Par Serge Mori*
Il existe une joie élémentaire de l’univers humain, dont on assombrit l’horizon chaque fois que l’on prétend être quelqu’un ou l’on sait quelque chose.
Quelques rares thérapeutes l’ont compris. Marginaux, ils concentrent leur effort vers un seul but : peser le moins possible, n’alourdir la thérapie que d’une très fine, très légère rosée. Ils creusent un abîme entre un savoir lourd embaumé dans les mots et les figures de style. Je qualifie ces rares thérapeutes comme étant exceptionnels, seuls aptes à nous faire revenir à un état d’innocence primesautière ; ils s’adressent à nous d’une région de l’âme qui n’aurait pas connu le péché ni éprouvé le mal dispersé dans le monde des mots. Ils soignent comme on respire, comme on vit, au rythme des jours et des nuits, des joies et des chagrins, d’une région intérieure bruissante de rires, de voix de femmes, d’arbres odoriférants, de toutes les choses simples et douces sorties de la main de l’Homme.
Ils écrivent leur enchantement du monde, qui suffit au nôtre, dans le plus simple appareil d’une langue limpide, totalement offerte qui musarde tout au long des échanges. Ils ne pratiquent pas pour compliquer la vie mais pour nous la rendre touristique, au sens où ce sont des voyageurs de la vie qui ne courent jamais après leurs tourments mais qui laissent venir à eux les paysages de l’existence. David EPSTON est de ceux-là, sans doute le plus grand de nos thérapeutes.
Pour célébrer à sa façon la mémoire de Michael WHITE, EPSTON s’est proposé de narrer sa rencontre avec lui. Ce binôme, c’est la tradition de la cavalerie légère, et nous devons éviter qu’elle tombe un jour en désuétude !
C’est pour préparer l’avenir qu’EPSTON s’est donné le loisir de flâner durant ces trois journées à Bordeaux. Flâner, un de nos plus jolis verbes, à mon goût, qu’il faudrait réhabiliter dans notre univers de hargne, de hâte et d’impatience, où l’existence quotidienne se doit de revêtir des allures rythmiques de championnat. EPSTON narre les choses comme il vit, nul doute que là est son charme. Il ne quitte jamais ses façons de promeneurs dans ces cartes du monde. Il me paraît explorer son époque comme un touriste distrait qui néglige de faire le compte des jours et découvre, à la fin, qu’ils se sont enfuis sans l’avertir.
Des expressions de vieux mousquetaires, des mots qui, lorsqu’ils viennent à notre esprit, veulent dire que le temps nous a rattrapé et dévisagé. EPSTON s’efforce, jusqu’au bout, de narrer encore, avec les moyens qu’il a coutume d’employer. Ce faisant, par ce choix original et fulgurant de créativité, il nous offre tous les charmes de la thérapie « flâneuse ». Les rêveries se mettent à l’aise. Les pensées n’obéissent qu’à leur désordre naturel ; nulle neuro-cognition ici, rien ne les presse : la mort même attendra, même si elle maugrée contre l’insouciance humaine… Et EPSTON de nous donner une vraie leçon de tourisme narratif et existentiel ou de savoir vivre. EPSTON a adopté peu à peu l’habitude « paresseuse » de laisser venir à lui les paysages, au lieu de leur courir après.
Il nous fait connaître sa définition de la thérapie narrative, un vrai soufflet pour les travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres, thérapeutes et coach. Simple, étonnant, prodigieux. Il peut aussi s’émerveiller devant une boussole, souvenir d’un don de la part de son père pour mieux se repérer dans ces cartes diverses et variées. La même boussole qu’il a égarée et que Pierre BLANC SAHNOUN lui offrira à la fin de ces 3 journées, accompagnée d’une jolie carte de Bordeaux (lieu de la master class).
Ce qui attire par-dessus tout EPSTON c’est la drôlerie tendre de la vie, lorsqu’elle oublie de se croire importante.
EPSTON est un PONTE(S), cette anagramme lui va bien.
Il a, durant ces 3 jours, animé nos neurones et stimulé notre créativité et pour ma part cela m’a permis d’associer les thérapies narratives à un film « retour vers le futur » réalisé en 1985 (date de la rencontre de WHITE et EPSTON, fondateurs des thérapies narratives. Curieux hasard n’est-ce pas ?)
