Habitants de Gotham (et de Narrapolis), la Fabrique Narrative vous souhaite une bonne année 2013.
“Batman, the dark knight rises” est un film de propagande. Il nous propose une histoire dominante de problème et une fausse contre-histoire (les gentils sauvent le monde à la fin). Il nous fait passer en sous-main quelques idées silencieuses plutôt gratinées :
- si le peuple prend le pouvoir, il ne fait que des bêtises,
- la suprématie technologique assure la victoire,
- les milliardaires peuvent être beaux et gentils (mais quand même pas au point de se sacrifier vraiment pour la communauté).
Cette propagande en creux nous ramène vers le pouvoir moderne et son inventeur, Jeremy Bentham, philosophe et économiste du 18ème siècle lu et décrypté par Foucault. Son apport ne se limite pas au Panoptique, même si c’est pour ça qu’il est le plus connu. Selon la Revue d’Etudes Benthamiennes, Foucault soulignait chez lui « La fabrication des sujets plutôt que la genèse du souverain ». D’après l’auteur de “Surveiller et punir”, qui a tant inspiré Michael White avant 2004, les pouvoirs disciplinaires destinés au dressage des corps se sont progressivement combinés avec des dispositifs de pouvoir portant sur la vie des populations, avec des “biopouvoirs” qui vont encore plus loin dans la constitution, l’objectivation, la pénétration des sujets, dans la mesure où ils concernent la gestion des populations, leur reproduction, leur hygiène, leur sexualité (voir le débat public actuel sur le mariage gay). C’est ce qui caractérise une gouvernementalité moderne appuyée sur les sciences humaines et médicales, mais renforcée par Hollywood, machine narrative tournant à plein régime pour définir des syncrétismes entre les mythologies et la normalité, afin de montrer (n’en déplaise à Nieztsche) que les surhommes sont des gens comme vous et moi.
Malgré tout ceci, dans notre Gotham à nous, il est bien posible que la fin du monde ait réellement eu lieu en 2012, mais que victimes de l’hallucination de la Matrice, tout le monde ne s’en soit pas encore aperçu. De moins en moins de gens croient à l’histoire de “ce n’est qu’une crise, la croissance va repartir” et au pouvoir des gouvernants et/ou des super-héros pour remettre le courant. Mais l’effondrement prévisible et constaté des anciens cadres ouvre également de nombreuses voies alternatives. De nouvelles histoires vont pouvoir s’écrire, elles ont déjà commencé.
C’est d’être héros de ces nouvelles histoires plutôt que victimes des anciennes, que toute l’équipe de la Fabrique Narrative vous souhaite pour 2013.
“Ô mes pauvres amis, si la vie est courte et la mort éternelle, réveillons-nous et allons hop ! Allons faire des choses folles et héroïques.”Manuel da Fonseca
2013, pour les héros d’une vie simple !