Archives du mot-clé Barcelone

Chansons narratives

Je vous livre ici les chansons de clôture de la 4ème conférence Européenne + de Pratique Narrative et Travail Social qui s’est déroulée à Barcelone. Anne-Sophie y fait référence dans son article “En passant par Barcelone avec mes espadrilles”.

Avec toutes mes excuses pour la qualité artisanale ; la première chanson est en Catalan, la deuxième, vous verrez, en anglais…

Elizabeth Feld, 21 août 2016

Transgresser en investiguant la diversité

Elizabeth nous livre ici un article suite à la conférence à Barcelone d’un groupe catalan (enrutat.org) qui travaille à déconstruire les discours sociétaux dominants sur l’identité et les choix affectifs et sexuels.

Enrutat

Je ne sais pas si, dans vos années de collège ou de lycée, vous avez eu l’opportunité de participer à des ateliers où les questions de genre, d’identité et de choix sexuels et affectifs ont été abordées ? Pour ma part, c’était décidément absent, et je pense que cela aurait pu être très porteur pour beaucoup d’entre nous…

Les deux présentatrices, Laura Poch Riquer et Barbara Rabinad Coll, travaillent ensemble et nous ont présenté le travail qu’elles font à Barcelone dans des ateliers de déconstruction des questions de normes identitaires dans les choix affectifs et sexuels que font les gens, et en particulier les jeunes. Entre autres, elles ont monté 5 groupes qui interviennent dans les lycées à Barcelone. Les groupes mènent des ateliers dans les lycées où ils mettent la norme au centre pour la regarder ensemble, et stimuler des discussions autour des normes qui influent dans la vie sexuelle et affective ; avec comme but aussi de casser la notion de “eux” et “nous”. Dans leurs ateliers, elles posent des questions qui déconstruisent le privilège hétérosexuel, et les notions normatives et dominantes autour de l’identité, la sexualité et l’affection. Elles mettent en lumière la construction sociale de cette réalité.

Par exemple, elles nous ont demandé de fermer les yeux et quand on les a ouverts, il y avait au sol ces papiers :

Enrutat 2

Était-ce difficile pour toi d’accepter ton hétérosexualité ?

Quand as-tu découvert que tu étais hétérosexuel.le ?

C’est un exercice qu’elles utilisent dans leurs ateliers pour stimuler des discussions autour du privilège hétérosexuel.

Elles soulèvent aussi les questions sur le “bullying”, l’harcèlement qui peut se manifester, mais qui n’est souvent pas affronté.

Elles sont également intervenues en jouant une pièce de théâtre dans une des écoles.

Les membres de ce collectif, qui font ce travail, sont âgés de 20 à 65 ans, ils font un travail intergénérationnel, et il y a 5 groupes dans Barcelone .

Comment procèdent-ils ?

  • Ils commencent avec des ateliers “Histoires de vie”,
  • après, la création d’un “Guide didacticiel”,
  • puis, les interventions dans les écoles.

Leurs principes : confidentialité, participation horizontale, communication sincère, respect mutuel, compromis…

Ils se sont également servis des “Fleuves de la vie” (travail de D. Denborough), et d’autres façons narratives pour aider les gens à faire face aux barrières sociales et à développer eux-mêmes des histoires d’initiative personnelle. Ils aident également les gens à faire face, à déconstruire les barrières sociales et à développer des initiatives personnelles.

Ils travaillent de façon collective, et ont aussi créé un projet qui est en ligne (si vous parlez espagnol ou catalan), dont voici le lien : http://www.enrutat.org/#!mdia/c6ap.

“Reapropiant-nos ; Relats de dones lesbianes, bisexuals i pansexuals”
“Relater les vies de femmes lesbiennes, bisexuelles et pansexuelles”

Vous avez des questions ? elles parlent également anglais (pour le français, je ne sais pas…) : info@enrutat.org.

Elizabeth Feld, 4 août 2016.

 

Conversation avec notre SchizoCommunauté

Marie-Rose nous livre ici un article suite à la conférence de Gabriela Ceron Dominguez et Onix Morales Macias le 8 juillet à Barcelone :

Notre SchizoCommunauté
(Nuestra esquizocolectividad)
En conversation avec notre SchizoCommunauté
(Conversando con nuestra esquizocolectividad)

Gabriela Ceron Dominguez, psychologue et Onix Morales Macias, psychothérapeute, exercent toutes deux à Mexico DF.