Je vous propose un voyage dans « le temps et récit » mais avant un résumé du film « back to the futur » est nécessaire pour le développement de mon propos.
Synopsis : « Marty Mac Fly est jeune garçon de 17 ans fan de skate board et de guitare rock dont il veut faire le métier. Sa vie familiale reste cependant assez lugubre avec un oncle en prison, Lorraine une mère alcoolique, George un père réservé et aux ordres de son ignoble patron Biff qui abuse de lui. Marty compense ces problèmes en visitant régulièrement un de ses vieux amis: le scientifique Doc Emmett Brown. Celui-ci lui donne rendez-vous un soir pour lui montrer une de ces nouvelles inventions: la machine à voyager dans le temps, qui n’est autre qu’une Delorean. Alors qu’il faisait le plein de plutonium nécessaire pour son voyage dans le futur, Doc est attaqué et tué par des libyens auxquels il avait volé le dit plutonium. Marty ne peut que s’échapper avec la voiture et est envoyé dans le passé en 1955, date de la découverte de la machine à voyager dans le temps. Il y rencontre par hasard son père et le sauve d’une collision avec une voiture. Malheureusement, c’est cet accident qui devait aboutir à la rencontre de ses parents, puisque le conducteur est le père de Lorraine. Marty rencontre Doc de 1955 pour l’aider à retourner en 1985. Ce dernier lui propose de canaliser l’électricité d’un éclair qui, on le sait, s’abattra sur l’hôtel de ville à 10h04 précisément. Mais Marty doit quant à lui résoudre le problème de ses parents et les force à se rencontrer lors de la soirée dansante des Sirènes. Son stratagème aboutit finalement par un heureux hasard au triomphe de George qui assomme Biff Tannen d’un coup de poing mémorable, et qui au passage conquiert le coeur de Lorraine. Marty est ensuite renvoyé vers le futur grâce à l’idée de Doc. De retour du passé, Marty cherche à sauver Doc de la fusillade avec les libyens. Ce dernier porte en réalité un gilet par-balle suivant ainsi les conseils que lui avait donné Marty dans une lettre remise en 1955. Mais le jeune garçon n’est pas au bout de ses surprises puisqu’il découvre en quelque sorte une nouvelle famille: sa mère n’est plus sous la domination de l’alcool, son père est sur de lui, et donne les ordres à Biff, qui n’est plus qu’un vulgaire détaillant en automobile. Doc revient soudainement dans la vie de Marty et l’invite à voyager vers le futur pour des raisons familiales: l’histoire est loin d’être terminée… »
Nous vivons des évènements et nous rencontrons des personnes, des choses et des objets. Tout ceci constitue des récits de vies, des narrations où l’on passe d’un cycle de récit de vie à un autre dans une temporalité passé, présent, futur, où le futur devient passé, le présent devient futur et où le passé peut devenir un présent à venir (avenir…). Ce voyage dans le temps n’est possible qu’à partir du récit et je trouve que le film voyage vers le futur est une belle métaphore des approches narratives et de l’ouvrage d’un philosophe Paul RICOEUR qui a consacré une partie de son œuvre à cette question de la temporalité dans ses écrits « Temps et Récits ».
Je ne développerai pas ici la pensée trop complexe de Ricoeur mais je terminerai par une de ses citations pour illustrer mon propos : « le temps devient temps humain [temporalité] dans la mesure où il est articulé sur un mode narratif, et que le récit atteint sa signification plénière quand il devient une condition de l’existence temporelle ».
Nous pouvons voyager dans le temps sans machine par le biais des « conversations de Re-groupement » par exemple. (« L’expression « re-membering conversations » est un jeu de mots sur le verbe « to remember » qui signifie « se souvenir » et que l’on pourrait aussi traduire par « regrouper des membres, des adhérents ». Les conversations de re-groupement ne sont pas des évocations passives de souvenirs mais des réengagements déterminés dans l’histoire des relations d’une personne avec les personnages significatifs de sa vie présente et de sa projection d’avenir ».
