POLICE DE L’AMOUR OU POLICE TOUT COURT ?

Regardez cette vidéo. Mixed feelings. Dans un premier temps, elle est enthousiasmante : elle met en valeur une performance centrée autour de la redécouverte du rapport  humain direct dans un contexte urbain particulièrement stressant qui est celui du métro. Elle semble cohérente avec les idées narratives par la déconstruction du système qui amène les gens à s’isoler et à croire qu’ils vont lutter contre cet isolement et contre la peur par la consommation.

Mais par contre, la façon dont le sujet est amené, le fait que les initiatives ne viennent pas de la communauté mais d’un leader qui prend le pouvoir sur elle sans qu’elle n’ait rien demandé, le fait que ce soit ce leader qui impose un nom et fabrique une communauté par ce nom, et lui propose des initiatives me fait me demander à quoi on joue et à quoi on assiste ici. Pourtant, peu à peu, sous nos yeux, une communauté se créée effectivement et commence à fonctionner.

Ceci pose sans doute la question du rôle du coach dans la mise en mouvement du client. À qui appartient la demande ? Qui touche les droits d’auteur des idées, principes, espoirs et rêves qui alimentent ces initiatives ? Il ne s’agit pas des initiatives d’un groupe de personnes mais d’un mouvement politique qui propose de « rendre les gens » plus conscients, mais sans qu’il le demandent spécialement. C’est le problème de toutes les avant-gardes du prolétariat ! Et en même temps, si aucune initiative n’est prise pour lutter contre l’énorme force du pouvoir moderne et des discours normalisateurs qui plongent les gens le nez dans les journaux gratuits et le regard dans la méfiance vis-à-vis de tout rapport social un peu authentique, cela ne risque pas non plus de faire bouger les choses.

Alors qu’en pensez-vous ? Quel est le regard que vous portez sur ce type d’initiative ? Avez-vous eu l’occasion de faire ou de voir des choses similaires dans votre travail de praticiens narratifs ? Et si vous aviez été dans ce wagon, qu’auriez-vous fait, ressenti, pensé, et où cela vous aurait-il emmené ou vous n’auriez pas été sinon (à part à la prochaine station de métro) ?

18 réflexions au sujet de « POLICE DE L’AMOUR OU POLICE TOUT COURT ? »

  1. Bonjour,
    Je viens de rentrer du senegal et en remettant en route mes petites affaires de coach, je viens a visionner cette vidéo.cette police de l’amour faschisante, son fonctionnement, la réaction de gens beniouioui ou pas me laisse indifférent. Je lis ensuite la totalité des commentaires, que je trouve (pas tous) acerbes, durs et critiques et même certains propos assez violents. Voilà une vidéo qui fait couler de l’encre. Pour moi, il manque un morceau a cette vidéo, ce qu’en ont pensé les gens qui ont vécu cette “performance” en sortant du wagon.
    Et puis j’ai une question a vous poser a tous: Ne vous est ‘il jamais arrivé d’être pris a partie sans le vouloir dans un spectacle quelconque ou un performance artistique? cette vidéo n’est qu’un ersatz de ce que l’on voit emmerger aujourd’hui avec les” associations de donneurs de baisers” et autres, mouvement qui a commencé avec les Lafesses et consors il y a quelques années pour faire rire certains au détriments des autres.
    Puisqu’on est dans le “bonheur et bien être obligatoire”, ce que fait cette police est bien dans l’air du temps de l’histoire du pouvoir moderne.
    Ha, que ce retour est dur, alors que je viens de quitter des gens qui n’avaient rien et qui souriez et riez tout le temps….

  2. Lorsque je m’indigne face à cette vidéo, je ne fais pas un acte de coach, mais un acte de citoyenne qui dispose d’une capacité de jugement lui permettant de voir venir ce qu’elle estime dangereux pour elle-même et ses proches. C’est un acte vital. Je revendique ce droit de jugement très fort. Ma posture de coach me permet certes d’être à l’écoute de ce qui est important pour l’autre mais ma posture d’être vivant me permet également d’être à l’écoute de ce qui est important pour moi. Etre coach et praticienne narrative ne doit pas me couper de mon propre libre-arbitre.
    Pourtant, notre diversité de vues est salutaire pour, comme dit Gwen, retrouver un peu d’humilité, tout le temps.
    Vive ce blog et merci Elizabeth pour ta “vision” également.

