LE VERDICT DU DODO

 dodoPar Catherine Mengelle

Connaissez-vous le Verdict du Dodo (Dodo Bird Verdict) ?

Dans Alice au pays des merveilles, le dodo est l’oiseau qui déclare à la fin d’une course qu’il a organisée que tout le monde est vainqueur et mérite par conséquent un prix. Le Verdict du Dodo est la thèse, controversée, qui soutient que toutes les thérapies se valent ou auraient une efficacité comparable. De nombreuses études ont été réalisées depuis les années 30 pour soutenir ce verdict ou le récuser, selon le postulat de départ ! On sait bien que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres, d’autant plus dans ce domaine difficilement quantifiable où les possibilités de biais sont très nombreuses, par exemple : si une thérapie donne de bons résultats sur un patient, comment savoir s’il n’aurait pas obtenu les mêmes résultats sans la thérapie ? La question est aussi valable pour le coaching narratif ! 

Quoiqu’il en soit, je viens de tomber sur une étude récente, réalisée par quatre chercheurs, des universités de Manchester et de Liverpool, pour laquelle ils semblent avoir utilisé une méthode statistique plus élaborée que les précédents, si j’en crois ce qu’ils disent. Dans cette étude, ils ont comparé trois groupes de personnes souffrant de psychose : un groupe suivi en TCC (Thérapie Comportementale et Cognitive), un groupe recevant des formes moins formelles de psychothérapie (supportive counselling), et un groupe recevant simplement des soins médicalisés de routine (routine care).

La question était de savoir laquelle de ces deux propositions était juste : l’efficacité du traitement fait que le patient se sent bien disposé à l’égard de son thérapeute, ou bien : la qualité de la relation détermine effectivement le succès ou non de la thérapie. L’article est publié dans Psychological Medicine, Cambridge University press 2015 et accessible ici.

Ce qui m’a frappée, c’est la conclusion de leurs travaux, dont voici une proposition de traduction :

« Cette étude montre clairement qu’il y a un phénomène de cause à effet entre l’Alliance Thérapeutique et les développements obtenus dans le traitement psychologique de la psychose. Les résultats de l’étude indiquent qu’à un haut niveau d’alliance, la thérapie est bénéfique, mais qu’à un faible niveau d’alliance, elle est préjudiciable. Sur le plan clinique, cela implique que pour qu’un patient profite d’un traitement de la psychose, il est essentiel d’établir avec lui une bonne alliance thérapeutique, et que si l’alliance est faible, il est inapproprié de persister à essayer de le convaincre de poursuivre la thérapie. Les tentatives futures dans le traitement psychologique de la psychose devront envisager des méthodes capables de maximiser le degré d’alliance, ou au moins utiliser des protocoles d’interruption de la thérapie quand l’alliance est faible. Et au-delà, les services psychiatriques devront en priorité s’assurer que tous les membres des équipes soignantes s’engagent effectivement avec les patients. »

Encore fallait-il le démontrer… n’est-ce pas !

Dans cette étude, les patients du 2ème groupe ont autant bénéficié de leur traitement que ceux du 1er groupe (TCC), ces deux groupes allant beaucoup mieux que le 3ème groupe à qui n’a été proposée qu’une simple prise en charge. La forme de psychothérapie n’est pas déterminante.

Le Verdict du Dodo reprendrait-il du poil de la bête (ou au moins de la plume) ? Plus que la forme de thérapie utilisée, ce qui serait déterminant serait donc l’alliance thérapeutique !

Peu importe la vérité, ce qui compte c’est l’histoire que j’ai envie de croire et les raisons qui font que c’est cette histoire-là que je préfère. L’histoire du Dodo me plaît. Pourquoi ? Parce que j’aime Alice et que j’aime l’absurde, qui confronte avec tant de délicatesse (pourquoi faudrait-il un gagnant, en effet ?). Parce que je n’aime pas les certitudes ni l’excès de sérieux qui brident l’imagination et la possibilité d’étendre les savoirs. Les dodos ont disparu de notre terre. Peut-être étaient-ils trop bavards !

4 réflexions au sujet de « LE VERDICT DU DODO »

  1. Charlotte, merci pour l’apport supplémentaire que tu fais sur ce “sentiment d’auto-efficacité” (qui n’est pas de l’auto-satisfaction !). Le lien que tu fais entre notre pratique et nos valeurs et croyances me semble juste. Et ce doit l’être aussi pour les autres approches.

  2. Merci Catherine pour ce travail de recherche que tu partages.
    Pourquoi n’y aurait il pas d’effet placebo dans ces thérapies ?
    Françoise

  3. Merci Catherine.

    Si j’avais connaissance de ces résultats sur l’efficacité des thérapies, j’ignorais son nom et je dois avouer qu’il me plaît beaucoup (tout comme l’univers anti-conformiste d’Alice au pays des… possibles).

    En plus de la qualité de l’alliance thérapeutique, il a été “prouvé” que le sentiment d’auto-efficacité (de Bandura, https://fr.wikipedia.org/wiki/Auto-efficacit%C3%A9) du thérapeute (ou coach, professionnel de la relation d’aide…) joue également un rôle important. Plus le thérapeute est convaincu d’être efficace dans l’approche qu’il utilise, plus il le sera !

    Je suis persuadée que l’approche thérapeutique qu’on choisit parle de nos valeurs, nos préférences de vie ainsi que notre vision de l’être humain. Et plus on va être en accord avec cette approche, plus on va l’honorer à travers notre pratique.

    Psychanalyse, TCC,, systémique, narrative, peu importe tant qu’on y croit !

    Cette idée profondément irrationnelle, est-elle dérangeante ou au contraire source de liberté(s) ?

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