Accueillir la diversité de nos identités comme projet universel

Gabriela et Onix retiennent l’idée que, d’une certaine façon, nous sommes tous “schizophrènes” puisque faits de toutes ces personnes, personnages, que nous avons croisés, que nous rencontrons et avec qui nous partageons nos vies. De la même façon, nous participons individuellement sans forcément l’appréhender vraiment à la construction identitaire de ceux qui nous croisent ou nous entourent. C’est en cela que se joue notre schizophrénie, nous sommes interdépendants, interagissants.

Elles lancent leur atelier avec cette vidéo :

Video_Ecos_Insurgentes_Esquizocolectividad

Le projet “Esquizocolectividad” trouve son inspiration dans le socio-constructivisme ou constructivisme social. N’ayant pas, moi même, assez de connaissance des travaux de Foucault (Approche constructiviste) ou de Peter Berger et Thomas Luckmann (La construction sociale de la réalité), je ne saurai pas développer plus avant.

Les idées que vous retrouverez sont les suivantes :

  • Nous ne savons jamais combien d’espace que nous occupons chez l’autre.
  • Nous ne savons jamais combien d’espace l’autre occupe en nous.
  • Nous sommes des voix collectives tissant nos propres histoires en relation à l’”Autre”.
  • La Décolonisation de l’être … Re-visiter nos identités comme la construction émergente parmi toutes les autres.
  • Accueillir la diversité de nos identités comme projet universel.
  • “La société humaine montre que la vie de groupe est la condition essentielle pour l’émergence de la conscience, l’esprit, le monde des objets. Les humains comme organismes en possession de ‘soi’ et du comportement humain sous forme d’actes construits” (G.H. Mead). Pour en savoir plus : http://www.naturavox.fr/sante/L-esprit-le-soi-et-la-societe-de-George-Herbert-Mead-1863-1931

1ère partie

Gabriela et Onix nous proposent de répondre individuellement aux questions suivantes (5 mn) :

  1. Quelles sont les personnes qui ont permis que tu sois là ici présent(e) aujourd’hui ?
  2. Pense à une situation (passée, présente ou future) qui (a posé ou) pose problème.
  3. Pense à 5 personnes vivantes ou disparues, proches ou lointaines, voire même des héros qui te portent dans la vie.

2ème partie

L’atelier se poursuit par une séance de relaxation avec visualisation. Nous sommes invités à retrouver les 5 personnes, voire plus, auxquelles nous pensions avant la séance, à converser avec elles et à écouter ce qu’elles auraient à nous dire en relation avec la situation qui nous pose (ou a posé) problème.

3ème partie

A la fin de cette séance de relaxation, nous sommes invités à répondre au Questionnaire de “EsquizoColectividad” (SchizoCommunauté) :

1. Quel.le situation/problème as-tu retenu ?

2. Liste les 5 personnes que tu as choisies : ces personnes peuvent être vivantes ou disparues, voire même des héros qui nous portent dans la vie :

  • A
  • B
  • C
  • D
  • E

3. Questions :

  • Que te dirait A à propos du problème auquel tu as pensé ?
  • Que te dirait B à propos du problème auquel tu as pensé ?
  • Que te dirait C à propos du problème auquel tu as pensé ?
  • Que te dirait D à propos du problème auquel tu as pensé ?
  • Que te dirait E à propos du problème auquel tu as pensé ?

4. Parle nous de ce qui t’étonne (te surprend) dans ce que tu as écrit.

5. Que te vient-il à l’esprit avec tout ce qui précède ?

6. Revenons aux conversations que tu as pu avoir avec les personnes que tu as invitées aujourd’hui. Dans les réponses qu’elles ont pu formuler à la question 3, peux-tu nous dire ce que chacune d’elle valorise en toi ?

  • A, B, C, D, E.

6 (suite). Qu’est-ce qui est important de toi pour chacune d’entre elles?

  • A, B, C, D, E.

7. Par rapport au problème soulevé au début, en entendant ce que tu viens d’entendre :

  • Quelles sont les idées qui émergent ?
  • Quelles sont les nouvelles idées qui surgissent à propos de toi en relation avec le problème ?

8. Ces idées se connectent elles d’une certaine façon à tes propres valeurs ?

9. Quelles actions as-tu entrepris dans le passé qui iraient dans le même sens que ces valeurs ? En relevant la réponse que tu viens d’apporter, que dirais-tu alors au problème ?