  3. Dites donc, les réponses, foisonnent!
    je n’ai même pas encore trouvé le temps de tout lire.

    Je me pose la question si les Love Police étaient bien décentrés, en laissant la place centrale aux histoires, intérêts et croyances du groupe de passagers. Influents, il n’y a pas de doute…C’est là tout notre danger à mon sens…

    Quelques contextes bien dominantes qu’ils auraient intérêt à déconstruire, comme quand la personne propose de chanter. Tout d’abord, ils lui rappellent qu’il est “interdit” de demander de l’argent. L’auraient-ils dit si la personne était blanche en costard cravate? j’crois pas.

    Une autre vision du monde, si cela vous intéresse:
    http://www.facebook.com/video/video.php?v=153941754645608

    bises

  4. Et bien dans ce train, j’aurais sans doute observé tel l’anthropologue curieuse. Mais très vite la colère serait montée face à ces donneurs de leçons.

    D’abord, le film m’a semblé long. J’ai eu le sentiment qu’au fil du temps et du succès de l’expérience, nos policiers de l’amour s’installaient dans leur pouvoir et montaient crescendo dans la coercition. La redéfinition de ce qui est Bien et Mal, enrobé d’un esprit révolutionnaire, m’a gêné. Une révolution c’est remplacer par la force une histoire dominante par une autre, et nous avons ici un bon exemple de ce qui peut arriver.

    L’autre point qui m’a gêné ce sont les histoires sur les passagers qu’ils véhiculent .
    Je suis une usagère du RER et j’imagine que ce tournage a eu lieu la nuit ou en pleine journée, compte tenu du peu de monde dans les wagons. Les transports en commun aux heures de pointe, sont pour moi le symbole de la barbarie de notre civilisation. Ces histoires sur des gens qui ne sourient pas, ne se regardent pas… me mettent en colère. Elles confortent l’histoire dominante que ces passagers sont des moutons de la société de consommation et de guerre économique, inconscients et exploitables à merci.

    Ce que ce film m’inspire, c’est à être dés demain, plus attentive encore à reconnaitre et honorer les résistances de chacun de ceux qui sont dans ces trains, ce qu’ils font pour tenir le coup face à la violence de ces conditions de transport et d’éloignement de là où est leur vie avec ceux qu’ils aiment.

    J’aurai plein d’histoires de train à raconter.
    Je me rappelle, un jour de grève où nous étions comme des loups pour monter dans ces wagons. L’agressivité montait, nous étions tellement serrés qu’il était facile de tenir debout sans poser ses pieds à terre. 2 personnes ont commencé à se disputer. Et un homme a parlé fort pour nous dire « eh les gars, on est tous dans la même galère, serrons nous les coudes » (ce n’était pas une façon de parler ! le rire est proche!) et un autre d’ajouter «oui, le travail est dur, on est mal payé mais qu’est ce qu’on se marre ! » Et là est parti un fou rire général, le fou rire de l’absurde. Ce rire, il résonne en moi souvent comme un merveilleux moment de résistance et de partage avec tous ces gens que je ne connaissais pas mais qui était l’espace d’un trajet mes compagnons de galère.

    Alors oui, si l’on ne veut pas remplacer une tyrannie par une autre c’est bien aux communautés de choisir. Dans mon métier d’accompagnante, depuis que je me forme à la pratique narrative, je suis encore plus vigilante à ce que je pose pour les autres et à la vision du monde que je peux avec toutes les meilleures intentions vouloir imposer aux personnes ou communautés accompagnées. C’est ma petite révolution que je préfère appeler « concrétion» (croître et se solidifier ensemble).

    Une dernière remarque pour Gwen, je propose l’expression s’élever par l’autorité ou s’appuyer sur l’autorité plutôt que se soumettre à l’autorité.
    L’autorité par sa force (pouvoir, connaissance ..) peut-être un point d’appui et d’élévation. J’aime à penser qu’il n’est pas nécessaire de s’y soumettre.

