Voici un quatrième article de Martine sur un autre atelier ayant rapport avec l’accueil des réfugiés.
Des cérémonies définitionnelles, sous forme de rituel d’hospitalité
Un retour de l’atelier “Definitional ceremonies as rituals of hospitality in a mobile and interactive exhibition of Afghan refugees in Belgium”, présenté par Sarah Strauven, Abdul Shirzai et Shakila Yari.
J’assume de nouveau les traductions approximatives des documents et présentations en anglais.
L’atelier est présenté en anglais, tout d’abord par Abdul Shirzai puis Shakia Yari.
Ils témoignent brièvement de leur arrivée, d’abord en centre d’accueil, durant un à quatre ans avant de recevoir le statut de réfugié.e politique.
Abdul se fait le porte-parole du désespoir des Afghans présents à ses côtés : leur culture, leur richesse, leur humanité sont balayées par des images d’actualités ; ils sont perçus comme représentants d’un peuple guerrier, violent, arriéré.
“Quand une vieille femme refuse dans le bus le siège que je lui offre, je me sens complètement incompris et rejeté” rapporte l’un des supports présentés.
Le témoignage de Shakila met, lui, l’accent sur la fierté et la gratitude qu’elle éprouve aujourd’hui, femme, d’être capable d’agir pour son peuple et de se trouver ainsi, debout devant nous. Notre culture permet le respect des droits de l’homme et de la femme. Elle honore à cette occasion le souvenir de sa mère qui lui prédisait, petite, qu’elle saurait un jour agir pour aider son peuple.
Faire connaître notre culture et célébrer nos actes de résistance
L’idée germe alors dans l’esprit de Sarah (psychologue spécialisée dans les traumatismes et la santé mentale des personnes victimes de déplacements, nourrie de pratiques narratives) et d’Abdul, de faire connaître la culture afghane.
Niaz Mohamed Miyasahib les rejoint et peu à peu émerge le coeur de la réflexion : “comment pouvons-nous modeler (mettre en forme) notre vie dans une nouvelle société, de façon respectueuse de notre passé et de telle sorte que cela ouvre notre coeur et notre esprit à de nouvelles expériences, et que nous nous sentions connecté.es à la fois au passé, au présent et au futur ?”
Un document collectif est constitué à partir d’entretiens individuels. Il porte des témoignages de résilience, des éléments clefs de la culture afghane (des proverbes, des traditions, une carte) et il est nourri par les photos personnelles (tapies au creux des téléphones portables) confiées par les personnes.
“Le fruit de la patience est délicieux”
Un artiste photographe, Dean Pasch, réalise une œuvre graphique, en guise de documentation, à partir de ces éléments. Ces images sont ensuite renvoyées aux personnes et l’artiste recueille les retours. Les images fragmentées et reconstituées, superbes, témoignent de la nature multiple des vies exposées.
De ces supports, Sarah, Abdul, Shakila et d’autres réalisent une exposition. Tous s’engagent de façon bénévoles au service du projet.
Exode et déplacements sont communs à toutes les cultures
Ils décident de profiter en 2014 des commémorations de la Première Guerre Mondiale, pour relier, grâce à ce travail artistique, toutes les personnes, belges, afghanes ou autres populations déplacées. Ils parient sur le caractère universel des peurs, résistances et compétences soulevées quelle que soit l’époque, par l’exode et la fuite.
L’occasion de recueillir des témoignages extérieurs
Ils complètent les expositions par la demande de témoignages de la part des spectateurs / visiteurs. Ils créent ainsi les conditions d’une cérémonie définitionnelle nourrie par des témoins extérieurs.
C’est ainsi qu’à la fin de l’atelier, nous sommes invités à écrire une lettre à l’attention des personnes afghanes sources de l’exposition : que gardons-nous comme points clefs ? Quelle image cela nous donne-t-il de la culture afghane ? Que retenons-nous, qui nous nourrit ?
La narrative comme acte politique
En conclusion de l’atelier, Sarah intervient avec une détermination qui me touche.
Pour expliquer son engagement, et le choix de présenter l’exposition aussi hors des centres d’accueil, elle nous rappelle qu’il est de la responsabilité du groupe dominant de prendre en compte et de minimiser les effets causés par le discours dominant. Le peuple qui accueille et reçoit, porteur d’un discours dominant, a la charge d’instituer les conditions d’un changement.
Prendre soin de l’idiome d’origine
Enfin, elle témoigne du soin qu’ils ont apportés à respecter la langue d’origine.
Une expression traditionnelle afghane (pashtou) traduit la douleur par “le coeur qui brûle / le coeur incendié”.
L’exposition est donc intitulée “How we quench the thirst of our heart”. Quench signifiant à la fois “éteindre un incendie” et “étancher une soif”.
De nouveau au cours de cette conférence, par un tel témoignage, Sarah, Abdul et Shakila soulignent le sens profondément humain des pratiques narratives. Je sais pourquoi cet univers me semble si important et si puissant !
Voici une photo de ma documentation remise en qualité de témoin de l’atelier :
Pour plus d’information, vous pouvez me contacter afin d’avoir les coordonnées de Sarah (anglais, français, néerlandais), Abdul (néerlandais, anglais, pashtou, dari) ou Shakila (anglais, dari).
Martine Compagnon, 10 juillet 2016