10. En arrivant ici aujourd’hui, tu avais une certaine idée du problème, après avoir entendu toutes les personnes ou personnages ou objets, cela a-t-il de quelque façon modifié ton regard vis à vis du problème ? Comment ? Peux-tu nous en parler ?

En même temps, après ces conversations, penses-tu que ta relation au problème prendra une forme différente à l’avenir ?

Choisis 3 questions dans cette liste :

  • Jusqu’où as-tu été porté en écoutant les personnes que tu as invitées ?
  • Qu’est ce qui a le plus attiré ton attention de ce que tu as entendu, senti ou ressenti ?
  • Qu’est ce qui a le plus attiré ton attention : tes sensations ou les signaux envoyés par ton corps ?
  • Qu’est ce qui a captivé ton imaginaire (imagination), qu’est-ce que cela raconte de toi ? Essaie d’être le plus explicite possible.
  • Qu’expriment ces personnes que tu as invitées ?
  • De quelles histoires viennent toutes ces attentes que ces personnes ont de toi ?
  • A quels moments aimerais-tu entendre ces personnes et à quels moments souhaiterais-tu ne pas les entendre ?
  • Quel type de connexion as-tu fait avec les personnes que tu as invitées ?
  • Estimes-tu que tes histoires de vie sont, en quelque sorte, en relation avec les personnes que tu as invitées ? Si oui, qu’est-ce que cela dit de toi ?
  • Est-ce que cela a un lien avec tes valeurs ou tes projets ?
  • Ces personnes ont-elles quelque chose en commun que tu aimerais peut-être valoriser à ce moment-ci de ta vie par rapport au problème ?
  • Si nous pensions que, parfois, la société vous a déshabilité de connaissances locales, de compétences spécifiques, y aurait-il des savoirs ou des compétences que les personnes apprécieraient et valoriseraient ?
  • Ces réponses données par les personnes que tu as invitées, s’opposent en quelque sorte à l’uniformité culturelle. De quelle façon ?

11. Imagine chacune de ces personnes, comment sont-elles passées en toi et toi en elles… De quelle façon as-tu été transformé par ces personnes et de quelle façon, ont elles, elles aussi, été transformées par toi ?

12. Si nous construisions le dénouement de l’histoire en relation avec le problème que tu as choisi et jusqu’à l’endroit où tu as été amené. Que dirais-tu de cette histoire ? Détaille en essayant de mentionner les éléments suivants :

  • Des idées qui favorisent et des idées qui entravent.
  • Des actions qui favorisent et des actions qui entravent.

4ème partie

Pour cet atelier qui se déroulait en 45 mn, nous n’avons pu traiter que les 9 premiers items. Les participants qui ont accepté de parler de l’expérience vécue lors de cet atelier, ont confirmé la puissance de ce processus : “surgissement d’idées nouvelles, reconnexion avec nos propres valeurs, reconnaissance de nos compétences …”

Voilà très humblement ce que je peux vous dire de cet atelier, j’en ai profité pour revisiter mon thème du moment : “Vivre ma retraite” et je remercie les 5 personnes qui se sont présentées à moi ce jour-là pendant cet exercice.

Sur le chemin restent gravées Confiance et Créativité.

Marie-Rose Lamonica, 2 août 2016.

Une vision étendue des membres du Club de Vie (2)

Voici un sixième article de Martine sur un atelier présentant de nouvelles opportunités pour les conversations de remembrement.

Gid’on Mordecai Friedman (gidonmf@narrativetherapyinnovations.com) a animé plusieurs ateliers lors de la 4ème conférence Européenne + de Pratique Narrative et Travail Social.

L’un des ateliers s’intitule “Expanding Opportunities for Re-Membering Conversations”.

Il ouvre deux voies que nous avons testées, et dont j’ai apprécié la puissance : Anti-Membership Interview et Expanded Membership Interview. Voici le second exercice que j’ai envie de partager avec vous.

J’assume la traduction des textes anglais distribués…

Expanded Membership Interview

Certaines personnes qui contribuent à notre identité et à notre sens de “qui nous sommes”, sont connues comme des membres de notre Club de Vie.

Bien que de nombreux membres de notre Club de Vie soient des personnes, nous devons rester attentifs au fait que des objets, des lieux, des animaux familiers, des amis imaginaires ou des organisations peuvent aussi en faire partie. D’ailleurs, certaines personnes développent des liens tout-à-fait prégnants avec un animal, un téléphone portable, ou leur jardin. Ce sont parfois des personnes perçues comme asociales, et isolées.