    Bonne soirée à tous (ouille ! j’ai bcp écrit ! )

  5. Ben dis donc, elle fait débat, cette vidéo ! Stéphane, je suis tout à fait ta ré-analyse de la vidéo, notamment sur le fait de proposer magnanimement aux gens une liberté qu’ils ont déjà. Par contre, je trouves que tu y vas fort lorsque tu tires des conclusions identitaires sur le genre de coach qu’est hypothétiquement Gwen à partir de ses propos. Mais pour pousser le bouchon, la question que je,me pose surtout est qu’à partir du moment où la liberté individuelle est érigée en valeur prioritaire, quel espace et quelles méthodes restent t-ils légitimes et ouverts à l’activisme social ? est-ce que nous ne baissons pas les bras au nom de l’individualisme, ne devenons pas des soldats bien-pensants de l’individualisme, et vilipendons les tentatives maladroites pour créer des communautés réelles (en marge des amitiés ripolinées et rassurantes de Facebook) et “réveiller” la capacité des gens à réhistoiriser leur vie… ? Si ce post fait débat, c’est qu’il pose en effet une question centrale au coaching, mais aussi à l’action politique.

  6. Chère Gwen,

    Je comprends ton invitation à regarder cette séquence sous un angle différent et je la respecte. Je la trouve d’ailleurs courageuse et profitable. Courageuse parce qu’il est moins facile d’adopter une position qui résiste à la pression de se conformer à la majorité et profitable parce que c’est grâce à ces prises de position courageuses qu’il est possible de prendre conscience d’un rôle que parfois nous jouons à notre insue.

    J’ai donc revu cette vidéo et ce que j’ai écris en acceptant ton invitation et en devenant plus vigilant à d’éventuels biais de perception. Conclusion : je confirme ce que j’ai déjà écris, y compris l’utilisation du qualificatif despotique.

    Pour préciser comment j’en suis arrivé à cette conclusion je rebondis sur ce que tu écris dans le passage suivant :

    ”Dans ce cas, peut-être verrais-je (entendrais-je) que le jeune homme propose dès le début de son intervention à toute personne qui le souhaite de quitter le wagon et qu’en aucune manière il n’empêche qui que ce soit de partir (les portes s’ouvrent à chaque station)”

    Selon mes principes c’est parce que le jeune homme fait cette proposition qu’il se comporte de façon despotique. 

    Le wagon est un moyen de locomotion collectif qui se distingue par exemple de nos jambes qui sont également un moyen de locomotion sauf que nos jambes n’appartiennent qu’à nous, nous en sommes les seuls gouvernants, ou les seuls souverains puisque je vais réutiliser ce mot. Le wagon de métro n’est pas un moyen de locomotion individuel, il est partagé par une communauté de personnes qui font le choix d’utiliser ce moyen de locomotion et le font en acceptant les règles et les usages créés pour le bien être supposé de la communauté des usagers, dans tous les cas selon un mode de gouvernance particulier.

    Confondre la jouissance individuelle et la jouissance collective est un acte despotique car il fait passer les usagers du statut de pairs, statut dans lequel chacun à son mot à dire, à celui de sujets devant se soumettre aux désirs d’un seul de ses membres, par exemple celui d’interdire d’écouter de la musique individuellement ou la lecture de journaux gratuits. 

    Ce passage d’un mode de cohabitation dans lequel chacun est un citoyen de même rang dans le wagon, à celui dans lequel une personne,  quatre personnes dans cette séquence, décide pour l’ensemble de la communauté, c’est une prise de pouvoir. Le pouvoir qui est pris, c’est le pouvoir de chaque usager de décider lui-même de ce qui est bon pour lui de faire en ce lieu : écouter de la musique, lire un journal gratuit, écouter la conversation de ses voisins, dormir, rêver, etc

    Ce changement de régime s’effectue sans demander aux usagers leur accord. C’est donc une prise de pouvoir autoritaire : les usagers de ce wagon n’ont plus d’autres choix que de se soumettre à cette nouvelle gouvernance ou de se démettre et y perde de leur souveraineté individuelle.