Nous pouvons constater que notre rapport au temps dans les approches narratives n’est pas linéaire mais bien circulaire. Une image me vient à l’esprit pour illustrer ces cycles de récits de vie, ces cartes du monde et au fond ce voyage dans le temps et la narration :
Merci, merci à la Fabrique Narrative, merci à Pierre et son équipe et surtout un grand merci à David EPSTON.
Cette MASTER CLASS continue à éveiller ma créativité et ouvre encore un champ des possibles…
*Docteur en psychologie clinique et psychopathologie
Enseignant associé aux universités
Officier de la Réserve Opérationnelle du Service de Santé des Armées
Directeur du MCP
Mouvement Clinique et Psychothérapies
Thérapeute Narratif
Je découvre avec plaisir et curiosité une nouvelle approche thérapeutique; les thérapies narratives. Récits, histoires, parcours, itinéraires construits et déconstruits dans une temporalité psychique. Des narrations qui se déploient à travers l’écoute et le questionnement du clinicien. “Une invitation au voyage”, la découverte de nouveaux paysages, merci à Serge Mori de m’initier aujourd’hui à cette nouvelle pratique.
Sylvia Wesling
Psychologue
Aix en Provence
Belle légereté dans l’écriture comme en thérapie
Merci de nous transmettre tout cela
Belle légereté dans l’écriture comme en thérapie
Merci de nous transmettre cela
Depuis ma rencontre avec Serge Mori, ma pratique clinique est entrée dans le monde de la narration.
Nous sommes nés dans cet univers de la narration, qui nous façonne sans en avoir toujours conscience.
Dans la construction de ce que l’on nomme notre “identité”, nous voyageons souvent avec les bagages des autres et, arrive un jour où ces bagages dépassent le poids autorisé, nous questionnant ainsi sur la suite du voyage.
La narration, par l’invitation au voyage dans le temps, à la déconstruction et la reconstruction, permet de faire un tri dans des représentations parfois lourdes de sens qui aliènent et enferment.
Ce remaniement de l’identité par la narration me semble possible grâce au travail du “narracteur” comme le nomme Serge, et à une éthique du clinicien, qui préexiste à toute technique thérapeutique.
Laisser son “Ego au vestiaire”, comme il dit, ou devenir “soi-niant” – dans une autre compréhension que celle de Jacques Salomé – , dans l’ici et le maintenant de la rencontre avec l’autre, est pour moi le sens de la “neutralité bienveillante”.
Une posture où la neutralité n’est pas absence et silence, mais changement de place ; où l’on abandonne pour un temps, dans une perspective Nietzschéenne et nihiliste, ses propres valeurs privées qui placent souvent les hommes en posture de “juré” comme le précise Michel Foucault, pour prendre une place qui semble souvent manquante dans notre société, de celui ou celle qui ne SAIT PAS, qui tente de comprendre et qui ne peut donc plus juger !
Ne pas savoir implique de questionner. Toute la place est ici laissée à notre créativité. La “questiologie”, pour reprendre le terme de Frédéric Falisse, est un art qui démontre notre intérêt pour l’autre et notre amour de clinicien pour la rencontre et la découverte.
Merci encore à Serge, de m’avoir invitée à voyager avec lui sur ce chemin avec des bagages légers et des points de croisements multiples et variés…
Merette FARD
Psychologue clinicienne/Formatrice
Thérapeute narrative
Aix en Provence
Depuis ma rencontre avec Serge Mori, ma pratique clinique est entrée dans le monde de la narration.
Nous sommes nés dans cet univers de la narration, qui nous façonne sans en avoir toujours conscience.
Dans la construction de ce que l’on nomme notre “identité”, nous voyageons souvent avec les bagages des autres et, arrive un jour où ces bagages dépassent le poids autorisé, nous questionnant ainsi sur la suite du voyage.
La narration, par l’invitation au voyage dans le temps, à la déconstruction et la reconstruction, permet de faire un tri dans des représentations parfois lourdes de sens qui aliènent et enferment.
Ce remaniement de l’identité par la narration me semble possible grâce au travail du “narracteur” comme le nomme Serge, et à une éthique du clinicien, qui préexiste à toute technique thérapeutique.
Laisser son “Ego au vestiaire”, comme il dit, ou devenir “soi-niant” – dans une autre compréhension que celle de Jacques Salomé – , dans l’ici et le maintenant de la rencontre avec l’autre, est pour moi le sens de la “neutralité bienveillante”.