Il est donc intéressant de nous donner la possibilité d’explorer des membres non-humains, du Club de Vie.

  • Choisissez un lieu, un objet, un animal, un symbole, une communauté… important.e pour vous
  • Racontez-moi une histoire à propos de ce membre particulier de votre Club de Vie
  • Pourquoi ce membre particulier de votre Club de Vie est-il important pour vous ?
  • Qu’est-ce que ce membre particulier de votre Club de Vie connaît de vous, que d’autres pourraient ignorer ?
  • Décrivez ce qui se passe quand ce membre particulier de votre Club de Vie est présent. Qu’est-ce que cela change dans vos pensées, dans vos émotions, dans vos sensations ?
  • Si ce membre particulier de votre Club de Vie avait la parole, que pourrait-il dire de vous ?
  • Quelle identité, quelle perception de vous-même, ce membre particulier de votre Club de Vie enrichit-il ?
  • Si ce membre particulier de votre Club de Vie n’était pas entré dans votre vie, qu’est-ce qui aurait été différent ?
  • Y-a-t-il une valeur, ou une idée, précieuse pour vous, que ce membre particulier de votre Club de Vie représente à vos yeux ?
  • Qu’est-ce que ce membre particulier de votre Club de Vie veut vous apprendre à propos de vous-même, de la vie ou du monde ?
  • Que pourrait-il se passer si ce membre particulier de votre Club de Vie était plus présent dans votre vie ?
  • Où est-ce que cela pourrait vous emmener ?
  • Que pouvez-vous faire pour l’intégrer plus dans votre vie ?
  • Qu’avez-vous envie d’emmener avec vous, à l’issue de notre conversation ?

photo_article_expanded-membership_interview_blog

Martine Compagnon, 14 juillet 2016

Interroger un Anti-Membre du Club de Vie (1)

Voici un cinquième article de Martine sur un atelier présentant de nouvelles opportunités pour les conversations de remembrement.

Gid’on Mordecai Friedman (gidonmf@narrativetherapyinnovations.com) a animé plusieurs ateliers lors de la 4ème conférence Européenne + de Pratique Narrative et Travail Social.

L’un des ateliers s’intitule “Expanding Opportunities for Re-Membering Conversations”.

Il ouvre deux voies que nous avons testées, et dont j’ai apprécié la puissance : Anti-Membership Interview et Expanded Membership Interview. J’ai envie de les partager avec vous. Je vous livre la trame des exercices.

J’assume la traduction des textes anglais distribués…

Anti-Membership Interview

Parfois, notre attachement à une valeur ou une pratique, devient d’autant plus visible que nous vivons une expérience dans laquelle cette valeur ou cette pratique est bousculée. Ou le sentiment que des personnes “ne sont pas comme nous” sur certains points, permet de faire apparaître ce qui nous importe.

Pensez à une relation qui vous irrite. Merci de ne pas choisir une relation ou une expérience associée à un traumatisme. Choisissez plutôt, dans cet exercice, une relation assez triviale, y compris une interaction avec une personne que vous ne connaissez pas.

  • Racontez-moi une histoire à propos de cette interaction choisie.
  • Comment cette interaction a-t-elle affecté vos pensées, sentiments, ou vos sensations physiques ?
  • Qu’est-ce qui vous a mis mal à l’aise, dans cette relation ?
  • Y-a-t-il une valeur, une pratique, précieuse à vos yeux, qui a été mise à mal dans cette interaction ?
  • Racontez-moi une histoire au sujet de cette valeur ou de cette pratique
  • Comment cette valeur ou cette pratique fait-elle partie de votre vie aujourd’hui ?
  • Qu’est-ce que l’histoire, que vous avez racontée, vous dit de cette valeur ou de cette pratique ?
  • Que pourriez-vous apprendre, de cette interaction ou relation ?
  • Comment pourriez-vous concrètement introduire cette valeur ou cette pratique, un peu plus, dans votre vie ?
  • Comment le fait d’avoir raconté cette histoire, influence-t-il la façon dont vous vous sentez proche de / relié à / cette valeur ou cette pratique ?
  • Que pourrait-il se passer si vous gardiez cette conversation avec vous à la fin de notre entrevue et en faisiez quelque chose ?
  • Avec quoi aimeriez-vous repartir, de cette conversation ?

photo_article_anti-membership_interview_blog

Martine Compagnon, 14 juillet 2016

Hospitalité (4)

Voici un quatrième article de Martine sur un autre atelier ayant rapport avec l’accueil des réfugiés.

