LA NARRATIVE AU RISQUE DE LA PSYCHANALYSE

imagesPar Fanny Moureaux-Nery

Voici avec un peu de retard le compte-rendu de l’intervention de Fanny au Congrès de la FF2P, où elle a accepté de représenter la Fabrique.

Après une quinzaine d’années d’éloignement de la Fédération de Psychanalyse et de Psychothérapie, je constate avec plaisir que la rivalité des méthodes s’est atténuée et que l’influence du freudisme orthodoxe a nettement diminué. Les intervenants de ce congrès sont avant tout préoccupés de définir l’identité du psychothérapeute dont l’Etat les a privés ainsi que son rôle dans un monde en mutation, thème de cette rencontre. La plupart d’entre eux témoignent davantage d’une intention d’aider les personnes à prendre conscience de leurs ressources pour faire face à leurs difficultés  qu’à transmettre une théorie inflexible. Par contre sont-ils psychopraticiens ou psychothérapeutes ? Les deux termes sont utilisés avec une étrange égalité, qui m’amène à demander si celui de psychothérapie est bien approprié pour définir cette posture d’aidant. Il m’est répondu que le terme vient du grec et signifie : accompagnement de l’initiation à une expérience spirituelle.  Belle réponse, mais quel Français le comprend ainsi ? Je n’ai pas le temps de manifester que je trouverais souhaitable qu’une distinction nette soit établie entre soigner un malade psychique et aider une personne en difficulté.

Au cours des pauses, je découvre que la Thérapie Narrative n’est pas totalement inconnue des praticiens et que le libraire ambulant expose Comprendre et Pratiquer l’Approche Narrative, notre livre collectif. Il s’excuse spontanément de n’avoir pu se procurer les livres publiés chez Satas.

Une bonne douzaine de personnes viennent à mon atelier, désireuses de découvrir la Narrative ou d’en savoir un peu plus à son sujet. Mon intention est de partager avec elles mon sentiment, dès mes premières lectures de Michael White, de bien être, de libération de contraintes auxquelles je me soumettais tant dans mes relations familiales et amicales que dans ma pratique professionnelle. “Je me sens chez moi, un espace s’ouvre, un air frais souffle”.

Je souligne qu’en écoutant en 2007 Michael, je suis saisie par l’intelligence et la bienveillance chaleureuse de cet homme si modeste et étonnamment créatif. Mon enthousiasme n’a pas baissé d’un iota tant je retrouve chez David Epston, et tous ceux proches ou lointains bénéficiaires de leur inventivité, cette bienveillance et ce désir d’un continuel enrichissement de la pratique.

Après avoir évoqué brièvement mon parcours de thérapeute, je rapporte quelques anecdotes de l’enfance de M. White lui faisant découvrir la puissance des métaphores, sa rencontre avec David Epston où tous deux ont été interpellés par la créativité de l’autre, leur coopération fraternelle, leur respect de la culture millénaire des Aborigènes, puis je mentionne l’apport de Jérôme Bruner et de nos philosophes français.

Les bases étaient posées pour développer la Narrative externalisatrice de l’histoire dominante qui enferme, démoralise et isole la personne et la Narrative exploratrice des exceptions, valeurs et compétences de chacun, faisant  surgir l’histoire, de loin préférée, qui redonne confiance en soi et relie à ceux qui partagent les mêmes valeurs.

L’exercice  proposé de se mettre par 3, afin que l’un soit l’interviewer, le second évoque un léger problème et le troisième joue le problème a été très apprécié. Les joueurs de problème furent étonnés de leur créativité et les évocateurs de problème, stupéfaits de se sentir aussi bien connus et compris.

La personne qui m’a envoyé le mail dont je vous fait part avec son accord a renforcé ce qui m’était venu  en préparant cette présentation : un grand apport de l’Approche Narrative est de nous permettre de se réconcilier avec nous-même.

“Ce que j’ai perçu de la Narrative m’a fait penser à un travail de contre-valorisation basé non pas sur une “mise en accusation” des responsabilités mais sur une projection extérieure des symptômes ressentis. Ça évite peut-être de se sentir trop accablé en s’accordant un naturel droit à l’erreur, “plus détaché”, en même temps qu’un droit de réponse, “plus détendu”, et pourquoi pas un droit émotionnel, “légitime”. J’ai personnellement été longtemps terrassé par des sentiments de culpabilité trop importants”.

L’impact de la Narrative est clairement source de vie. Grâce à la confiance que la Fabrique m’a témoignée, j’ai vécu la superbe expérience d’être portée par ce que j’apportais.

 

Illustration :  The Freudian Sip est un vin élevé par B.C. VQA Okanagan Valley winery
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5 réflexions au sujet de « LA NARRATIVE AU RISQUE DE LA PSYCHANALYSE »

  1. Merci Fanny de nous avoir fais part de ton expérience. Cela me renforce dans l’idée que le sentiment de bien être ressenti dans un groupe d’appartenance renforce notre autorisation à faire un peu plus.

  2. Etre portée par ce que j’apporte… c’est ce que je ressens parfois également avec cette pratique.
    Merci Fanny pour ton partage.
    Dina

  3. Fanny
    La Fabrique ne pouvait choisir meilleure ambassadrice que toi.
    Merci pour ce compte rendu clair, efficace et instructif même.
    Tu as su trouver la voie/voix pour parler de “notre narrative”
    Tu as ce don de me faire croire que je suis intelligente parce que je
    comprends tout ce que tu dis 🙂

  4. Bonjour Fanny,

    Que de bonnes nouvelles en provenance de la FF2P ! Bravo pour ton intervention capable de déclencher ce genre de prise de conscience (bon… pas forcément très accessible dans le discours … mais on sent bien que quelque chose a été ébranlé tout de même !). Parvenir à stupéfier ces professionnels de la psycho-pratique ou thérapie, c’est une belle perf ! C’est bien que ce soit toi qui t’y sois attelée.
    Je t’embrasse,
    Catherine

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