    Proposer à qui le souhaiterait de quitter le wagon comme le fait notre jeune homme et comme tu le rappelles à très juste titre, c’est donc un acte despotique si je me réfère à la définition de ce mot. Bien entendu c’est un acte despotique qui reste à l’échelle du nombre de personnes qui se trouvent dans ce wagon et des libertés dont ce comportement les prive.

    Mais leur laisser ce choix est un acte despotique même s’il pourrait passer pour un acte magnanime puisque la liberté d’entrer et de sortir dans un wagon au gré de nos plaisirs est une liberté qui existe déjà pour les usagers. 

    La leur proposer c’est donc oublier que les personnes présentes dans ce wagon en jouissent déjà, effectivement rien ne les force jamais à rester dans un wagon s’ils souhaitent en sortir mais rien ne les oblige à se soumettre aux désirs d’un jeune homme s’ils ne le souhaitent pas. Comme cette liberté d’entrer et sortir d’un wagon existe déjà, quand on y pense quelle aubaine, le choix proposé par ce jeune homme est destiné à tromper son monde sur la réalité de ses intentions : vous êtes libres de ne pas accepter ma prise de pouvoir leur dit-il en substance. 

    Or se soumettre ou se démettre n’est pas un choix puisqu’il prive les usagers de quelque chose dont ils jouissait, exemple écouter de la musique individuellement, et propose comme contrepartie quelque chose dont ils ont déjà la jouissance, entrer et sortir dans le wagon de leur choix, ce qui est aussi respectueux de leur souveraineté que de proposer de choisir l’endroit où on voudrait recevoir un coup de pied aux fesses.

    La plus lointaine origine du mot coach est un moyen de transport par voie terrestre du 15ème siècle, c’est aussi l’ancêtre de la voiture et d’une certaine façon c’est aussi l’ancêtre des transports ”en commun” : l’analogie avec le coaching est très adaptée.
    Si le coaching est un moyen de transport et que le coach est celui à le rôle de conduire un ou des passagers est confié, dans quelle mesure ce ”cocher” peut-il décider à la place de son client s’il a raison de se rendre à la destination de son choix, de s’y rendre en empruntant le chemin et les étapes qu’il a choisi, voire de le faire en utilisant les cartes routières et les guides touristiques de son choix.

    Le genre de coach que tu décris se donnerait donc ce pouvoir, et il le ferait au nom de son autorité et de ce que cette autorité apportera à l’efficacité du voyage. J’ai décidé d’être un autre genre de coach. nous sommes des coachs différents et je ne crois pas que ma manière d’être coach se compare à la tienne et inversement. Se livrer à cette comparaison créerait entre nous des parois de séparation basées sur le postulat qu’il existerait une seule vraie bonne façon d’être un cocher, (la mienne si possible).

    Mon client sera donc souverain en ce qui concerne le choix de sa destination, celui de ses cartes et celui des étapes par lesquelles il souhaite se rendre pour arriver à destination et c’est en relation avec les principes et les valeurs qui inspirent ce choix que je prenais position mais je le fais tout en reconnaissant aux autres façon d’être coach le respect et la considération que je leur dois, soit autant que celle que je m’accorde à moi-même.

    Bye

  7. Je rejoins le commentaire de Gwen. Merci d’essayer de voir les aspects positifs.
    Oui le procédé est sujet à critique. Cependant, lees gens sont libres de quitter le wagon et il demeure l’initiative, l’expression d’une forme de “résistance”, l’invitation à réfléchir, à prendre du recul. Peut-être qu’un ou deux voyageur sera reparti avec un regard différent et le début d’une réflexion.

    Oui à l’humilité, la légèreté et la simplicité! Qui peut prétendre être totalement décentré dans une conversation avec un client?…
    Oui à l’imperfection! sinon, comme l’écrit Pierre la “police narrative”n’est pas très loin..

