Par Pierre Blanc-Sahnoun
Beaucoup de thérapies autorisent que l’on écrive sur les personnes qui elles, en revanche, n’ont pas tellement le droit de changer le texte qui parle d’elles. “Contribuer au développement d’une histoire riche est l’acte le plus thérapeutique qui soit”, nous a dit David Epston lors de sa master class d’octobre dernier.
Quelle est la différence entre une histoire riche et une histoire pauvre ? Comment certaines histoires s’y prennent-elles pour rétrécir les autres et à l’issue d’une sorte de duel, conquérir notre loyauté ? Dans un procès, ce sont les jurés, ou le juge, qui en dernier ressort, décident au nom de la communauté, de la “vraie histoire”. Comment contrer l’histoire de l’accusation ? Parce que c’est ce que nous, praticien.ne.s narratif.ve.s, faisons tout le temps. Comment vous y prendriez vous, en tant qu’avocat.e.s pour contester la version du procureur et la description identitaire de l’accusé comme un “criminel” ? Pour établir que la personne n’a pas pu faire cela parce que ça ne correspond pas à son personnage ? Il y a beaucoup à apprendre de ces avocats marrons qui arrivent à faire acquitter des gens dont tout le monde sait qu’ils sont coupables. Ils arrivent à faire “raisonnablement douter” le jury. Le doute raisonnable : un début d’enrichissement de l’histoire du client, déjà l’esquisse d’une plaidoirie. Notre métier est d’influencer le verdict. David dit : “Nous aidons nos clients à devenir de meilleurs écrivains. Pour cela, il faut déjà le devenir nous-mêmes. Donc savoir manier ce qui fait une bonne histoire : le mystère, l’intrigue, les rebondissements. (Citant Michael White) Engager l’intérêt, puis la curiosité, puis la fascination pour leur propre vie. Dire que si quelqu’un est digne de respect, c’est qu’il possède des valeurs auxquelles nous devons le respect.”