Une posture où la neutralité n’est pas absence et silence, mais changement de place ; où l’on abandonne pour un temps, dans une perspective Nietzschéenne et nihiliste, ses propres valeurs privées qui placent souvent les hommes en posture de “juré” comme le précise Michel Foucault, pour prendre une place qui semble souvent manquante dans notre société, de celui ou celle qui ne SAIT PAS, qui tente de comprendre et qui ne peut donc plus juger !
Ne pas savoir implique de questionner. Toute la place est ici laissée à notre créativité. La “questiologie”, pour reprendre le terme de Frédéric Falisse, est un art qui démontre notre intérêt pour l’autre et notre amour de clinicien pour la rencontre et la découverte.
Merci encore à Serge, de m’avoir invitée à voyager avec lui sur ce chemin avec des bagages légers et des points de croisements multiples et variés…
Bejaoui, nous serons ravis de rencontrer / d’échanger avec / des collègues du Maghreb, les idées narratives ont tellement à apporter là bas, tout comme elles le font déjà en Afrique de l’Ouest !
Merci Maxime. C’est vraiment sympa. C’est très intéressant de voir apparaître toute cette communauté d’une incroyable richesse autour de Serge, depuis la jonction Aix-Bordeaux.
Cher Serge,
Cher monsieur Pierre Blanc-Sahnoun,
bravo à vous deux pour ce vif et intéressant échange autour de vos pratiques et merci à monsieur Blanc-Sahnoun pour l’accueil de nos propos sur son blog.
Coach ou clinicien ? Seule la qualité de la pratique fait la qualité du praticien, le reste n’est que littérature (universitaire).
Amicalement,
Dr. Maxime BELLEGO
Enseignant Paris VI Faculté de Médecine de La Pitié-Salpétrière
Chercheur Associé à la London School of Economics, UK
Président du M.C.P.
Puisque l’on peut convoquer tous les temps et flâner au présent pour accueillir le passé, alors je m’immerge dans ce dernier pour ressusciter un fragment de pensée rédigé par un voyageur magnifique qui a su, mieux que quiconque, évoquer des récits initiatiques et des rêveries poétiques. Les Thérapies Narratives conquièrent liberté de ton et liberté de pensée pour que les “Healers” s’autorisent créativité et légèreté ; durant un instant, Antonin Artaud s’invite à leur table pour chuchoter à l’oreille de ces derniers quelques mots essentiels qui ne sont ni vérité, ni absolu…. juste de la Matière :
“On me parle de mots, mais il ne s’agit pas de mots, il s’agit de la durée de l’esprit.
Cette écorce de mots qui tombe, il ne faut pas s’imaginer que l’âme n’y soit pas impliquée. A côté de l’esprit il y a la vie, il y a l’être humain dans le cercle duquel cet esprit tourne, relié avec lui par une multitude de fils…..”
On peut imaginer qu’au sein de cette Fabrique narrative existe une multitude de fils.
Raphaële Nakhechkerian
Thérapeute Narratif
Médiatrice
Cette première journée francophone de thérapies narratives a été, pour moi, une superbe occasion de rencontrer les intervenants et les participants et d’apprécier leurs qualités humaines et scientifiques.
L’intérêt suscité par les sujets traités et les questions soulevées, la richesse des échanges et encore l’engagement et la qualité d’intervenants venants d’horizons et de lieux divers témoignent de l’ouverture et de la pertinence épistémologique et praxéologique de l’approche narrative. Cette journée a été un succès.
Un grand merci à Serge Mori de m’avoir initié à cette approche et de m’avoir invité à ce « village thérapeutique ». J’en suis reconnaissant.
Que d’excellents souvenirs et d’agréables rencontres que je tâcherai de retrouver, quand l’occasion se présentera. Peut-être un jour à Tunis où étudiants, enseignants et professionnels sont de plus en plus intéressés par l’approche narrative.