  8. Je trouve très intéressantes les remarques de Stéphane et ses réflexions sur la posture du coach, nécessairement pleine d’humilité : qui suis-je pour me croire « expert » de ce qui est bon pour l’autre ? Les bonnes intentions ne suffisent pas à justifier cette position haute.
    Cette video en revanche m’a fait froid dans le dos, et je n’y ai rien trouvé d’enthousiasmant. J’ai trouvé le comportement de ces jeunes très agressif, là encore sous couvert de bonnes intentions. Pour moi il s’agit d’un abus de pouvoir fondé sur la peur toujours présente dans le métro, personne n’osant résister à quoique ce soit pas peur des conséquences. Et personnellement je détesterais que quelqu’un m’interdise de lire mon journal (tout gratuit qu’il soit) ou d’écouter de la musique au nom de sa vision de ce que doit être le bonheur…ça me rappelle de fâcheux précédents !

  9. Oui, tu as raison !!! C’est Sylar tout craché ! Mais je ne sais pas si les gens dans le métro ont vraiment “envie” d’être tristes et solitaires, ou bien s’ils subissent les effets d’un contexte et de prescriptions relationnelles dominantes sur le sujet…

  10. Merci de ce contrepoint nécessaire qui pose la question de faire advenir les choses. Mais qu’en est-il de la demande du coaché ? Coacher sans demande ? Ou faire émerger une demande latente ? Et en fonction de quelle grille de lecture ? Ma première réaction face à la vidéo était très enthousiaste, le malaise s’est instillé ensuite, dans un deuxième temps, quand je me suis demandé ce que j’aurais ressenti non pas comme spectateur de la performance mais si j’avais été moi-même dans le wagon…

  11. Hello! Puisqu’on est à NY…Je n’ajouterai à vos commentaires qui me parlent tous que ceci: après quelques minutes de jubilation liées à l’effet gag de la démonstration, j’ai trouvé le procédé lourd et effectivement autoritaire. Le bonheur ne se décrète pas à coup de porte-voix, dans l’arrachage de journaux gratuits qui au moins garantissent une forme d’ouverture des individus à leur environnement et, pour beaucoup, une forme de lecture. Moi qui ai diligemment enseigné ces “romans classiques” que recommande notre leader à porte-voix quand j’étais prof, je me demande si s’enfiler Madame Bovary, Le Voyage au bout de la nuit ou Anna Karénine entre la station Chatelet et Gare de Lyon du RER est vraiment une porte sur le bonheur… et un gage d’équilibre, sinon d’adaptation au milieu.
    Enfin le même leader décrétant l'”eye contact” à tout va, je ne peux m’empêcher de frémir. Heureusement que les yeux des gens dans ces espaces ne se rencontrent pas ou peu! Ils se battraient sinon, et ce n’est pas un pessimisme morbide qui me fait dire cela. Simplement autre chose qui prête à ces métros et autres RER une ambiance lourde, pesante, aux relents funestes qui n’est pas que liée au gens qui y passent. Donc oui pour changer les choses, non pour cette stigmatisation facile via la prise de leadership sauvage.
    Amitiés à tous,

    Florence

  12. Je n’aime pas non plus le terme “Police de l’amour” et son ambiguïté, néanmoins je trouve la propagande dans laquelle nous vivons insupportable. Même si j’en conviens aisément le procédé va à l’encontre du message diffusé -le deuxième intervenant notamment est assez agressif et liberticide; j’ai goûté pour ma part la part subversive de ce message. J’ai particulièrement apprécié la tirade contre les journaux gratuits qui ont fait grand tort à la presse et qui sous le prétexte de la liberté d’accès de l’information au plus grand nombre mettent à mal l’un des garants de notre fragile et embryonnaire démocratie.

  13. Et si on regardait cette initiative pour ce qu’elle est (aussi) : un évènement inattendu, surprenant, disruptif dans nos habitudes et nos conditionnements ?

    Et si avant de s’interroger sur les autres, on s’interrogeait d’abord sur nos premières réactions face à l’évènement (la colère pour certains, le malaise ou l’analyse intellectuelle pour d’autres) ?

    Et si ces premières réactions qui se rattachent toutes à du connu, nous empêchait de “voir réellement », de voir « autre chose » ?