Des cérémonies définitionnelles, sous forme de rituel d’hospitalité

Un retour de l’atelier “Definitional ceremonies as rituals of hospitality in a mobile and interactive exhibition of Afghan refugees in Belgium”, présenté par Sarah Strauven, Abdul Shirzai et Shakila Yari.

J’assume de nouveau les traductions approximatives des documents et présentations en anglais.

L’atelier est présenté en anglais, tout d’abord par Abdul Shirzai puis Shakia Yari.

Abdul-Shirzai-et-Shakila-Yari-blog

Ils témoignent brièvement de leur arrivée, d’abord en centre d’accueil, durant un à quatre ans avant de recevoir le statut de réfugié.e politique.

Abdul se fait le porte-parole du désespoir des Afghans présents à ses côtés : leur culture, leur richesse, leur humanité sont balayées par des images d’actualités ; ils sont perçus comme représentants d’un peuple guerrier, violent, arriéré.

“Quand une vieille femme refuse dans le bus le siège que je lui offre, je me sens complètement incompris et rejeté” rapporte l’un des supports présentés.

Le témoignage de Shakila met, lui, l’accent sur la fierté et la gratitude qu’elle éprouve aujourd’hui, femme, d’être capable d’agir pour son peuple et de se trouver ainsi, debout devant nous. Notre culture permet le respect des droits de l’homme et de la femme. Elle honore à cette occasion le souvenir de sa mère qui lui prédisait, petite, qu’elle saurait un jour agir pour aider son peuple.

Faire connaître notre culture et célébrer nos actes de résistance

L’idée germe alors dans l’esprit de Sarah (psychologue spécialisée dans les traumatismes et la santé mentale des personnes victimes de déplacements, nourrie de pratiques narratives) et d’Abdul, de faire connaître la culture afghane.

Niaz Mohamed Miyasahib les rejoint et peu à peu émerge le coeur de la réflexion : “comment pouvons-nous modeler (mettre en forme) notre vie dans une nouvelle société, de façon respectueuse de notre passé et de telle sorte que cela ouvre notre coeur et notre esprit à de nouvelles expériences, et que nous nous sentions connecté.es à la fois au passé, au présent et au futur ?”

Un document collectif est constitué à partir d’entretiens individuels. Il porte des témoignages de résilience, des éléments clefs de la culture afghane (des proverbes, des traditions, une carte) et il est nourri par les photos personnelles (tapies au creux des téléphones portables) confiées par les personnes.

“Le fruit de la patience est délicieux”

Un artiste photographe, Dean Pasch, réalise une œuvre graphique, en guise de documentation, à partir de ces éléments. Ces images sont ensuite renvoyées aux personnes et l’artiste recueille les retours. Les images fragmentées et reconstituées, superbes, témoignent de la nature multiple des vies exposées.

De ces supports, Sarah, Abdul, Shakila et d’autres réalisent une exposition. Tous s’engagent de façon bénévoles au service du projet.

Exode et déplacements sont communs à toutes les cultures

Ils décident de profiter en 2014 des commémorations de la Première Guerre Mondiale, pour relier, grâce à ce travail artistique, toutes les personnes, belges, afghanes ou autres populations déplacées. Ils parient sur le caractère universel des peurs, résistances et compétences soulevées quelle que soit l’époque, par l’exode et la fuite.

L’occasion de recueillir des témoignages extérieurs

Ils complètent les expositions par la demande de témoignages de la part des spectateurs / visiteurs. Ils créent ainsi les conditions d’une cérémonie définitionnelle nourrie par des témoins extérieurs.

C’est ainsi qu’à la fin de l’atelier, nous sommes invités à écrire une lettre à l’attention des personnes afghanes sources de l’exposition : que gardons-nous comme points clefs ? Quelle image cela nous donne-t-il de la culture afghane ? Que retenons-nous, qui nous nourrit ?

La narrative comme acte politique

En conclusion de l’atelier, Sarah intervient avec une détermination qui me touche.