A bientôt
Moez Bejaoui
Maître de Conférences en Psychologie Clinique et Psychopathologie
Faculté des Sciences Humaines et Sociales – Université de Tunis
Merci Serge pour ces si belles lignes, qui nous amènent quelque part aux confins des mots, territoire de la narration poétique, là oû règne l’innocence créatrice du verbe. Je ne peux pas ne pas évoquer ici ce prince de l’écriture qu’est Christian Bobin, dans “l’autre visage”, il nous dit: “Chez nous-autre territoire-, la parole n’est pas comme chez vous une partie du monde, une ile deserte dans l’ocean du silence, chez nous la parole est plus que le monde, plus que le ciel et le soleil. Elle est comme un petit morceau de dieu coincée entre les dents. On ne la déloge qu’avec prudence et seulement pour les grandes occasions. Quand l’un d’entre nous est atteint de langueur, il va chez son ami, il emmene avec lui une paille de chaise, il s’assied, il reste là, d’abord sans dire un mot, puis il raconte, le temps d’un jour, le temps d’une nuit, le temps d’un soleil, puis d’un autre soleil, jusqu’à ce que la langueurs’en soit allée de lui. Alors, il se lève, ramasse sa chaise de paille et s’en retourne à ses affaires.” A un futur proche…Michèle Thébault
Enquêtes de constructions et déconstructions, les thérapies narratives sont effectivement des voyages entre passé, présent et futur.
Le retour vers le futur, pour reprendre votre référence cinématographique, ne serait donc pas une modification des événements passés, présents ou futurs mais une modification de la perception et de l’appréhension de ceux-ci. Alors l’essence même des thérapies narratives resterait le voyage et ce que l’on en fait. A condition toutes fois, de bel et bien flâner (non pas errer) et rencontrer cet éclair permettant d’accéder à autre chose, cet éclair qui propulsera vers de nouvelles aventures, qui propulsera vers la vie.
Cher Serge
La narration,l ‘écriture encore et toujours .L ‘explosion des mots tel un repas gastronomique ou les papilles gustatives s ‘en souviennent à jamais .Le plaisir de la table et l’art de la thérapie .
Séverine Derassse
Kinésithérapeute Ostéopathe Epicurienne
Nous sommes ravis de voir des personnes de cette belle communauté narrative d’Aix publier sur ce blog ouvert à tous-tes les passionné-e-s.
À maintes reprises l’on m’a interpelée lors de mes études sur le choix du chemin à prendre, je brodais un quelque chose ne sachant trop quoi répondre à mes pairs. Jusqu’à ce jour du début de l’année 2010 où j’ai rencontré (c’est encore une histoire de rencontre) Serge Mori et son indéfectible passion pour la narration et les histoires de vie.
Ma créativité qui s’était endormie, assombrie, enfermée dans le carcan de l’Université qui l’avait laissée le souffle coupé, s’est enfin réveillée, révélée et surtout libérée…
Mille mercis.
Les pratiques narratives… Toute une histoire !
C’est une “invitation au voyage” -un peu différente de celle de Baudelaire dirons nous- mais bordelaise (Master Class) qui vaut le coup comme a pu nous le raconter Serge lors de notre formation aixoise des “Thérapies Narratives”.
Je terminerai ce post par ces quelques mots que j’ai eus le plaisir d’échanger avec une jeune fille que je reçois en libéral :
« C’est bizarre cette technique, je ne pensais pas que ça pouvait se passer comme ça ! »
T « Que veut dire bizarre pour vous ? Quel effet cela a sur vous ? »
« Vous me questionnez autrement. Je peux être créative et d’habitude c’est que lorsque je suis seule chez moi que je peux faire ça, là ça m’aide à vous dire des choses, d’autres choses. C’est bizarre comme moi ! »…
Marine Halleguen
Psychologue clinicienne
Thérapeute Narratif
Coordinatrice du Mouvement Clinique et Psychothérapies
Aix en Provence
Cher Serge,
Merci de ce “moment narratif” qui permet de situer, en partant de rencontres Bordelaises, ta perspective et ton inscription créative dans les pratiques narratives.
Il montre bien comment tu construis en permanence ta capacité à entendre, au delà de la personne, les narrations qui la constituent.
Quand le thérapeute accepte une transformation -déconstruction ?- créatrice de la théorie, il peut alors accompagner un sujet vers la désaliénation.
De ce côté-là avec toi, on sait que l’on a affaire à “quelqu’un”.
Merci de ce très joli post.