    Voir que c’est peut-être très exagéré de parler de “prise de pouvoir absolutiste” ou de “despotisme” devant un évènement qui consiste à prendre un porte-voix dans le métro pour un petit numéro plutôt potache qui sort pendant un bref instant les gens de leur torpeur. Pas plus “despotique” que de prendre une guitare et chanter dans l’espace publique (comme cela arrive fréquemment dans le métro à Paris).
    Ne peut-on aussi accueillir ce qui est et que l’on a pas explicitement « demandé » sans colère, sans jugement, sans en faire un drame ? De temps en temps, se départir de l’ego et de la tyrannie de « ma demande” à « moi » que je clame, que je porte en bannière, que j’oppose avec force, avec hargne à la réalité. Certes, les voyageurs n’ont rien demandé, et alors ?

    Dans ce cas, peut-être verrais-je (entendrais-je) que le jeune homme propose dès le début de son intervention à toute personne qui le souhaite de quitter le wagon et qu’en aucune manière il n’empêche qui que ce soit de partir (les portes s’ouvrent à chaque station) ;

    peut-être verrais-je qu’il n’ « use pas de la force » pour prendre le journal, qu’il le demande avec insistance et que le voyageur finit par lui donner. Tout comme le coaché finit, parfois, par répondre aux questions qu’il voulait peut-être au début éviter. Qui est responsable de l’acte ? Celui qui demande (avec autorité certes) ou celui qui accède à la demande et cède à cette autorité ? Qui peut prétendre ne se soumettre jamais à aucune autorité ? N’y-at-il pas des autorités bénéfiques, salutaires ? Etre libre, est-ce ne jamais se soumettre à aucune autorité ? mais dans ce cas, qu’en est-il de l’autorité à laquelle intérieurement je consens quand j’accorde ma confiance parce qu’elle élève mon âme ?

    Et si les coachs retrouvaient un peu d’humilité, de simplicité et de légèreté ?

    Gwen
    Consultante – Coach

  14. J’ajouterais que le choix de leur nom indique leur posture : POLICE.
    J’ai du mal à faire retomber ma grande colère… et ma peur face à la faiblesse ou inconscience des gens vis à vis des prises de pouvoir absolutistes.
    Dites-moi que je ne suis pas seule !

  15. Ce qui m’effare, c’est comment, quelles que soient les idées, les gens se laissent embarquer et recruter sans en savoir beaucoup plus. Il y a des antécédents très graves et tellement moins drôles. Cette video montre, sous le couvert de messages drôles et humanistes, une réelle violence, un violence insupportable, à laquelle, personnellement, j’aurai répondu violemment : personne ne m’aurait fait lâcher mon journal, ni quitter le wagon. C’est quoi, ces donneurs de leçons, ces fascistes du sourire et du bonheur ?
    Tous vos commentaires sont bien vus. Je suis encore plus radicale car touchée dans ce qui est le plus précieux pour moi : ma liberté de lire un journal et de décider moi-même ce que j’en retire ou pas.
    j’en ai des frissons dans le dos de voir les gens adhérer aussi facilement.

  16. Je suis entièrement d’accord avec vos points de vue… Ils ont un peu trop un comportement de dictateurs pour moi ! Les gens ont le droit d’être tristes et solitaires dans le métro s’ils en ont envie, bien que l’intention de départ soit effectivement sympa.

    Je tiens également à ajouter que le jeune-homme qui parle au micro (le brun) ressemble très fortement à Silar de la série Heroes et que je n’ai donc pu lui trouver aucune sympathie ! 😉

  17. Tu exprimes parfaitement l’ambiguïté que j’ai ressentie en visionnant cette vidéo, la jubilation initiale étant remplacée progressivement par un sentiment de malaise croissant inhérente aux jeux de pouvoir que tu analyses très bien. Je trouve que tu a raison d’insister sur la « déclaration de position », qui est le nom que Michael White a donné à cette carte narrative trop souvent désignée par « carte d’externalisation », un nom qui nous rappelle que la vie du client et l’avis du client sont bel et bien au centre de la conversation. Stephen Madigan Nous a fait toucher du doigt en septembre dernier, lorsqu’il est venu en France, que les praticiens narratifs en tant que groupe produisent eux aussi une conformité et que cette conformité, même si elle est fondée sur des valeurs « sympas » peut très facilement s’ériger elle aussi en discours culturel dominant, conduisant les gens à décider de ce qui est « narratif » ou « pas narratif » et de ce fait, disqualifier des pratiques minoritaires qui ne seraient pas alignées ou pas conformes. De telles dérives ont été observées dans la quasi-totalité des mouvements de psychothérapie au fur et à mesure qu’ils se développaient. Il nous appartient je pense de rester vigilants à ne pas devenir bien laisser s’installer une « police narrative » !

