Archives du mot-clé David Epston

Des questions qui sauvent des vies

Par Pierre Blanc-Sahnoun

Beaucoup de thérapies autorisent que l’on écrive sur les personnes qui elles, en revanche, n’ont pas tellement le droit de changer le texte qui parle d’elles. “Contribuer au développement d’une histoire riche est l’acte le plus thérapeutique qui soit”, nous a dit David Epston lors de sa master class d’octobre dernier.

Quelle est la différence entre une histoire riche et une histoire pauvre ? Comment certaines histoires s’y prennent-elles pour rétrécir les autres et à l’issue d’une sorte de duel, conquérir notre loyauté ? Dans un procès, ce sont les jurés, ou le juge, qui en dernier ressort, décident au nom de la communauté, de la “vraie histoire”. Comment contrer l’histoire de l’accusation ? Parce que c’est ce que nous, praticien.ne.s narratif.ve.s, faisons tout le temps. Comment vous y prendriez vous, en tant qu’avocat.e.s pour contester la version du procureur et la description identitaire de l’accusé comme un “criminel” ? Pour établir que la personne n’a pas pu faire cela parce que ça ne correspond pas à son personnage ? Il y a beaucoup à apprendre de ces avocats marrons qui arrivent à faire acquitter des gens dont tout le monde sait qu’ils sont coupables. Ils arrivent à faire “raisonnablement douter” le jury. Le doute raisonnable : un début d’enrichissement de l’histoire du client, déjà l’esquisse d’une plaidoirie. Notre métier est d’influencer le verdict. David dit : “Nous aidons nos clients à devenir de meilleurs écrivains. Pour cela, il faut déjà le devenir nous-mêmes. Donc savoir manier ce qui fait une bonne histoire : le mystère, l’intrigue, les rebondissements. (Citant Michael White) Engager l’intérêt, puis la curiosité, puis la fascination pour leur propre vie. Dire que si quelqu’un est digne de respect, c’est qu’il possède des valeurs auxquelles nous devons le respect.”

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Un exercice périlleux suite à la Master Class de David Epston

Par Isabelle Molard

white_t_shirtIWP ? Est-ce que cela vous dit quelque chose ?

Ou bien Insider Witnessing Practices ? Est-ce que cela vous aide davantage ?

Alors, je me lance dans l’exercice et que David soit indulgent sur les dérives que je vais faire en me prenant pour lui.

Le praticien narratif (PN) ou le Pierre Narrateur (si je peux me permettre de l’emprunter) :

Isabelle, avant toute chose, sache que ce que tu vas écrire sera vu par David, c’est pour lui que tu le fais, il pourra ensuite s’il le veut faire un retour sur ce qu’il pense qui est vrai dans ce que dit le David d’Isabelle et ce qui ne lui semble pas vraiment juste dans ses propos. Il pourra aussi dire ce que ces propos lui inspirent pour sa propre vie, vers quoi cela l’amène à penser.

Donc, si tu étais David et en parlant comme si c’était lui qui parlait, que peux-tu nous dire de ces 3 jours à Bordeaux et de ton expérience de conférencier ? Continuer la lecture de Un exercice périlleux suite à la Master Class de David Epston 

Lettre à D. Histoire d’un amour

Par Catherine Vérilhac

andre-gorz-lettre-a-dJe partage avec vous, un petit bout de ce joli livre d’André Gorz que je viens de lire, Lettre à D. Histoire d’un amour.

Il y écrit sur l’amour bien sûr, et c’est de son amour dont il parle, c’est donc narratif, à double titre si je puis dire :

“J’ai eu beaucoup de difficultés avec l’amour (auquel Sartre avait consacré environ trente pages dans L’Etre et le néant) car il est impossible d’expliquer philosophiquement pourquoi on aime et veut être aimé par telle personne précise à l’exclusion de toute autre”.

Plus loin il poursuit en parlant de son amour :

“… montrer comment mon amour pour toi, mieux : la découverte avec toi de l’amour, allait enfin m’amener à vouloir exister ; et comment mon engagement avec toi allait devenir le ressort d’une conversation existentielle”, “… l’amour doit mépriser l’argent”.

Il évoque aussi, plus loin, ses valeurs et ses engagements et notamment à propos de l’acquisition d’une automobile :

“Elle ne nous a pas empêchés de tenir la motorisation individuelle pour un choix politique exécrable qui dresse les individus les uns contre les autres prétendant leur offrir le moyen de se soustraire au lot commun”. Continuer la lecture de Lettre à D. Histoire d’un amour 

qui où quand

Par Martine Compagnon

Canari dans la mineQui pouvait m’apprendre
Que la femme squelettique
Dont les os griffent mes yeux
Était en fait un “canari”
Dans ma mine
Capable de me protéger ?
Être si sensible
Destinée à me montrer
Les messages dangereux
Dont je peux me préserver…

Où pouvais-je chercher
À la lecture des “radicalisés”
Pour quel joyau
Très personnel
Au nom de quelle valeur
Pour moi si belle
Je serais tentée
De tout faire sauter ?

