La violence des hommes

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Travailler sur la violence des hommes envers les femmes et les enfants, c’est se placer au coeur de la violence exercée depuis le fond des âges au sein de toutes les communautés humaines.

C’est poser la question de la façon dont les “histoires dangereuses”, production culturelle, sociale et identitaire, se débrouillent pour recruter de nouveaux complices dans les rangs des jeunes garçons et c’est donner à ces jeunes garçons les moyens de s’en libérer. Ces questions sur la violence ont été l’un des thèmes de réflexion majeurs de Michael White à la fin de sa vie, un thème qu’il a amplement partagé et développé avec les trois intervenants de l’atelier (dans l’ordre sur la photo : Shona Russell que nous connaissons bien en France, Maggie Carey et Rob Hall) qui ont été de très proches amis et collaborateurs de longue date.

La violence est socialement et culturellement construite, au même titre que l’identité. Les hommes n’en sont pas les auteurs, mais les “soldats” recrutés et complices de ses agissements. Cette idée permet au thérapeute, dans le travail avec les hommes violents, de déconstruire au préalable la tentation d’un jugement moral, ou la tentative de confronter l’homme violent “à tout le mal qu’il a fait” dans l’espoir qu’il s’en repentisse. La difficulté, longuement débattue, est que pour autant, l’homme violent n’abdique jamais la responsabilité pleine et entière de ses actes, une responsabilité dont il ne peut prendre réellement conscience qu’au regard de ses propres valeurs, espoirs et principes que ses actes ont piétinés. Mais pour cela, il y a du chemin à faire.

“Faire face” (face up), tel est le nom du programme élaboré par Rob Hall et Alan Jenkins pour accompagner les hommes violents. Le point d’entrée est la situation initiale de l’entretien thérapeutique lui-même autour de questions telles que : “pourquoi parlons nous de ce sujet ?”, “Qu’est-ce qui est important pour vous dans le fait de parler de ce que vous avez fait ?”, “comment le fait de commencer à faire face à ce que vous avez fait peut contribuer à faire de vous la personne que vous voulez être ?”, “qu’est-ce que le fait d’accepter de faire face reflète de ce qui a de la valeur dans votre conception de la vie ?”, etc. Ceci a pour but de développer une histoire alternative, qui permettra de mettre les actes violents en perspective et de les réinterpréter hors du territoire occupé par la violence dans la vie de la personne.

Le voyage (“personal journey”) est long jusqu’à l’élaboration par le client d’initiatives de réparation (“restitution practices”) vis à vis de ses victimes, qui ne soient pas des manipulations égoïstes pour redevenir conforme / acceptable ou reprendre le pouvoir, mais un réel mouvement de générosité fondé sur la capacité nouvelle à se mettre à la place de l’autre. Je ne détaille pas ici les différentes étapes de ce voyage pour ne pas déflorer l’atelier de Rob à Paris. Son associé Alan Jenkins vient de publier un livre très complet et très Deleuzien : “Becoming ethical, a parallel, political journey with men who have abused” (RHP), voir ici.

Reste une question. Comment faire en sorte qu’externaliser les “histoires dangereuses” qui sous-tendent la violence (“qui aime bien châtie bien”) ne dédouane pas l’homme violent de la responsabilité de ses actes ? En explorant avec lui les techniques de dédouanement (minimiser, s’excuser, dénier, blâmer la victime…), les pratiques de pouvoir (intimidation, disqualification…) et l’idéologie qui permet à ces pratiques de pouvoir de se développer et les justifient (“les femmes sont le sexe faible”). Et en restant vigilant parce que la résistance peut ici se mettre au service des techniques de dédouanement pour rendre la violence acceptable, ou du moins inévitable car inhérente à une “nature profonde” de la masculinité.

A part ça, il fait toujours aussi beau ici (voir ci-dessous). La prochaine fois, on n’a qu’à le faire en été, en juillet par exemple, pour avoir un peu de chaleur…

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I don’t translate this post tonight because it is already late, my apologies for this.

Une réflexion au sujet de « La violence des hommes »

  1. Merci Pierre,
    J’ai trouvé le sujet de ce post remarquable, car rare. Et tout autant remarquables vos propos sur ce thème. En tant que coach, dont l’une des spécialité et la carrière des femmes, ce sujet m’intéresse tout particulièrement. Merci à vous

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