  18. Bonjour,

    L’enfer, c’est bien connu, c’est les autres, jamais soi-même, et cet enfer, c’est autant connu, est toujours pavé de bonnes intentions.

    En rentrant chez eux ces trois militants, quatre avec la personne qui les filme, seront probablement fiers de leur journée. Ils se féliciteront certainement d’avoir apporté quelques rayons rayons de soleil dans la vie triste de ces usagers du métro new-yorkais. Peut-être que certains de ces usagers seront du même avis.

    Pourtant il s’agit selon moi d’une initiative à caractère despotique, par exemple usage d’un porte voix pour se faire entendre au-dessus des autres voix, et de censure, par exemple interdire la lecture de journaux gratuits en usant de la force, retirer le journal des mains en méprisant l’opinion de l’usager qui a entrepris la lecture de sa feuille de chou.

    Je les trouve donc certes sympathiques ces militants qui ont le sentiment d’avoir agit pour une bonne cause quand ils ont violé un espace collectif, le wagon, et y ont installé leur propagande et leurs règles sans jamais demandé aux personnes présentes leur consentement préalable mais je désapprouve sans réserves leur comportement.

    Excellente idée que celle d’avoir utilisé cette anecdote pour nous interpeller dans notre pratique du coaching. Combien de fois notre avidité à vouloir faire le bien de nos clients nous a-t-elle fait oublier que seuls ses rêves, ses désirs, ses buts et ses espoirs devraient sceller notre relation avec lui ?

    Dans mon cas c’est déjà arrivé et je l’ai regretté. Si je désapprouve ces militants de l’amour qui s’inflige c’est sans doute parce que je me sais capable de me comporter de la même manière quand pourtant je suis fermement décidé à ne pas être ce genre de coach : regarder du côté de que l’on déteste peut réserver ce genre de surprise inconfortable mais salutaire puisqu’elle est l’occasion de me rappeler au coach que j’espère être.

    J’espère être un coach qui demande aussi souvent que possible à son client si ce qu’il fait répond au but et aux espoirs de son client. J’espère fournir suffisamment d’efforts pour mettre en oeuvre ma charte de déontologie dont le respect évite ces pratiques manipulatoires contre-productives que je désapprouve. Et j’espère de la supervision qu’elle m’aide à rester ce genre de coach.

    Me voilà donc transporté par cette vidéo dans le domaine de ma pratique du coaching et à l’éthique de ce métier et des pratiques narratives, par exemple pour éviter d’être un coach qui remplace l’histoire dominante de son client avec son propre discours, aussi noble, charitable et pertinent soit-il à ses yeux.

    Dans la conversations d’externalisation du problème figure une étape qui illustre ce souci éthique cher à mes yeux : la déclaration de position. Demander à un client sa position, sa conviction, devant les conséquences de problèmes aussi graves que ceux pour lesquels les client consultent un thérapeuthe, encoprésie, schyzophrénie, tentatives de suicide, etc, donc leur demander si éventuellement ils pourraient trouver positive l’influence de ces problèmes dans leur vie, c’est la seule façon de ne pas préjuger de ce que ces clients en pensent par eux-mêmes, pour eux-mêmes.

    Quand j’ai découvert et compris comment et pourquoi Michael White avait créé cette étape dans la conversation d’externalisation je me souviens avoir ressenti une grande admiration pour le souci éthique que cette décision avait du traduire. J’ai pensé que ça valait le coup de le prendre en exemple pour la pratique du coaching.

    Voilà. Réponse un peu longue, désolé, mais vos question sont d’une grande portée : merci de les avoir posées.

    Bien à vous,

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