio.com
J’ai utilisé la frise chronologique à plusieurs reprises et aussi observé son pouvoir d’apaisement, de consolidation des liens, effet peut-être le plus spectaculaire, celui de la reconnaissance collective, soit une histoire qui survit à ses membres.
Je ne suis doncpas surpris par cette réussite qui est tout à votre honneur.
Mon attention est captée par quelque chose qui pourrait passer pour un détail. En exergue de ce billet, vous rappelez le lieu de naissance de la frise chronologique, soit le Highlander Research and Education Center, organisation américaine à but non lucratif qui œuvre depuis 80 années pour une plus grande justice sociale et dont l’histoire est retracée ici, à partir de quelques clichés formant une frise chronologique :
http://highlandercenter.org/media/timeline/
Je suis très admirateur de la créativité, du dévouement, de l’engagement de cette association et de toutes celles qui mènent des activités similaires. Parmi la myriade d’outils et de méthodes des Pratiques Narratives Individuelles et Collectives, nombreux sont ceux dont l’origine est dans le travail des bénévoles de ces associations. Exemple, pour l’arbre de vie, deux associations qui sont toujours en activité actuellement : Training for Transformation et RPSSI.
Or, ces outils et méthodes, nous les utilisons parfois (souvent) dans le cadre d’une relation marchande à but lucratif, pratique qui soulève quelques questions éthiques qui ne cessent de se tourner et se retourner dans mon coeur et dans ma tête.
Ma conclusion provisoire, c’est que le minimum pour m’acquitter de ma responsabilité éthique, c’est de citer l’associations et/ou les auteurs de la technique utilisée, au moins pour entretenir vivante la frise chronolgique imaginaire qui me connecte à leur action et crée une option pour mes clients de se connecter également à leur action.
C’est le geste que vous accomplissez dans cet article et qui n’est pas un détail pour moi, en rappelant que la maternité de la frise chronologique revient au Highlander Research and Education Center. J’y suis sensible, merci.
Bien à vous
http://highlandercenter.org
Et si vous nous racontiez l’histoire, plutôt ?