Quand prendre le temps
De retrouver
En moi
Ou chez mes grands parents
Les messages
Entendus enfant,
Qui me parlent d’apprendre
Auprès des “non sachants” ?

Martine

Qu’est-ce qu’une bonne histoire ?

Par Martine Compagnon.

Keep calm and tell a storySi “le fait de contribuer à enrichir une histoire alternative est ce qui se fait de plus thérapeutique” – d’après Michael White – , comment pouvons-nous nous exercer d’une part à écouter et questionner de façon à la faire émerger (“listen for a story” vs “listen to a story”), d’autre part à distinguer ce qui fait d’une histoire, une bonne histoire ?

Cette question a occupé la première matinée de la Master Class de David Epston à Bordeaux.

Par petits groupes, nous avons listé les ingrédients d’une bonne histoire : suspens, mystère, aléa, personnages imprévisibles, chute, usage des sens… Acquiesçant avec l’idée que nous savions tou.te.s en reconnaître une immédiatement au moment où nous l’entendons…

Ces échanges ont créé des liens dans mon esprit avec l’art des conteur.se.s. Je partage donc ce que j’aborde généralement dans les ateliers de conte que j’anime. “Nous” signifiera donc dans le texte “le conteur” ou “la conteuse”. Continuer la lecture de Qu’est-ce qu’une bonne histoire ? 

Capturer l’essence, restituer l’effet

Par Charlotte Crettenand

Les narrative Four : Charlotte Crettenand, Peggy Sax, David Epston et André Grégoire à Montréal la semaine dernière
Les narrative Four : Charlotte Crettenand, Peggy Sax, David Epston et André Grégoire à Montréal la semaine dernière

Voici quelques réflexions de Charlotte suite aux deux journées avec David Epston à Montréal, les 20 et 21 septembre 2016 et en avant-première des 3 journées à Bordeaux des 17, 18 et 19 octobre.

L’expression qui me tourne dans la tête suite aux deux journées avec David est celle empruntée à Marcela Polanco (psychologue à Bogotà, au cas où vous n’auriez pas vu sa magistrale intervention lors d’une conférence TEDx San Antonio Salon en 2014, je vous la recommande : https://vimeo.com/109818243) : la traduction vue comme un commerce équitable.

Cela me parle beaucoup puisque l’approche narrative s’incarne dans le langage et donc, dans un certaine culture. Dans une discussion parallèle à la session, David me disait « ce qu’il faut chercher à reproduire (via une traduction) ce n’est pas le sens littéral mais l’effet que le propos a » (sur le destinataire du message).

Il me semble que la plupart des termes utilisés par Michael et David sont très précis et parlent d’eux-mêmes. Mais une fois ramenés (littéralement) au français, ils demandent à être contextualisés pour être compris. Cela signifierait-il qu’il faudrait trouver une autre image, métaphore ou expression ? Capturer l’essence (les sens) de ce qui est dit et le plonger dans un bain culturel ?

Cela me fait penser à un cours à l’université de Lausanne s’intitulant « Santé et Migration » avec le pédopsychiatre Jean-Claude Métraux (qui a notamment signé l’excellent ouvrage « La migration comme métaphore » , http://www.jcmetraux.ch/index.php/migration-comme-metaphore). Il y était question de la notion d’appartenance(s). Une participante, ayant migré en Suisse, avait dit que, plutôt que de chercher quelle appartenance l’emportera sur l’autre ou à unifier ses différentes appartenances et identités, elle se voyait comme un canevas tissé de fils de plusieurs couleurs (ses différentes appartenances).

De la même façon, j’ai trouvé que David nous a explicitement invité à faire nôtre l’approche narrative. Au-delà de se l’approprier linguistiquement et culturellement, il souhaite même pouvoir bénéficier des nouvelles couleurs et nuances qui y seront apportées (à la manière de Travis Heath, psychologue narratif, qui intervient grâce au rap avec les détenus qui le consultent à Denver).

« Make your own (narrative) burgers so that we can trade burgers ! » (David Epston)

S’il nous a proposé de créer nos propres hamburgers narratifs afin de pouvoir les échanger, je me demande à quoi ressemblerait la poutine narrative ?!? J’en prendrai volontiers contre de la fondue narrative made in Switzerland !

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