Extraite de Milton Erickson et transmise par Béatrice Arnaud, une métaphore inspirante et intéressante sur la posture du thérapeute. La question est : influent ou pas influent ?
Erickson avait du sang amérindien dont il était très fier. Il disait : “la différence majeure entre mon travail en hypnothérapie et le reste, c’est la même qu’il y a entre comment un blanc chasse et comment un peau-rouge chasse. Il dit, quand l’homme blanc part à la chasse, il rassemble des bombes, des tanks, des mitraillettes, des chiens, des milliers de personnes, ils vont en voiture jusque dans la forêt, et puis tout le monde sort en hurlant et tire sur tout ce qui bouge en espérant qu’ils vont atteindre quelque chose. Voilà comment le blanc part à la chasse. Le peau rouge part tout seul, jusqu’à l’orée de la forêt, il a peut-être un couteau, dit une prière, en demandant son pardon à la forêt parce qu’il va prendre une vie, afin que son peuple puisse vivre, il marche avec respect, en étant très attentif à ne pas perturber quoi que ce soit, trouve un joli rocher plat au soleil, il s’assied, il médite et attend qu’un animal vienne. C’est comme ça que chasse l’homme rouge et c’est comme ça que moi, je fais la psychothérapie.”
Belle metaphore pour l’ours basco béarnais que je suis. je me fais l’impression, si ce n’est un rocher, d’être assis seul quelque part. je ne fais pas de prospection mercantile. un jour un ami humaniste dans l’âme, qui oubli systématiquement le mal que les gens lui font, me dit que ma force réside tout simplement dans le fait que je n’attends rien des autres. Il faut simplement y comprendre, que lorsque je noue une relation, je m’intéresse a la personne et non a ce qu’elle pourrait me rapporter. Et c’est bien aujourd’hui, une bonne partie de ce qui me fait manger. C’est a dire que la puissance de la relation nouée, que nous nous voyons encore ou pas, fait que 1, 2, 6 mois ou 1, 2, 5 ans plus tard, cette personne pensera a moi pour le besoin qui émergera a ce moment là, et auquel je peux répondre. Voila ce que nous pourrions appeler “ma prospection commerciale”. Seulement, je ne fais pas expres de trouver du travail. Seul le plaisir de rencontrer quelqu’un de nouveau me guide.
Voilà pour le débat initié par Pierre sur la métaphore de l’indien sur son rocher.
Merci Béatrice pour cette magnifique métaphore. Elle me touche beaucoup et me parle de la posture que je travaille : de la douceur, en faire le moins possible, le plus respectueusement possible, pour générer du changement … vers plus de PAIX ! et non de la guerre. Vraiment très émouvant, cette métaphore. Michèle
Et pour moi les vertus de l’influence viennent précisément de cette “légèreté” du thérapeute, d’une vigilance à rester dans l’être qui rayonne et donne envie, conduit naturellement à aller chercher l’essentiel au fond de soi. Une influence écologique en somme !
Cette histoire me touche comme m’a touchée l’idée de “sobriété heureuse” développée aujourd’hui par Pierre Rabhi (agroécologiste, humaniste) qui démasque avec justesse le mythe pervers du toujours plus, ses conséquences sur le pilllage de la planète et le harcèlement permanent vers la consommation. C’est aussi en respectant la nature, en prenant la vraie mesure de ses besoins que Pierre Rabhi propose de résister et d’échapper à un système insensée stimulant avidité et frustration. C’est dans la sobriété dit-il que quelque chose de magnifique apparaît : la légèreté qui fait tant de bien à l’âme…
Ce chasseur indien me rappelle mon grand-père cauterésien, qui partait à pied, seul et dans la nuit, pêcher la truite en montagne et redescendait le gave en suivant le lever du soleil. Je suis sûre qu’il vouait un grand respect aux truites et honorait leur capacité de défense et de résistance. Ce chasseur admire et respecte l’intelligence naturelle de l’animal et lui permet de l’exercer (plus que cela, il s’en inspire). En cela, il est influent : parce qu’il ne parvient pas à chaque fois à l’attraper, il permet à l’animal de donner du sens à sa résistance, sens transmis à son groupe (qui peut dire qu’un animal n’est pas doué de sens ou capable de raconter des histoires ?). Ce chasseur est influent également sur son environnement dont il respecte l’équilibre. La qualité de son influence est fonction de son degré de responsabilité. L'”accountability” dont on a parlé avec Stephen Madigan en septembre, c’est la responsabilité dont font preuve les plus forts, quelles que soient les raisons de leur force, dans un contexte donné. C’est une responsabilité qui s’appuie sur le passé et les ancêtres et pense au futur et à ceux qui vont venir. C’est le contraire de la pensée individualiste d'”après moi, le déluge”.
Merci Béatrice, pour cette histoire magnifique.
Faire confiance à la sérendipité plutôt qu’à l’intense préparation. Le moteur des 4×4 et des culasses de fusils effarouchent les animaux. Trouver le bon rocher plat et observer le passage du gibier en silence pour se mettre en position de faire une découverte heureuse en toute simplicité.
Merci pour cette belle métaphore et voici un proverbe indien qui me vient à l’esprit pour la compléter « les bisons s’offrent aux chasseurs au cœurs purs ».
cela m’inspire beaucoup .
Natacha
merci de cet article qui me rassure sur ma conduite plus que basique en matière de prospection commerciale! C’est quand je serai vraiment prète, abandonnée à la situation que tout arrivera; c’est cela que je comprends dans cette métaphore.
Quant à l’influent ou pas: la rencontre du thérapeute et de son client est de fait à un moment T, mais le moment d’avant? elle prééxiste déjà, c’est le peau rouge sur son rocher plat qui médite. La rencontre nait a partir de la.
Il me semble d’ailleurs que le peau rouge et le chassé, se donne l’un a l’autre. Et que la question est: reconnaitre les moments influents de l’un et l ‘autre .
Cette histoire merveilleuse me touche profondément, pour des raisons liées à mon histoire / imaginaire individuelle sans doute, mais aussi parce qu’elle offre une image puissante et saisissante du projet de la Fabrique Narrative. Mon vieux maître Charles Kablé exprimait la même chose différemment en disant : “c’est en allant un peu au hasard que l’on tombe sur l’essentiel”. C’est cette école de l’abandon du contrôle de la situation, du dépouillement de l’effort, du minimalisme des outils, que nous essayons de développer dans nos séminaires mais surtout dans notre façon de vivre. Ce n’est pas toujours évident lorsqu’on est confrontés en même temps aux puissantes histoires dominantes de l’économie néo-libérale et chacun doit trouver le rocher plat où il se sent à l’aise. Et une dernière chose : il me semble que cette métaphore fonctionne aussi pour la prospection commerciale ! Mais la question “influent ou pas influent reste posée” et je serais curieux de savoir ce que vous en pensez…
Plusieurs personnes m’ont “raconté” que dans une vie antérieure j’avait été “amérindienne”…
Comme j’aimerais que ce soit vrai….. et, également, faire la thérapie comme l’homme rouge chasse !
Merci Béatrice.