Pour expliquer son engagement, et le choix de présenter l’exposition aussi hors des centres d’accueil, elle nous rappelle qu’il est de la responsabilité du groupe dominant de prendre en compte et de minimiser les effets causés par le discours dominant. Le peuple qui accueille et reçoit, porteur d’un discours dominant, a la charge d’instituer les conditions d’un changement.

Prendre soin de l’idiome d’origine

Enfin, elle témoigne du soin qu’ils ont apportés à respecter la langue d’origine.

Une expression traditionnelle afghane (pashtou) traduit la douleur par “le coeur qui brûle / le coeur incendié”.

L’exposition est donc intitulée “How we quench the thirst of our heart”. Quench signifiant à la fois “éteindre un incendie” et “étancher une soif”.

De nouveau au cours de cette conférence, par un tel témoignage, Sarah, Abdul et Shakila soulignent le sens profondément humain des pratiques narratives. Je sais pourquoi cet univers me semble si important et si puissant !

Voici une photo de ma documentation remise en qualité de témoin de l’atelier :

Documentation-Martine-Compagnon-blog

Pour plus d’information, vous pouvez me contacter afin d’avoir les coordonnées de Sarah (anglais, français, néerlandais), Abdul (néerlandais, anglais, pashtou, dari) ou Shakila (anglais, dari).

Martine Compagnon, 10 juillet 2016

Le désir de mourir (3)

Titre original : « Responding to people seeking asylum – Poh Lin Lee (3) »

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Ce troisième article m’est inspiré par un entretien rapporté par Poh Lin Lee, avec une jeune femme du centre australien de détention de réfugiés Christmas Island. J’assume la traduction délicate, et parcellaire, des extraits et des questions partagés.

Pour mémoire, ces personnes récupérées en mer, sont détenues sur un îlot et ont pour seul avenir soit l’expulsion en direction de leur pays d’origine, soit une détention illimitée sur un îlot isolé, soit, beaucoup plus rarement, l’obtention d’un visa leur donnant accès au continent australien, mais sans le droit de travailler ni d’étudier. Ces survivants ne reçoivent aucune information ou notification du sort qui leur est réservé.

La thérapie, un acte politique

Que dire, que faire face à une femme qui dit :

“J’ai tenu durant toute la traversée en pensant que je le faisais pour un futur meilleur. Quand nous avons été recueillis en mer, on nous a donné un gilet de sauvetage et une bouteille d’eau. Je n’ai pas été battue, ou malmenée. J’ai cru pouvoir me sentir en sécurité. Mais aujourd’hui, je ne peux plus continuer à supporter un traitement aussi inhumain. Qu’est-ce que cela leur fait, que je sois vivante ou morte ?” ?

Le désir de mourir, comme seule option de refuser la violation de mes droits humains fondamentaux

Face à une personne qui exprime le désir de mourir, la réponse institutionnelle consiste à vouloir “lui sauver la vie”. Mais dans ce cas, nous retirons à la personne la moindre parcelle d’autonomie et de choix, concernant sa seule possession : elle-même !

Poh Line Lee exprime son souhait profond de ne pas reproduire, dans ses questions et sa posture d’accompagnement, cela même qui est à l’œuvre dans la situation que vit cette jeune femme : la prise de pouvoir absolu du système sur sa capacité à exprimer une volonté.

Elle se centre alors sur l’ici et maintenant, et cherche, par une série de questions, à co-construire avec elle une façon acceptable d’aborder le problème…

Ces questions acceptent de plonger dans la peur, le désespoir avec le souci de comprendre, sans chercher à minimiser, à solutionner.

“Que vivez-vous ici de nouveau qui rendent les choses insupportables ?”

  • “Je ne peux plus continuer comme ça ‘”
  • “Qu’entendez-vous par comme ça ?”
  • “Un traitement aussi inhumain…”
  • “Permettez-moi de vérifier (si je comprends bien)… Est-il possible que vous ayez déjà connu des traitements inhumains ?”
  • “Toute ma vie…”
  • “Vous avez le sentiment aujourd’hui de ne plus pouvoir le supporter. Que trouvez-vous ici aujourd’hui de différent, qui rend la situation insupportable ?”
  • “Lorsque nous avons été récupérés en mer, on nous a donné à bord un gilet de sauvetage, et une bouteille d’eau. Je n’ai pas été battue ou malmenée. J’ai cru pouvoir enfin me sentir en sécurité. (NDLR : mais les conditions de détention, le manque d’information, confinent les personnes dans une situation aussi terrifiante que la dictature qu’ils ont cherché à fuir) (…)”

En creusant cette piste du sentiment de sécurité ressenti en arrivant, Poh Line Lee, tire le fil d’un absent mais implicite :

  • Je suis une personne digne de respect.
  • Je suis une personne qui a de la valeur, et mérite d’être en sécurité.