Désormais quand je dirai de quelqu’un qu’il/elle aborde la vie “en touriste”, ce sera un très grand compliment !
J’aime aussi beaucoup “laisser venir” vs “courir après”, comme manière de savoir vivre.
Réponses/Remarques aux questions de Pierre
1. Qu’est-ce qui fonde ces grands « healers » ?
Soigner implique prendre soin, prendre soin de l’autre. Il me semble que les grands “soigneurs” sont des compagnons (au sens de rompre le pain ensemble ou pour filer la métaphore militaire des compagnons d’armes).
Pour ma part j’essaie toujours de contaminer mes camarades par mon inépuisable optimisme sur de possibles issues pour la psychologie clinique et plus largement la thérapie et le coaching, car c’est cela mon parti pris pour l’avenir. Nous ne voulons plus du scientisme conquérant de la Psychologie, arc-bouté sur une dialectique du Maître et de l’Esclave lue du côté du maître omnipotent, nous nous sommes du côté des souffrants, des loosers. Les querelles Modernes et Post-Modernes dans l’Histoire de la Psychologie résulte des incompréhensions et imbécilités supplémentaires dans l’exception française. Le Post-Modernisme est une épistémologie originale porteuse d’issues adoptées par ces grands “healers”. Ils ne sont pas du côté de la certitude et des théories à portée universelle. Ils se contentent humblement de séquentielles finalités.
2. Quelles expériences ou espoirs ou talents font que certains prennent pied un jour sur les territoires de l’innocence primesautière ?
Ils pratiquent avec sérieux et ne se prennent jamais au sérieux. Ils pèsent le moins possible et laisse leur ego au vestiaire.
3. Est-ce que cela peut s’enseigner ? S’apprendre ? Se cartographier ?
. S’enseigner non, du moins au sens académique du terme, c’est à mon sens la vie, nos expériences et nos patients, nos clients qui nous l’enseignent.
. S’apprendre non, du moins pas au sens pavlovien du terme (approche constructiviste qui ne tient pas debout. Perception, mémoire et apprentissage ok mais où est la créativité?), il me semble que ce sont les expériences de la vie, les évènements, les rencontres et le vécu qui fondent tu le sais nos identités (nos identités narratives of course!).
. Se cartographier oui, nous pouvons cartographier cette jolie innocence primesautière en la mettant du côté de notre histoire dominante mais c’est l’art du coaching ou de la thérapie qui peut nous permettre non pas de changer qui nous sommes mais simplement de changer de place et de regarder là ou il n’y a rien à voir. J’aime bien cette idée de place et de chaise musicale qui bouge à la lueur des contextes, des paysages relationnels et de nos intentions et valeurs.
J’espère sincèrement avoir répondu à tes questions qui m’amènent à me mettre au travail et à me rappeler ma condition d’homme, d’homme ordinaire en position basse qui à chaque fois reçoit avec humilité des histoires de vie que je tente de soigner et non des personnes que nous aurions à guérir. Il me semble qu’il y a une différence entre santé et clinique. Que se soit dans la thérapie ou le coaching notre responsabilité est de peser le moins possible. Nous soignons des histoires et non des personnes.
Lorsque j’ai visionné une des vidéos sur le net de Pierre et lu ces bouquins, j’ai rapidement saisi qu’il faisait parti de cela (mouvement “d’healers”)…ceux -là “healers”. Nous devons être cohérent avec notre épistémologie et notre approche et tenter de fédérer l’ensemble de nos camarades à cette aventure pour nous amener au village narratif, le village des “ignorants optimistes”…
Serge Mori
Serge, c’est un honneur d’accueillir ici une voix comme la tienne. Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, tu vis à Aix, tu es l’un des thérapeutes narratifs qui ont contribué à faire connaître les pratiques narratives en France, auteur de 2 livres dont le dernier vient de paraître.
La référence à “retour vers le futur” est hilarante et je vois quelques similitudes entre Doc Emmett Brown et Doc Epston.
Mais à ton avis, qu’est-ce qui fonde ces grands “healers” ? Quelles expériences ou espoirs ou talents font que certains prennent pied un jour sur les territoires de l’innocence primesautière ? Est-ce que cela peut s’enseigner ? S’apprendre ? Se cartographier ?