Par cette plongée dans le désir exprimé d’en finir avec cette situation, Poh Line Lee permet à la personne de donner un sens à sa détresse. Elle ouvre, par le regard porté par la jeune femme sur ses conditions de détention, un espace d’analyse politique.

Relation en conditions extrêmes

Que nous apprennent l’urgence et la tension qui signent ces rencontres (qui peuvent être interrompues à tout moment par une expulsion ou un transfert ?).

Poh Lin Lee partage quelques règles fondamentales éthiques qui l’ont aidé :

  • Commencer par restaurer le sens que chacun peut donner à son existence
  • Chercher à vivre à chaque instant une situation de confiance, car un mot, une expression, peuvent générer brutalement de la méfiance ; et chaque entretien peut être le dernier
  • “Challenger” le pouvoir grâce à la transparence
  • Rechercher une relation de collaboration, de co-élaboration

Un lien avec d’autres lieux où l’on peut entendre le désir de mourir

Une dernière réflexion : la capacité illustrée par Poh Lin Lee, d’accompagner la personne dans son désir d’en finir, me fait penser aux réactions du clown d’improvisation, personnage hors des règles habituelles, qui en maison de retraite accepte de prendre en compte l’envie de mourir de la personne âgée…

Une amie clown, Ciccina Carvello, complice de longue date, s’est entendue répondre -en clown- à une dame âgée qui lui annonçait son désir de mourir : “Bon. À quelle heure ?”. Et cette réponse a déclenché beaucoup d’intérêt chez la vieille dame, qui s’est occupée avec… vivacité de choisir la robe qu’elle porterait, et ce qu’elle donnerait à qui, le jour où…

La Thérapie comme acte politique rejoint le “clown acteur social”, titre d’une formation très connue du Bataclown.

Martine Compagnon, samedi 9 juillet 2016

P.S. :  Poh Lin m’a fait le plaisir d’ajouter le lien sur ce billet sur son site Narrative Imaginings.

La fin de la conférence… ou presque

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Nous voici à la fin de cette conférence intense et soutenue.

Crédit photo : Tassou Tarat

Nous toutes, vos correspondantes pour la francophonie, continuerons de rédiger nos articles sur les multiples ateliers intéressants.

atelier-post-conference-jill-freedman-blog jill-freedman-et-la-super-traductrice-anna-pooley-blog

Actuellement, nous assistons à un atelier post-conférence de notre amie, Jill Freedman, que nous voyons sur la seconde photo accompagnée de sa super traductrice Anna Pooley.

Elizabeth Feld, samedi 9 juillet 2016

Dire adieu (2)

Titre original : « Responding to people seeking asylum – Poh Lin Lee (2) »

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

Saying good bye first

Ce texte m’est inspiré par un entretien rapporté par Poh Lin Lee avec un jeune homme du centre de détention de Christmas Island.

Quand toutes les personnes que tu côtoies
Disparaissent sans crier gare
Sans le temps d’un au revoir
Tu apprends à commencer
Par dire adieu
À tous ceux
Qui engagent la conversation avec toi

Quand toutes les personnes que tu côtoies
Disparaissent sans crier gare
Sans le temps d’un au revoir
Tu prends le temps d’un engagement
Dans chacune des conversations
Qui te relient, même pour un instant

Quand toutes les personnes que tu côtoies
Disparaissent sans crier gare
Tu dis adieu puis bonjour

Demain, quand je te rencontrerai
Je prendrai
Le temps de te dire tout ce que tu m’apportes
Après tout, ici aussi
Je ne sais pas ce qui m’attend
Derrière la porte !

Martine Compagnon, samedi 9 juillet 2016

P.S. :  Poh Lin m’a fait le plaisir d’ajouter le lien sur ce billet sur son site Narrative Imaginings.

Accueillir les réfugiés (1)

Titre original : “Responding to people seeking asylum – Poh Lin Lee (1)”

En direct de la 4ème Conférence Européenne des Pratiques Narratives et Travail Social.

À deux jours d’intervalle, deux présentations ont abordé des exemples d’interventions menées par des praticiennes narratives, auprès de personnes réfugiées et déplacées.

Le Dulwich Center lance un appel à contribution

David Denborough et le Dulwich Center lancent un appel à contribution aux praticiens narratifs : comment pouvons-nous agir, localement, en réseau, auprès des personnes déplacées ? Aujourd’hui, dans le monde, 1 personne sur 113 ne peut pas rentrer chez elle. (Voir document joint Asylum crisis: how can we respond?).

Voici le premier de 3 articles, pour partager mes points clefs de l’atelier donné par Poh Lin Lee, Dulwich Center.

Phosphate, crabes et centre de détention

Christmas Island. Îlot australien au large de l’Indonésie qui “accueille” -le vocabulaire a parfois un humour grinçant- tous les réfugiés interceptés en mer dans les eaux territoriales australiennes.

Au fil des années, et du durcissement de la législation sur l’immigration, seules quatre voies se présentent aux hommes, femmes, enfants internés ici :

  • L’envoi, pour une durée indéterminée, dans un autre centre de détention situé de l’autre côté de l’Australie, dans le Pacifique, sans aucune possibilité de mettre les pieds en Australie,
  • L’expulsion en direction du pays d’origine (Afghanistan, Iran, Irak, Syrie, Sri Lanka…),
  • La détention illimitée dans le centre de détention de l’Île,
  • Un visa pour l’Australie, sans jamais obtenir le droit de travailler ou d’étudier.

Dans tous les cas de déplacements ou d’expulsion, les personnes ne sont pas prévenues à l’avance. L’Administration leur donne en moyenne 10 minutes pour faire leurs paquets et leur adieux avant de disparaître.

No Future

Une personne dans de telles conditions d’incertitude et d’absence de perspective, “tient” 6 mois avant de connaître des troubles psychologiques. 3 mois si cette personne a auparavant vécu une situation de traumatisme, ou de torture.

Le taux de suicide ou d’atteinte à l’intégrité des personnes conduit le Gouvernement à installer un “Torture & Trauma Council”, centre de Conseil aux personnes victimes de traumatismes ou de torture. Ce service, série de baraques en préfabriqué, installées près de l’hôpital, offre aux détenu.es la seule possibilité de sortir du centre de détention, amené.es puis remmené.es sous escorte.

Poh Lin Lee et d’autres collègues du Dulwich Center, interviennent dans ce centre.

Shift from Curing to Enduring / Sustaining

Dans de telles conditions, comment pratiquer des conversations qui parlent d’espoirs et de rêves, d’identité préférées dans le futur, sans se heurter à l’incertitude insoutenable qui plombe la vie des personnes présentes ?

Que faire, lorsque le praticien sait qu’il n’a aucune solution, aucune réponse à la question “qu’est-ce que je deviens demain ?” :

  • Se dire que l’on ne changera rien de façon opératoire, mais que témoigner est essentiel ! La présence des praticiens permet d’apporter une réponse au moins à l’une des trois questions qui hantent les “survivants” : “est-ce que j’existe vraiment ?” “Est-ce que quelqu’un sait que je suis ici ?” “Est ce que je deviens fou ?”
  • Recontextualiser le traumatisme, en replaçant dans le tableau la responsabilité politique, gouvernementale, occidentale, légale… pour sortir de la représentation d’une responsabilité de l’individu dans la situation de détresse mentale qu’il connaît. Faire donc de la thérapie un acte politique.
  • Créer par les conversations, des îlots de sécurité, connectés aux identités préférées, reliés aux valeurs et aux intentions.

Un conte ?

L’homme marche sur la plage. Sur le sable, des milliers d’étoiles de mer abandonnées par le retrait de la marée.

L’homme se penche et en ramasse une. Il la relance dans les flots. Il en attrape une autre, et la relance de toutes ses forces dans l’eau. Puis une autre…

Un autre homme l’accompagne, et l’observe.

  • Pourquoi est-ce que tu t’obstines ? Ça ne sert à rien ! Tu en relances une ou deux. Il en reste des milliers qui vont mourir. Ça ne change rien !
  • Tu as raison. Ça ne change rien au final. Mais tu vois celle-ci, que je tiens dans ma main ? Pour elle, ça change tout !

… et il la renvoie de toutes ses forces dans l’eau.

Martine Compagnon, vendredi 8 juillet 2016

P.S. :  Poh Lin m’a fait le plaisir d’ajouter le lien sur ce billet sur son site Narrative Imaginings.